Je marche pieds nus sur le sable encore frais. Le ciel se teinte doucement de rose, d’orange et d’or. Devant moi, l’océan respire lentement. Un souffle. Un battement de cœur. Je m'arrête. Quelque chose a changé.

Elle est là.

Assise sur un rocher, les cheveux en bataille, un sourire tranquille aux lèvres. Elle porte un vieux manteau d'aviateur et un regard qui semble avoir tout vécu. Je la reconnais sans l’avoir jamais vue. La Liberté.

 — Tu es en avance, dis-je.

 — Tu es enfin à l’heure, répond-elle en riant.

Je m’assois à côté d’elle. Le vent joue avec mes pensées. Je me tais un moment. Puis je lui demande :

 — Tu es réelle ?

 — Aussi réelle que toi maintenant. Pas plus, pas moins.

 — Alors pourquoi es-tu si difficile à attraper ?

Elle hoche la tête, pensivement.

 — Parce que tu me cherches toujours ailleurs. Chez les autres. Dans les choix qu’on t’impose. Dans les mots qu’on t’autorise. Mais je vis en toi. Je ne me donne pas, je me réclame.

 — Et si on te prend ?

 — On ne me prend pas. On croit me prendre. Mais même enfermée, même bâillonnée, je murmure dans les coins. J’attends qu’on m’écoute. J’attends que tu t’écoutes.

Un silence. Puis, je la regarde droit dans les yeux :

 — Dis-moi franchement… Est-ce que j’ai peur de toi ?

Elle sourit, doucement cette fois.

 — Bien sûr. Tout le monde a peur de moi. Je suis le vertige du choix, le risque de la solitude, l’inconfort de la vérité. Mais je suis aussi la danse, la création, l’élan, l’amour sans condition.

Je ferme les yeux. Le soleil touche l’horizon. J’aimerais que ce moment dure toujours.

 — Tu vas partir, n’est-ce pas ?

 — Je ne pars jamais. Je me cache juste derrière tes excuses.

Je rouvre les yeux. Elle n’est plus là. Le rocher est vide. Mais je sens en moi une présence tranquille, inaltérable.

Un petit goût de sel sur mes lèvres.
Un feu léger dans ma poitrine.
Et cette certitude : elle reviendra si je l'appelle.

Ou peut-être suis-je enfin libre de la suivre.