Wonder Woman et YouTube !

21 minutes de lecture

- Putain, Nico t'as assuré !

Je suis appuyée de mes deux mains sur son bureau et regarde le dédale de papier étalé dessus. Son approche est superbe, vraiment impressionnante. Il a réussi une organisation spectaculaire pour les vingt ans du cabinet d'avocat "Miller&Brant" situé dans le quartier des Grand-Hommes de Bordeaux en un temps record.

Il est très doué dans son travail, en quelques années Nico est devenu l'un des organisateurs les plus prisés du sud-ouest. Je suis si fière de lui, de ce qu'il a réussi à accomplir si rapidement. Je croise son regard rempli d’excitation, je sais que c’est un énorme contrat pour lui et je suis certaine qu’il parviendra exactement à ce qu’il veut. Je me redresse, pour le prendre dans mes bras. Cet homme à la force tranquille qui est devenu mon pilier depuis de nombreuses années, mon meilleur ami et mon frère de cœur.

Nous nous sommes connus huit ans auparavant lors du Salon du Mariage de Paris. Il tenait un stand en tant que wedding planer et moi, tout juste sortie de mes diplômes en pâtisserie, je visitais en quête de contacts professionnels. J’avais immédiatement accroché avec sa personnalité. Nico est grand et élancé, ses cheveux blonds coupés courts révélaient la profondeur de son regard vert, avec ses traits fins et son sourire frais, il m'avait tout de suite plu. Je lui étais rentrée dedans, renversant mon café sur sa chemise blanche, ce qui avait provoqué son hilarité et nous ne nous étions plus jamais quittés. J’ai une pointe de nostalgie quand je repense à cette période de ma vie heureuse, cet avant...

- Je suis content que cela te plaise parce que j'ai besoin de toi pour le final.

Hein ! Quoi ?

Nico voyait en moi un as du cake design, j'avais bien quelques bons succès à mon actif, mais là, c'était du lourd. On parlait d'un des cabinets d'avocats les plus connus de la ville, son fondateur, Jacques Miller était parti de rien et avait réussi en trente ans à amasser une petite fortune. Il était devenu l'avocat le plus prisé du sud-ouest et avait pour clients les plus grandes richesses du coin.

- Tu plaisantes ?

J'éclate de rire, mais il est très sérieux en plus. Il relève un sourcil alors que je me redresse en croisant les bras sur ma poitrine.

Il veut ma mort ou quoi ?

- Tu arrêtes de te foutre de ma gueule, il est hors de question que je participe à ça. Tu n’imagines même pas le boulot, je travaille seule, tu as souvent tendance à l'oublier.

J’arpente le bureau de long en large. Il ne peut pas me faire ça.

Réfléchis, réfléchis.

Je checke rapidement mon planning du week-end prochain dans ma tête. Deux mariages, j’ai déjà deux énormes mariages, impossible pour moi de pouvoir honorer ce contrat avec lui.

- Bon pour une fois chérie, tu vas m’écouter ! Tu es super douée et tu le sais, c'est une super opportunité, et... De toute façon, j'ai déjà donné ton nom, ils devraient rapidement te contacter !

Il est vraiment sérieux en plus ! Il m'a pris pour Wonder Woman ou quoi?

- T'es un grand malade, j'ai déjà deux mariages ce week-end-là, comment veux-tu que je fasse ?

Il fait une grimace. Mon meilleur ami a l'art et la manière de me pousser à bout comme personne, faisant naître en moi autant d'amour que de colère en même temps. Il a le don de faire ressortir le pire de mon caractère. Je suis d'ordinaire plutôt calme et posée, mais avec lui, je sors régulièrement de mes gonds. Mon dieu, mon dieu, comment je vais bien pouvoir me sortir de ce pétrin ? Disparaître, je pourrais peut-être disparaître et ne jamais revenir, ça pourrait régler le problème ! Ou alors, je le tue et fais disparaitre son corps. Je suis sûre que je peux trouver la méthode sur internet. YouTube, on trouve tout sur YouTube non?

- Comme toujours, tu vas gérer ça, dit-il avec un clin d'œil.

Ben tiens, démerde-toi avec ça ! Une corde, il me faut une corde! Soit pour l'étrangler, soit pour me pendre!

Bon, je n’ai toujours pas été contactée, ce qui m'amène à penser qu'ils ont peut-être déjà leur pâtissier attitré et cela me rassure un peu. De toute façon, un si grand cabinet doit déjà avoir des contacts avec les plus grands noms du cake design. Ils n'attendent surement pas Cassandra Dubois, la pauvre petite campagnarde qui est venue tenter sa chance dans la grande ville !

- Allez fais pas ta trouillarde, je te connais chérie, c'est la peur qui parle ! Tu as un talent fou et tu souffles un vent de fraîcheur dans cet univers étriqué. Tu es la seule à proposer de telles saveurs, de tels mélanges et tu sais faire preuve d’audace.

Il va me rendre cinglée ! Si un jour, je me retrouve dans les faits divers, dites-vous bien, qu'il en sera le seul responsable!

- Tu m’em-mer-des !

Je lui fais un doigt d'honneur et tourne les talons. Il faut que je sorte d'ici avant de définitivement le faire taire en l’étranglant ! Il me rend folle. J'ai le sang qui bout de colère et quand je suis comme ça, il ne vaut mieux pas se trouver sur mon passage au risque de se faire piétiner. Je passe rapidement dans le vestiaire pour me débarrasser de ma blouse et prendre mon sac à main. Quand je reviens dans l’entrée, il se tient appuyé dans l’embrasure de la porte de son bureau, les bras croisés sur sa poitrine et un petit sourire narquois sur les lèvres. Je le foudroie du regard en me dirigeant vers la sortie.

- T'as raison fuis... Comme toujours !

Il vaut mieux avant que je ne t’étrangle ! YouTube, il faut que je pense à trouver un tuto!

Putain qu’il m’énerve ! Je claque la porte en fulminant et pêche mon portable au fond de ma poche pour appeler ma mère. Mes parents me manquent énormément, j'ai quitté ma région natale pour rejoindre Nico, cinq ans auparavant. Il a réussi à me convaincre que Bordeaux m’ouvrirait plus de portes que Murol. Bien sûr, il avait raison, avec ses cinq cent quatre-vingt-huit âmes, les possibilités étaient plus que limitées pour le métier auquel j'aspirais. Surtout quand on pense à la moyenne d’âge présente dans mon petit village de montagne. Je compose le numéro en me dirigeant vers la station de tramway. Je ressens le besoin d’entendre le son de leurs voix pour apaiser ma colère. Ma mère décroche après quelques sonneries.

- Salut maman !

Mes parents n'ont jamais quitté l'Auvergne, ils ont un peu voyagé mais sont restés près de leurs racines. Mon frère et ma sœur ayant suivi leur exemple, je suis le vilain petit canard de la famille. J'ai fui la maison, ma sœur Susanne est une vrai poule pondeuse, mariée depuis dix ans à Thomas son amour de lycée, elle a déjà quatre enfants. Non pas que je n'aime pas mes neveux et nièces, mais cette vie n'est pas faite pour moi.

Quant à mon frère Scott, il a monté son entreprise de BTP qui marche bien. Toujours célibataire c'est le tombeur de la famille. Il collectionne les conquêtes féminines, toujours la queue à la main, il pratique la langue fourrée de manière professionnelle. Physiquement Scott, ressemble terriblement à mon père avec ses cheveux couleur des blés et ses grands yeux noisette.

Avec ma sœur, nous sommes un savant mélange de nos deux parents. J'ai les cheveux blonds de mon père, les boucles et les yeux de ma mère, alors que Susanne a les cheveux bruns de ma mère et les yeux de mon père.

Je continue ma route en jouant des coudes, les trottoirs sont bondés à cette heure de débauche.

- Ma chérie, comment vas-tu ? Il y a longtemps que tu n'avais pas passé un coup de fil.

Oh maman, comme vous me manquez tous tellement !

Sa voie est enjouée comme toujours, c'est un rayon de soleil quoi qu'il se passe, tout mon contraire. Je sens mon cœur se gonfler d'amour quand j'entends sa voix. Elle m’apaise comme quand j’étais petite. Je ferme les yeux un instant et soupire.

- Je vais bien, à part Nico qui me prend la tête, comme toujours. Il a le don de me faire sortir de mes gonds !

- Il a surtout beaucoup de courage de te supporter à la vie comme au travail, dit ma mère.

Merci maman, c'est exactement ce que j'ai besoin d'entendre ! Putain, mais c'est ma fête aujourd'hui?

Mes parents adorent Nico depuis qu'ils le connaissent, il fait partie intégrante de notre famille. Je dirais même qu’ils le considèrent comme leur fils et comme dans toutes les familles, ils cèdent à tous les caprices au petit dernier. Je suis très contente qu’ils le considèrent comme tel, bien-sûr, mais, j’avoue qu’aujourd’hui, j’aurais préféré que ma mère se range de mon côté. Je ne suis pas vraiment d’humeur à entendre que je suis la méchante de l’histoire.

- Je te remercie maman de ta sollicitude, soupirais-je. Bon sinon comment va papa ?

- Ton père va bien, il s'occupe de son jardin. Il ne peut pas rester en place, tu le connais. Tu lui manques.

Mon père est à la retraite depuis peu, je sais qu'il vit mal de se retrouver toute la journée à la maison. Il a travaillé toute sa vie durement, pour nous offrir tout ce dont nous avions besoin, se retrouver entre quatre murs toute la journée lui est difficile. C'est un trait de caractère dont j'avais d'ailleurs hérité. Il adore ma mère, il a toujours un regard très doux quand il la regarde. J'envie leur complicité de tous les jours, sans toutefois aspirer à la même vie. Avec mon père, nous avons une grande complicité. Il est souvent de mon côté, attirant par la même occasion la colère de ma mère.

Cette dernière me parle de ma sœur, et comme toujours ne manque pas de me rappeler que j'ai déjà vingt huit ans, que je ne suis toujours pas mariée et que mon horloge biologique continue de tourner. Oh mon dieu, toujours le même refrain, ça en devient lassant à la longue ! J'ai déjà du mal à m'occuper de moi-même, alors d'un enfant !

- Tu sais très bien que ce n'est pas ma priorité. Au moins tu auras eu le plaisir de marier une fille qui t'as donné quatre petits-enfants, dis-je.

Et il va bien falloir t'en contenter !

- Oh, ma chérie, voilà papa, je te le passe. Je t’embrasse bien fort.

- Moi aussi maman !

J'entends la porte claquer et le bruit des chaussures de mon père se rapprocher, je suis sûre qu'il a chaussé ses bottes. Un craquement se fait entendre quand il s'empare du combiné.

- Mon bébé. Comment va la vie à la ville ?

- Très bien mon papounet, ça suit son cours. Et toi ? Tes petits-enfants ne te rendent pas fou ?

Je sais que mon père adore les petits, mais je sais aussi qu'ils peuvent le rendre dingue. Ces quatre petits monstres ne peuvent pas tenir en place plus de quelques minutes, voilà encore une excellente raison de vouloir garder ma vie telle qu'elle est !

Cris, pleurs, couches et biberons ! Vraiment pas pour moi !

- Oh ma chérie, réfléchis bien avant de faire une floppée de gosses, profite de ta liberté.

Enfin quelqu'un de mon côté !

Je sens son sourire derrière ses paroles et j'entends ma mère pester à côté de lui, ce qui me fait rire !

J'entends un bip dans le téléphone, me signifiant que j'ai un double appel. Probablement Nico qui cherche à me joindre, soit pour en remettre une couche, soit pour s'excuser. J'hésite un instant, puis je finis par me dire qu'il vaut mieux régler ça au plus vite. Je n’arrive jamais à rester fâchée longtemps avec lui.

- Je dois te laisser papa j'ai un double appel, je te rappellerai plus tard.

- A plus tard mon bébé et passe nous voir. Tu nous manques.

- Oui papa, promis dès que j'ai un moment.

C’est notre rituel habituel, il me dit de venir les voir, j’accepte, mais nous savons pertinemment tous les deux, que je n’en ferai rien. Je raccroche sur un "je t'aime" et regarde mon portable, c'est un numéro qui m'est inconnu.

- Allo !

- Mademoiselle Dubois ? Madame Gauthier du bureau d'avocats "Miller&Brant"

Je me crispe sur mon téléphone, comment a-t-elle eu mon numéro personnel et pourquoi ne pas avoir appelé au labo directement ? Bon sang tous mes espoirs d'il y a quelques instants sont en train de s'envoler avec cet appel.

Je vais le tuer, je jure que je vais le tuer !

- Désolée de vous déranger à une heure aussi tardive et sur votre portable personnel, mais c'est assez urgent. Nicolas Lamendin, nous a donné vos coordonnées, et vous a chaudement recommandée auprès de nos services et après quelques recherches, il s'avère que vous êtes exactement ce que nous souhaitons.

Ben voyons !

Je viens de m’arrêter non loin de la station du tram, la conversation est déjà assez délicate sans que, je ne rajoute le brouhaha ambiant des transports en commun.

- Oui il m'en a parlé en effet.

Il y a environ dix minutes, je le déteste ! Je vais le tuer, c'est décidé !

Ma colère envers Nico refait surface aussi vite qu'elle s'était échappée, bordel, il me met vraiment dans de beaux draps.

Enfoiré de connard de merde ! Je sais que je suis vulgaire, je sais que ça ne se dit pas, mais je suis dans ma tête, alors j'fais ce que je veux !

- Pouvons-nous convenir d'un rendez-vous le plus rapidement possible ?

Après avoir décidé de nous voir en début de semaine prochaine, je raccroche et m'engouffre dans le tram.

Il est dix neuf heures quinze et j'ai faim ! Mais aucune envie de rentrer à la maison pour retrouver Nico. Je suis encore en colère après lui, qu'est-ce qu'il lui est passé par la tête ? Franchement, si je me loupe sur cet évènement, c'est ma carrière qui est morte avant même d'avoir commencé. J'envoie un texto à Jess. C'est la seule que je connaisse qui pourra me remonter le moral. Son côté frappadingue est tout à fait ce qu’il me faut en ce moment.

"Partante pour une tournée des bars à tapas ? " ;-)

Sa réponse ne tarde pas.

"Vodka citron ? yes. Dans dix minutes chez Clancy"

Clancy est un bar à tapas branché, situé sur les quais fraîchement rénovés. Autrefois mal fréquenté, le quartier est aujourd’hui beaucoup plus calme. Les familles s'y promènent en journée et le soir les fêtards s'approprient le lieu, autour des nombreux bars qui y ont prospéré. J’aime cette ville et son ambiance.

Je descends du tram, toujours perdue dans mes pensées, en traversant, je suis à deux doigts de me faire renverser par une bagnole. Jaguar noire, vitre teintée qui cache tout ce qui se trouve à l'intérieur. Un chauffeur de toute évidence, au vu de la casquette qui est vissée sur sa tête. Encore un de ces bourges qui se croit tout permis. Il m'évite et reprend sa route, sans excuse. Je suis vraiment d'une humeur de chien, je lui fais un doigt d'honneur en criant un "enfoiré".

Putain de connard de riche ! C'est vraiment pas ma journée !

Quand je franchis le seuil, Jess est déjà attablée avec un verre au bar. Jessika Peterson, tout juste trente ans, avocate commis d'office au Palais de Justice de Bordeaux. Elle aspire à entrer dans un grand cabinet, ce qui apparemment se révèle compliqué. De taille moyenne, une belle brune aux cheveux raides, lui tombant en dessous des épaules, avec un teint cuivré, elle est d'une rare beauté. Quand elle passe, les regards autant féminins que masculins se retournent sur son passage, elle aurait pu être mannequin si elle avait été plus grande.

Personne n'est parfait !

- Salut ! Alors qu'est-ce que Nico t'a encore fait ? Raille-t-elle.

C’est si évident?

- Il m'emmerde, tu ne peux pas savoir! Ce n’est pas possible d'avoir une si belle tête pleine de vide, dis-je en haussant les épaules.

On est au début du mois de mai, mais il fait une chaleur déjà étouffante. Ca fait déjà cinq ans que je suis ici, mais j'ai toujours du mal à m'habituer à ce nouveau climat. Non pas que dans mes montagnes, il ne fait pas chaud l'été, mais c'est totalement différent. Ici il y a peu de vent, c'est tout bonnement irrespirable. Vu la chaleur qu’il fait, j’appréhende déjà la saison qui s'annonce.

- On se met en terrasse ? Je meurs de chaud.

Il est presque vingt heures, les bords de Gironde se révèlent plus tolérables pour moi. Nous nous installons sur une petite table de type bar, agrémentée de trois tabourets hauts, près du bar extérieur.

Je raconte à Jess toute l'histoire, ainsi que le coup de fil de madame Gauthier.

- Il a eu raison, ce n’est pas avec tes quelques mariages et tous tes anniversaires à thème que tu vas t'en sortir.

Merci de ta sollicitude ! Ai-je déjà préciser que ce n'était pas ma journée ? Oui et bien ça se confirme !

- Je sais bien, mais il aurait pu au moins m'en parler avant. Je ne sais pas si tu te rends compte le travail qu'il va y avoir. On n’attend pas moins de cinq cent personnes à cette petite sauterie.

C’était le minimum ! Putain, j'vais mourir c'est sûr et certain !

Elle se déplace un peu sur son tabouret et se penche vers moi, au-dessus de la table en prenant un air sérieux.

- Il te connait mieux que toi-même, tu le sais et c'est ça qui t'emmerde, pas qu'il ait pensé à toi. Il t’a fait venir ici et il fera tout pour t'aider. Tu en es capable, ce que tu fais est magnifique et en plus c'est divinement bon, ce qui, crois moi, est rare.

Décidemment, ils se sont tous ligués contre moi aujourd’hui !

Le cake design est devenu à la mode ces dernières années, le secteur devient saturé. De la ménagère qui casse les prix, aux artistes de renom qui ne se soucient que du look, j'ai décidé d'exploiter la beauté en y incorporant le goût pour me démarquer. J'aime ce qui est classe et sobre, mais surtout ce qui est bon.

Mon cul est là pour me le rappeler tous les jours d'ailleurs ! Si, si, j'vous jure !

- N'empêche que ça va être chaud, j'ai déjà deux mariages ce jour-là.

- On te filera un coup de main s'il le faut.

Comique avec ça !

J'éclate de rire. Jess qui parle sans réfléchir. Je me demande toujours comment, elle a réussi à faire son métier qui requiert du calme, alors qu'elle est tout le contraire.

- Mais bien sûr, tu ne sais même pas allumer un four.

Elle grimace.

- C'est vrai, mais je sais ouvrir la bouche. Haha haha.

Ah ça ! Et pas que pour bouffer ma cocotte !

Jess fait partie de ces filles qui peuvent avaler tout ce qui leur tombe sous la main, sans jamais prendre un gramme et je dois bien avouer que je l’envie. Elle a une confiance en elle qui me laisse rêveuse, c'est une véritable petite coquine qui collectionne, tout comme mon tendre frangin, les relations. Enfin, si on peut appelé ça une relation, si on considère qu'elle change de pieu, aussi souvent que moi de culotte !

Affligeant, désespérant, navrant... Putain, qu'elle chance elle a !

- J'ai rendez-vous lundi vers onze heures dans leur bureau, on verra. Je connais déjà le thème et je sais exactement ce que j'ai envie de faire par rapport à ce que Nico a déjà créé pour la déco.

Tout est parfaitement clair dans ma tête, j’ai toujours une imagination débordante, quand il s’agit de donner vie à mes gâteaux.

- Ben tu vois.

Elle m'agace ! Prévoir un meurtre supplémentaire dans ma liste des choses à faire ! Oui, je fais des listes, je suis organisée moi !

Mon téléphone sonne au rythme de « baby Shark », je sais donc que c'est Nico à l'autre bout du fil. J'ai par principe d'attribué une chanson à chacun de mes contacts, toutes plus ridicules les unes que les autres.

- Ouaip !

- Putain mais t'es où ? (Un silence se fait). Je déteste qu'on se dispute. (Encore un silence) J'suis désolé, j'aurais dû t'en parler avant.

Continue, tu es sur la bonne voie ! Passe-moi de la pommade, j'adore ça !

J'adore mon meilleur ami, il m'incite sans cesse à me dépasser pour arriver toujours plus haut. Je suis une trouillarde et il le sait, mais il est aussi convaincu que j'ai une grande force en moi. Il me croit capable de relever tous les défis, alors que moi beaucoup moins. Je ne suis pas quelqu’un de fort, bien au contraire, je suis plutôt faible en fait et je n’ai absolument aucune confiance en moi.

- Chez Clancy avec Jess, tu nous rejoins ? Mais dépêche-toi, on est déjà à la troisième vodka citron.

- J'arrive et n'abuse pas trop de la boisson.

Voilà qu'il recommence !

- Ramène ton joli p'tit cul ici et arrête de te prendre pour mon père.

Sur ce je raccroche et range mon téléphone.

- Beau gosse à trois heures, s'écrie Jess !

Putain la honte !

Je pense que la moitié du bar l'a entendue. J'essaye de tourner discrètement la tête et croise un regard d'un bleu océan profond. Son visage parfait, aux contours ciselés est charismatique, ses cheveux bruns, contrastent étrangement avec le bleu de ses yeux. Grand en jean noir parfaitement coupé, t-shirt noir qui épouse sa musculature, col en V faisant apparaitre la naissance de ses poils. Il est à couper le souffle, mon cœur rate un battement et je suis à deux doigts de tomber de mon tabouret. Sa démarche est gracieuse, mais il impose le respect. Il prend place au comptoir extérieur, tout proche de notre table me donnant une vue imprenable sur son profil. C'est le plus beau spécimen de la gente masculine qu'il m'ait été donné de voir. Je sens une chaleur inhabituelle se répandre dans mon ventre pour finir par se loger dans ma culotte.

Bordel de merde ! Je vais devoir sortir Laurel et Hardy du tiroir !

- Dieu existe, soupire mon amie.

Tu devrais parler plus fort encore !

Voilà Jess dans toute sa splendeur, incapable de penser dans sa tête, tout ce qu'elle imagine sort directement par sa bouche. Elle me met régulièrement dans l'embarras, quand elle est comme ça. Heureusement l'inconnu ne semble pas du tout se soucier de nous. En même temps cela ne m’étonne pas trop, il semble tout droit sorti d’un magazine de mode, on ne joue définitivement pas dans la même catégorie !

- Laisse tomber, inaccessible !

Mais putain, qu’est-ce qu’il est excitant !

- J'en ferais bien mon quatre heures, dit-elle.

Ferme la bouche Jess, ferme la bouche !

Nous éclatons de rire. Le barman revint avec notre quatrième tournée. Et s'arrête quelques minutes à notre table.

- Alors les filles comment va ? C'est assez rare de vous voir ici en semaine.

Jason est devenu un bon copain, nous passons la plupart de nos samedi soirs au bar, on fait partie des habitués. On y passe tellement de temps, que je pense que nos fesses sont imprégnées dans la plupart des sièges qui s'y trouvent.

- Besoin de décompresser, lui dis-je en levant mon verre vers lui. Il me fait un clin d'œil.

Nico apparait quelques instants plus tard arborant un grand sourire, il me prend dans ses bras et embrasse Jess.

Que j'aime ce mec ! Non, je le déteste !

- Vous en êtes où ?

- Au quatrième verre, tu as du retard ! Lui dis-je. Jason, un verre pour Nicole quand t'auras cinq minutes.

Nico me donne un bon coup d'épaule, Nicole est le petit nom dont je l'affuble quand il m'agace. Jason éclate de rire et apporte son verre à Nico en me disant :

- Cassie ça c'est du surnom, je vais le garder bien au chaud dans un coin de ma tête. Et il repart en riant.

Je croise le regard de l'inconnu, qui lève son verre dans ma direction. Bon sang ses yeux, ce regard me provoque une décharge électrique, qui va se terminer directement dans mon entrejambe. J'ai le cœur qui bat plus vite et la respiration qui s'accélère. Je n'arrive pas à me détacher de son regard, je suis complètement hypnotisée et la sensation qui se répand dans mon ventre s’accentue.

Il fait chaud non ? Laurel et Hardy au rapport !

Je doute que seule la vodka y soit pour quelque chose. Je retire ma veste fine. Je porte un débardeur blanc et un pantalon à large rayures bleues verticales. Je dois retrouver mes esprits. Bon pour ma défense, il y a tellement longtemps que je ne me suis pas envoyée en l’air, que la seule vue de ce bel apollon me rappelle le manque que je ressens. J’aurais bien besoin de quelques orgasmes en cet instant précis. Je secoue la tête pour chasser cette idée saugrenue de mon esprit, ça n’arrivera pas !

Enfin pas avec lui, mes compagnons de plaisirs solitaires eux, n'auront rien contre une petite utilisation!

Nous sommes attablés depuis plus de deux heures et mes quatre verres me montent un tant soit peu à la tête. Les trois assiettes de tapas n'ayant en rien estompé les effets de l'alcool.

- J'vais pisser, dis-je.

Je me lève et le sol semble se dérober sous mes pieds. Mes jambes faiblissent. Je sens un bras autour de mon ventre qui m'électrise, mes pieds quittent le sol et je me retrouve juchée sur mon siège. Une voix s'élève alors tout près de mon oreille.

- Ça va ?

Hein, QUOI ?

L'inconnu est tout proche de moi, trop proche. Ses mains se sont déplacées, il les a posées de part et d'autre de ma taille et se tient, face à moi. Je sens une boule étrange au fond de mon ventre. Il incline la tête sur le côté et sourit, son regard rivé sur le mien. J'ouvre et je ferme la bouche à plusieurs reprises sans que les mots arrivent à sortir. Je vois de l'amusement dans ses yeux et autre chose que je n'arrive pas à déterminer. J'ai le souffle court et la respiration rapide. Il me sort de ma transe quand il reprend la parole.

- Ca va mademoiselle ?

Je cligne plusieurs fois des yeux et mon cerveau semble enfin bien vouloir se concentrer. Enfin, c’est ce que je crois jusqu’à ce que j’ouvre la bouche.

- Heu, ouais, ça va... J'ai juste envie de pisser !

Très fin comme remarque, bravo !N'importe quoi, je raconte n'importe quoi ! C'est l'alcool, rien d'autre !

Sur ces mots, il éclate de rire et moi j’ai l’impression d’avoir le visage en feu. Sa voix est rauque et sexy au possible. Il a réussi à allumer des étincelles en moi que je croyais perdues à jamais. Je suis excitée. Je pense que je suis en train d’inonder ma petite culotte !

- Vous voulez peut-être que je vous accompagne ?

Il n'est pas sérieux là ? DANGEREUX, il faut que je garde bien ça en tête !

Il semble très amusé de la situation, moi un peu moins, j'ai l'impression d'être la bête de foire du cirque. Le rouge me monte aux joues une nouvelle fois.

- Heu non ça ira, je devrais arriver à faire ça toute seule.

Je saisis tout de suite l'ironie de la situation. J'ai l'impression qu'il voit parfaitement ce qu'il provoque en moi et ça m'agace au plus haut point d'être un livre ouvert devant lui. Il se redresse, écarte une mèche de cheveux qui me tombe sur le visage et la passe derrière mon oreille avant de s'exprimer.

- Alors à bientôt !

A bientôt ? Dans tes rêves beau gosse, ou dans les miens, tout compte fait, j'ai un doute !

Il fait demi-tour, jette un billet sur le comptoir et disparait. Je suis toujours à la même place, incapable de bouger ne serait-ce qu'un orteil. Sa voix résonne encore en moi et des frissons me parcourent toujours. Il vient d'allumer un brasier depuis longtemps disparu et maintenant il va falloir que j'arrive à l'éteindre. Jess me sort de ma torpeur :

- Il vient de se passer quoi là ?

Je fais pivoter mon tabouret pour me retrouver face à elle et m’appuie contre la table.

- Aucune idée, c'était très... Étrange, dis-je.

Je sens encore la chaleur de son corps contre le mien et les picotements qui parcourent tout mon épiderme.

- Etrange ? T'es sérieuse ? Jess éclate de rire. C'était torride oui. C'est une bombe ce mec.

Une bombe qui a déjà disparu et que je ne reverrai jamais. Garde le cap là-dessus ma fille !

Je prends le temps de me ressaisir et finis par réussir à me lever pour aller faire mon tour aux toilettes. En me lavant les mains, je repense à ce qu'il vient de se passer. Un sentiment étrange me parcourt sans trop savoir de quoi il s'agit. De toute façon je n’aurai pas l’occasion de le découvrir.

Oublie ça ma fille, oublie ça !

Après avoir dit au revoir à Jess, je rentre avec Nico. Le réveil va être compliqué, j'le sens bien !


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