La Fin de la fin du monde

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Jersey City, mardi 20 janvier 2015

Je suis dans l'une des plus belles villes au monde : New-York. J'ai bientôt 27 ans et ça fait autant de temps que j'ai envie de visiter cette merveille. Autant vous dire que je vis un rêve depuis mon arrivée la veille au soir. J'ai même un rencard avec Amanda, une jolie blonde américaine, rencontrée sur une application pour parfaire ses compétences linguistiques… Aucune intention au départ, aucune arrière pensée. Juste un besoin de s'aider mutuellement dans nos langues respectives. Et puis à force de s'écrire, des affinités se sont créées. Puis le désir d'avoir plus de temps pour l'autre, puis le désir de rencontrer l'autre. Pour, au final, tout simplement, le désir de l'autre…

Bien évidemment, je doute. Je doute de moi, de comment va se passer ce rendez-vous. Vais-je arriver à la séduire ? Vais-je être à son goût ? Tant de futiles questions. Surtout quand on connait la suite…

Car, en effet, rien ne va se passer comme prévu…

Je sors à la station "137th Street-City College", elle m'y attend. On se salue par un câlin,"a free hug" comme ils aiment dire puis on se dirige vers un bar. Il y a un guitariste sur une petite scène qui baraguine des chansons en franglais ou en yaourt. Façon Frédéric Mercury ou Jean-Paul McCartney. On commande nos cocktails, Manhattan pour elle et, le classique mais jamais décevant, Mojito, pour moi.

Tout en sirotant nos breuvages, je vois bien qu'elle me dévore des yeux. Si bien qu'après plusieurs gorgées, elle se penche vers moi, me glisse à l'oreille qu'elle a envie de moi depuis bien longtemps et qu'elle veut qu'on passe la nuit ensemble. Puis elle m'embrasse. Ses lèvres sur les miennes ainsi que ses mots me font l'effet d'une bombe. Mon pauvre petit coeur doit bien se demander ce que c'est que ce bordel…

Mais je suis extirpé de ce moment magique par une envie pressante.

Quand je reviens, c'est le drame. Je découvre Amanda à la table d'à-côté, embrassant une fille, les mains de l'inconnue à un endroit précis que, rigoureusement, ma mère m'a défendu d'nommer ici…

J'essaye bien de récupérer Amanda quand ma rivale m'adresse un sublime "She is mine, now !" tout en retirant le pull de ma target. Puis la voyant l'embrasser dans le cou et avant que ça ne devienne trop cochon, je prends la guitare de notre ami troubadour (vu son niveau, ce n'est pas pour rien que dans troubadour, il y a "bad") et j'entonne une chanson en guise de traitement pour mon petit cœur blessé :

Il y a toi et moi
Et le désir que t'as pour elle
Le problème
C'est que je ne sais plus
Pour qui de nous deux tu te fais belle
Tu dis que mon amour reste
Mais que tu te sens infidèle
Ça se voit tout de suite que malgré toi
Ses airs de femme te donnent des ailes

Tu dis que tu vis La Bourgeoisie Des Sensations
Jamais choisir entre hommes et femmes
Ça a peut-être du bon
Le truc qui cloche chez moi
C'est que mon cœur est à toi
Et d'te savoir nue dans ses bras
J'supporterai pas

Inutile de vous dire que je me sens un peu mieux après ça. Mais hors de question de rester une seconde de plus dans ce bar avec Amanda. Je sors donc et me commence à me diriger vers la station de métro précédemment évoquée. Mais le blizzard qui est, entre temps, arrivé sur New-York souffle avec une violence inouie rendant tout mouvement vain. Le brouillard est tellement dense que je vois à peine mes pieds. En fait, je ne les vois pas, cachés dans quarante centimètres de neige. Je hèle un taxi qui s'arrête rapidement à ma hauteur. Je monte me réchauffer et lui donne mon adresse. Vu les conditions météorologiques déplorables, les ponts étant fermés à la circulation, il est convenu qu'il me dépose juste avant, que je le traverse à pied et qu'un de ses collègues prendrait le relais sur l'autre rive.

Une fois devant le pont, il m'offre la course, me dit où trouver un taxi de l'autre côté et me souhaite bon courage pour la traversée. Sympa ce chauffeur !

Pendant la traversée, la visibilité étant un peu meilleure, j'ai une vision irréelle, de fin du monde : l'Hudson est d'un calme ahurrisant et personne ne me capte. J'ai beau alpaguer des passants, personne ne daigne s'arrêter. Tous les new-yorkais courrent se mettre à l'abri. Je décide d'en faire autant, rejoignant l'autre rive au rythme d'un cheval au galop…

J'aperçois un taxi que je fais s'arrêter. Je monte mais, rapidement, une odeur nauséabonde se dégage. Une atmosphère de mort. Quand, tout à coup, une vision d'horreur : sur le siège à côté de moi, une poupée maculée de sang. Non, ce n'est pas une poupée, c'est une vraie personne. Elle semble avoir de la crème sur la peau. Elle se ressemble à Amanda. Elle porte le même body. Et le même pull à ses pieds. Devant, sur la place du mort, un couteau. De boucher. Plein de sang. Du sang qui semble être frais…

Je cherche à sortir. Impossible. Les portes sont verrouillées. C'est alors qu'une voix féminine, une voix connue, se fait entendre :

  • Where do you want to go, Dimitri ?

Quand le rêve vire au cauchemar…

Mon espoir d'être avec Amanda, un espoir anéanti…

C'est la fin de la fin du monde
Même la mer ne fait plus de vagues
Cette nuit enfin, tout est calme
Toutes les choses tiennent enfin debout
Les lèvres et les mains se répondent
Les mots se touchent sans heurter
Les gens qui se passent à côté
N'existent plus
Ce soir, le monde dort, apaisé
Ce soir, le monde dort, apaisé

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