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Codou l’avait prévenu qu’il retournait chez lui cette nuit. Il s’était éclipsé sans même lui dire au revoir. Gilles le regrettait, car c’était sans doute à cause de l’humiliation qu’il avait subie et de sa faiblesse devant lui.

Désœuvré, il voulut prendre un verre au bar, qu’il avait ignoré toute la semaine précédente. Il fut surpris par le nombre de femmes qui semblaient attendre, toutes très jeunes et très belles. Il se rappela les paroles de Codou : elles étaient ses sœurs de prostitution, cherchant à amadouer un vieux mâle blanc sur le retour. Il les regarda avec pitié. Quel malheur chacune portait !

Il aperçut le responsable des malheurs de Codou au bar. Il alla s’asseoir à côté de lui, sans aucune idée de ce qui allait advenir. L’homme était sympathique. Cadre supérieur dans une grande entreprise, il s’offrait ainsi des séjours sous prétexte de séminaires, pour fuir sa femme et ses adolescents tarés. Gilles se découvrit des talents d’enquêteur, arrivant facilement à faire parler le bonhomme. Il apprit ainsi que la prostitution était la seconde raison de ces ressorts, bien sous tous rapports ! Il joua l’intéressé, tout en faisant comprendre que tous les sexes et tous les âges l’intéressaient. L’autre fonça, sa préférence se portant sur les jeunes éphèbes, au début de leur sexualité. Il aimait particulièrement l’exotisme, naviguant entre jeunes noirs et jeunes asiatiques. Ils dinèrent ensemble. Gilles découvrit des pratiques très spéciales : il les prenait jeunes pour pouvoir jouir sans protection et aimait les ligoter pour qu’ils ne résistent pas. Il se considérait comme un homme généreux, car il les payait le double du tarif normal. Éméché, il continua à décrire tous ses méfaits. Gilles, intéressé, lui demanda comment il trouvait ces trésors. L’autre lui indiqua qu’ici, il s’était rabattu sur le petit plagiste, un peu trop âgé, mais fort agréable. Gilles sut ainsi ce que Codou touchait pour son activité.

En raccompagnant l’homme à sa chambre, il inventa une histoire de gang particulièrement violent qui avait racketté des touristes après les avoir filmés. On lui avait parlé de telles histoires, dans cet hôtel, demandant à son compagnon de beuverie si c’était vrai. Les brumes éthyliques accrurent la vraisemblance, car Gilles ne le vit pas le lendemain.

Le sommeil lourd d’alcool, il avait eu du mal à entendre les grattements à la porte. Il sauta dans les bras de Codou, le couvrant de baisers. Ce dernier allait mieux et répondit à ces avances. Ils se retrouvèrent pleinement, dans le don et l’abandon à l’autre. Gilles eut l’impression de découvrir ces plaisirs. Codou semblait heureux, même si, à son habitude, il ne commenta pas leurs exploits.

Gilles caressait cette peau douce dont il ne se lassait pas, couvrant son dieu de petits baisers de reconnaissance. Il aimait particulièrement couvrir la jeune verge de ses petits hommages, arrivant toujours à en obtenir le suc.

— Je n’ai jamais compris où tu mangeais, lança-t-il soudain, lui-même surpris par sa question.

— Je mange avec le personnel de service, j’ai le droit. On mange comme vous, les restes des plats. On peut même en emporter.

Ils se séparèrent, avant de se retrouver aux bords de la piscine. Avant de se mettre à son travail, Codou se tenait aux côtés de son amant, sous ses caresses intimes. C’est gonflé qu’il partit assurer son petit job, guettant les hommes qui arrivaient. Une famille, la trentaine, deux enfants blonds adorables arrivèrent. Gilles percevait tant de choses à présent ! Il admira le jeu de Codou, la sympathie pour les petits, la, les mots troubles sans doute susurrés à l’oreille du père qui rougit avant de s’éclipser. Codou devait être convaincant, car ils n’avaient échangé que quelques mots. Il revenait vers lui.

— Tu veux la chambre ?

— Comment tu sais ?

— Je t’ai regardé ! Tiens…

— Gilles…

— Va. Tu sais, plus je te regarde, plus je t’aime.

Codou partit, rejoint discrètement par sa conquête. Cela avait paru su facile. Un père de famille avec une belle femme. C’est vrai que l’ambiguïté du plagiste pouvait ratisser large : tous ceux appréciant la beauté juvénile et ouverts à tous les plaisirs.

Gilles examinait tous les hommes, essayant de deviner s’ils étaient des clients potentiels de son protégé, cherchant des caractéristiques d’ouverture aux pratiques entre hommes. La plupart étaient vieux, affichant une arrogance déplaisante. Impossible de savoir. Parmi les plus jeunes, certains paraissaient agréables. Tout ceci était décevant. Il se demanda avec lesquels il pourrait avoir du plaisir, avant de se rendre compte que c’était une question d’homosexuel qu’il se posait. C’était dur, mais finalement, qu’est-ce que ça changeait ? Personne ne se souciait de lui, ici ou en France, encore moins de ses tendances et de son activité sexuelle. Pourquoi ne pas l’accepter ? Même avec ce préambule, aucun individu mâle ne le tentait. Il avait survolé les femmes, toutes définitivement repoussées. En revanche, il ne restait pas insensible au ballet des serveurs, tous en short. Ces longues jambes noires l’enchantaient. Peut-être n’aimait-il que les noirs ? Cette réflexion fut confirmée par un début de réaction. Une autre raison, bien agréable, pour venir s’installer ici.

À ce moment, un couple pénétra dans l’enceinte de la piscine. Le premier, élancé, blond et blanc, une petite barbe, renforça sa réaction. Le second, tirant plus sur le roux, plus enveloppé et doux de formes, avaient un vrai charme. Il les regarda s’installer et s’enduire mutuellement de crème. Leurs gestes prouvaient leur couple et leurs sentiments. Pour la première fois, il voyait un couple gay. Leur naturel finit par achever ces préjugés. Ils paraissaient autrement amoureux que les autres couples. Une envie de ce bonheur l’habita.

Il profita du repas pour tenter de faire connaissance avec ces deux hommes. Un autre couple se joignit à cette table uniquement masculine. Gilles ne pouvait établir leur relation, apparaissant plus distante que celle des Flamands, d'Essen, ainsi qu’il l’apprit lors des présentations. Leur français était teinté d’un fort accent et ils échangeaient en flamand. Les deux autres étaient Parisiens, comme lui. L’un d’eux était légèrement efféminé. Il préféra « manière » pour ne pas dévaluer la féminité de son amant. Rapidement, la conversation roula sur le sujet qui le préoccupait. Les deux Belges séduisants les snobant, il put découvrir la vie des homosexuels à Paris. Cela paraissait simple et facile. Ils venaient tous deux de province et avaient souffert de leur isolement avant de monter à la capitale. Ils venaient simplement profiter du soleil.

Quand il fut questionné, il osa raconter son expérience étrange et soudaine, cherchant ses mots pour nommer ce qu’il ignorait quelques jours auparavant et voulant protéger son ami. Il dut y mettre une certaine émotion, car l’un des Parisiens lui prit gentiment la main, tandis que les Belges l’écoutaient avec attention, avant de conclure :

— Ah, c’est toi, le maître du petit plagiste !

— Pourquoi dites-vous ça ? Je ne suis pas son maître…

— Un noir, une pute, a forcément un protecteur ! Il vient sans arrêt se tenir près de toi, chercher des ordres pendant que tu le tripotes. Tu as bien choisi !

Leur français s’était brutalement amélioré, pour distiller ce venin de jalousie. Gilles rougit de honte devant tant de méchanceté. Il se leva, sous prétexte d’aller chercher un dessert. Didier, le « manièré » le rejoignit.

— Ce que tu as raconté est très beau. Tout ça doit être difficile pour toi. Les Belges sont des gros cons !

Il lui posa sa main sur le bras. C’était le deuxième contact de cet homme. Il avait un physique quelconque, la quarantaine dégarnie et déjà bedonnante. Rien d’un apollon. Pourtant, la chaleur de son écoute et de ses gestes le rendait sympathique. Quel monde étrange.

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