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  Une fois parvenue à la salle de contrôle, Santhià fut informée des mouvements de l'équipe de Roman et du déplacement des Descendants de l'observatoire vers un étage complètement hermétique. Elle visionna les enregistrements de l'intervention et serra les poings. Même si Roman avait eu l'ingénieuse idée de les enfermer individuellement, il fallait installer des bloqueurs de magie afin qu'aucun d'entre eux ne tente quoi que ce soit. Le Gardien leur donnerait ses directives par la suite.

  Alors que Santhià était en train de se détendre, rassurée que le lieutenant n'ait pas fait n'importe quoi pour une fois, son regard s'arrêta sur les images de l'observatoire. Pourquoi la Sainte y était-elle encore ? Pourquoi Roman ne l'avait-il pas placée avec les autres Descendants ? La lamie jura entre ses dents et passa par les cuisines pour récupérer des figues d'ion. Elle se téléporta ensuite auprès de la jeune femme enchaînée et posa l'écuelle près d'elle. Santhià passa la main devant la bouche de la jeune fille pour s'assurer qu'elle respirait puis elle la déplaça autant que le lui permettaient les chaînes. La lamie vérifia qu'elle n'avait pas été blessée avant de la secouer légèrement. Elle lui tapota les joues jusqu'à ce que la Sainte ouvre les yeux.

 « ...ap...ah... »

  Santhià soupira de soulagement avant de nourrir la fille visiblement affaiblie et assoiffée. Il ne fallait pas qu'elle meure. Le maître en avait besoin. Toute l'écuelle y passa. La Sainte soupira un vague merci puis perdit connaissance. La lamie vérifia qu'elle ne faisait pas de fièvre avant de la reposer doucement au sol. Il était fort probable que le sort lumineux qu'elle avait utilisé plus tôt l'ait épuisée. La lamie s'occuperait donc de la nourrir régulièrement. En attendant, elle retourna voir Luménor pour lui rapporter les derniers événements.

  Le Gardien félicita Santhià et la chargea de transmettre ses compliments à Roman pour sa réactivité et son initiative. Il pianota ensuite sur son bureau en réfléchissant à voix haute.

 « Maintenant que l'appel a été lancé, nous allons recevoir de la visite. Mobilise les troupes. Il faut renforcer la surveillance et mettre tous les combattants en place. Je ne suis pas certain que tous les retardataires soient de bonne compagnie.

 — La plupart des équipes sont toujours en train de réparer les dégâts causés par le Phénix, maître.

 — Tant mieux ! Qu'ils continuent. Mais je veux que la surveillance soit renforcée !

 — Bien, maître. »

  La belle assistante s'inclina et sortit. Elle transmit les ordres, les compliments et les consignes avec rigueur. D'après les comptes du Gardien, ils attendaient la venue de cinq nouvelles personnes, dont trois Descendants. Cela compléterait la génération malgré la disparition du Phénix. Au moins, chaque membre des lignées serait identifié. Seulement, Santhià ignorait comment se passerait la suite. Seraient-ils obligés de maintenir Descendants et Boucliers enfermés, diminués, jusqu'à ce que le maître parvienne à trouver le moyen de les utiliser à dessein ? Cela lui rappela qu'elle devait mettre en place les bloqueurs et elle s'activa en salle de contrôle jusqu'à ce que l'un de ses subordonnés attire son attention.

 « Madame, on vous demande.

 — Qui donc ? »

  On lui montra les images de l'observatoire et Santhià soupira. La Sainte était éveillée et semblait en pleine forme à présent. Quelle étrange femme ! Quelles que soient ses conditions de détentions, elle paraissait à son aise. Rien ne semblait l'effrayer. En cet instant, elle souriait face au cristal à défaut de pouvoir leur faire signe. Santhià soupira puis se téléporta là-haut.

 « Est-ce qu'il vous faut plus de nourriture ? Vous sembliez faible tout à l'heure.

 — Non merci, pas pour le moment. Je me sens mieux grâce à vous. Je vous remercie pour la nourriture. C’était gentil de votre part. »

  Astralia n'était pas ingrate. Elle avait conscience que la lamie n'avait pas été obligée de prendre soin d'elle comme elle l'avait fait. D'autre part, la Sainte avait été étonnée de la pureté des intentions de la servante de Luménor. Elle ne cherchait qu'à plaire et complaire à son maître sans réelle volonté de faire le mal. Surprise par les remerciements sincères, Santhià hocha silencieusement la tête. Elle croisa finalement les bras, peu disposée à jouer les soubrettes indéfiniment. Elle avait autre chose à faire.

 « Pourquoi m'avez-vous appelée ?

 — Oh, oui ! J'ai trois informations à vous transmettre. La première : il faut trouver la Vouivre avant qu’elle ne se fasse tuer. Elle n'est pas en mesure de venir d'elle-même. La deuxième : la Forêt va s’étendre jusqu’à Saltar. Je sais que ce n'est pas une surprise pour vous, mais attendez-vous à rencontrer quelques difficultés avec elle. La dernière : le Dragon a déjà pris son envol et ne saurait tarder. Évidemment, les Boucliers suivront. »

  Astralia se tut, sourit puis s'agenouilla et se remit à prier. Elle avait fait sa part, à Luménor de se débrouiller avec cela. Santhià demeura pensive un moment puis interrogea la Sainte sur l'emplacement de la Vouivre. Cela semblait être le plus urgent à gérer. Astralia lui indiqua le pays, la région et le village. En contrepartie, elle demanda de la nourriture. La lamie fit un aller-retour pour lui rapporter ce qu'elle demandait tout en réfléchissant. Il fallait d'abord avertir le maître, puis monter une équipe pour récupérer la Vouivre.

  Luménor ne savait pas s’il devait enrager ou se réjouir. Les informations de la Sainte étaient claires. Il se rapprochait de son but. Alors pourquoi ressentait-il ce frisson de mauvais augure ? Était-ce la disparition du Phénix qui le troublait à ce point ? Ou la possibilité qu'il revienne délivrer ses pairs pour les liguer contre lui afin de conclure leur destin ?

  Santhià ne voulait pas perturber le maître dans ses pensées mais il fallait se décider rapidement.

 « Qui est-ce que je mobilise pour cette mission, maître ?

 — Mm… Roman, Talin, et choisis n’importe quel Bouclier. Il ne faudrait pas que la Vouivre leur échappe parce que leurs têtes ne lui reviennent pas. Évitons tout de même qu'il ne se lie à elle. Donc, ne prends pas le plus intelligent, mais pas le plus stupide non plus. Roman veillera au bon déroulement de la mission, Talin est formé au combat et saura assurer leur défense en chemin. Envoyer plus de personnes serait trop voyant. La guerre rend les habitants nerveux. La frontière est sous bonne garde. Les larfoniens ne plaisantent pas quand leurs terres sont menacées. »

  Santhià acquiesça et délivra Xaan Talin de la cellule où il était enfermé comme n'importe lequel de ses camarades. Il ne fit aucun commentaire mais la lamie comprit qu'il n'était pas d'humeur à être câliné. D'ailleurs, dès qu'ils furent isolés, il attaqua froidement :

 « Pourquoi on m'a enfermé ? Le Gardien n'a plus confiance en moi ?

 — Le maître n'a rien à voir avec ton confinement. C'est Roman qui a pris cette initiative. J'étais occupée avec les réparations, tout s'est enchaîné très vite, je n'ai pas pu me dédoubler. »

  Elle n'avait pas besoin d'en dire plus. Xaan comprit que le lieutenant avait accompli une petite vengeance personnelle. L'assassin se chargerait d'exécuter la sienne plus tard. Santhià lui demanda de préparer un sac de voyage le temps qu'elle termine de prendre les dispositions qu'il fallait pour leur départ. Bien que la consigne lui paraisse étrange sur le moment, il s'exécuta et attendit le retour de la lamie dans le petit jardin au cœur du bâtiment où il logeait avant l'envol du Phénix.