Chapitre 7: please allow me to introduce myself...

10 minutes de lecture

- Alors je te laisse seule six petits mois et voilà le résultat ! Ca ne te suffisait pas d’avoir rencontré un alien ?

- J’ai un alien-radar très efficace, c’est pas ma faute !

- En plus il a fallu que tu tombes sur Vérevkine et sa patronne… Tu sais qu’elles font partie des aliens les plus recherchées de la Terre ?

- Non, mais maintenant que tu es là… Je ne risque plus rien !

Antarès n’a rien trouvé à redire à ma puissante rhétorique. Mais du coup son retour dans ma vie a de nouveau bouleversé mon quotidien. J’aurais bien aimé qu’il rejoigne notre improbable colocation… mais apparemment il est incapable de dormir sous un toit.

-Ah ouais, genre « le cosmos est mon campement »… ai-je ironisé.

Mais non seulement il était sérieux, et en plus il n’avait pas lu la Horde du Contrevent… J’étais un peu déçue, heureusement, il passe souvent nous voir à l’appart’. Il veille toujours à prendre une apparence différente à chacune de ses visites, ordre de Vérevkine. Il fait même honneur à mes talents de cuisinière, presque autant que Gwen, c’est dire… Mais j’ai très vite déchanté quand je me suis aperçue qu’il engloutissait avec autant d’enthousiasme tout ce qui est constitué de matière organique… ce qui inclut le papier et le plastique. Bon, au moins, ça diminue les déchets…

Cependant, tout cela n’est rien. Antarès en soi, n’est pas plus envahissant qu’un ami qui ferait de nombreuses visites. Sauf qu’il a exigé que Vérevkine m’entraine à survivre face à un alien hostile… J’ai ainsi appris des tas de choses. La règle de base : « méfie-toi quand un Reptilien sourit, et méfie-toi plus encore quand un Pléiadien ne sourit pas ». Pas sûre de ce que ça veut dire… Enfin. La première chose à savoir faire pour survivre face à un alien : le détecter. Les Reptiliens ont en général la peau froide et ils économisent leurs mouvements au maximum, car maintenir une apparence humaine demande beaucoup d’énergie. Apprenant cela, j’ai invité Verevkine à ne pas griller ses calories pour moi, vu que je connaissais sa véritable identité.

-Je ne suis pas sure que ce soit une très bonne idée… a-t-elle répliqué

J’ai insisté. Mal m’en a pris… Je m’attendais à un truc du genre Mystic dans X-men : les mêmes traits et une peau vaguement écailleuse. Je me suis retrouvée face à… un dinosaure humanoïde à la peau vert bouteille, avec de grands yeux jaunes fendus d’une pupille verticale et une mâchoire très proéminente… un mix entre un véloricaptor et un serpent ! Brrr… je déteste les reptiles en général et les serpents en particulier depuis que j’ai été traumatisée par le basilic dans Harry Potter et la chambre des secrets. Heureusement, Vérevkine ne s’est pas formalisée de mon aversion pour son apparence naturelle. Et Gwen a plus ou moins la même réaction.

D’ailleurs en parlant du loup, j’ai aussi appris des tas de choses sur les Pléiadiens. Leur température corporelle tourne autour de 40°C donc ils doivent manger comme quatre. Bon, ça j’avais à peu près compris. En général ils sont pâles de peau et de cheveux et…terriblement séduisants. Pas tant parce qu’ils sont tous des gravures de mode – manquerait plus que ça – mais parce qu’ils sécrètent des phéromones sexuelles à volonté pour parvenir à leurs fins. Gwen m’a fait une démonstration et … il m’a semblé que la température a monté se plusieurs degrés… puis j’ai commencé à sérieusement mettre en doute mon orientation sexuelle. J’ai aéré la pièce et je suis restée dans le courant d’air jusqu’à ce que mon cœur reprenne un rythme normal… Damned. Je ne pensais pas que la chair était faible à ce point-là. Enfin. Au moins, je sais à quoi m’attendre.

Tout ça, c’était la théorie. La partie facile. L’étape d’après : reconditionnement physique pour faire le poids face aux aliens. Et merde. Je n’ai quasiment jamais fait de sport de ma vie. En fait non : j’en ai testé plein… que j’ai arrêté dès que le coach me faisait remarquer que je tirais au flanc. Sauf la plongée sous-marine, bien entendu… mais bon, ça ne compte pas vraiment comme un sport : pas de compétition, pas de performances physiques particulières à avoir, juste aller dans l’eau et profiter du spectacle. Bref. Tout ça pour dire que Vérevkine me fait désormais suer sang et eau dans sa chambre, qu’elle a aménagé en salle d’entraînement… ou plutôt en salle de torture ! Elle me fait faire des pompes, des burpees, du gainage et bien d’autres exercices sensés transformer en acier mon corps de mollusque. Comme elle sait que son apparence reptilienne me terrorise, elle n’hésite pas à en faire usage dès que je me relâche une demi-seconde. Cette salope a réussi là où tous les autres profs de sport ont échoué : m’obliger à me bouger les fesses !

En parallèle, toujours à la demande d’Antarès (cet enfoiré a dû trouver que je n’en chiais pas assez…), Vérevkine m’enseigne également le Systema. C’est un art martial utilisé par les forces spéciales russes. Le principe ? Atteindre les points « pivots » du corps de l’adversaire afin de retourner sa force et son élan contre lui. Ça va de la clé de bras à la baffe dans le nez en passant par le coup de pied vicelard dans le genou. J’ai aussi appris que ma petite taille est un avantage tactique car mon centre de gravité est plus bas, donc je suis moins facile à déséquilibrer qu’un grand dadais. Globalement, je préfère les séances de Systema à celles de reconditionnement physique. C’est plus fun, moins fatiguant, et surtout, Antarès est mon sparing partner. Vérevkine le fait changer de corpulence pour que j’adapte les techniques apprises à toutes sortes d’adversaires. Des grands balèzes (comme Thor) pour des situations réalistes, des gens de ma taille (genre la reine Amidala) pour peaufiner ma technique, et enfin des personnages détestables (Delorès Ombrage, Ramsay Bolton) pour exacerber ma combativité.

Bref, du coup je suis percluse de courbatures et autres blocages musculaires quasiment en permanence. Je vais voir plus régulièrement ma mère à son cabinet pour m’en libérer. Et j’en profite pour lui donner de mes nouvelles :

« Oui, mes colocs sont cools (tu n’imagines pas à quel point) »

« Non toujours pas de copain en vue, oui j’ai toujours une bombe lacrymogène dans mon sac à main. »

« Oui ça se passe bien les cours. Non, je ne sais toujours pas quand tombent mes partiels… »

« Oui je me suis remise au sport. Qui l’eut cru, haha… Quel sport ? Du... cross-fit. »

Sacrée Maman… Entendant cela elle a décrété que mon état de fatigue chronique était dû à un « syndrome de surentrainement », phénomène qui touche principalement les militaires et les sportifs de haut niveau. Après avoir glissé que la probabilité pour que cela m’arrive est proche de celle que je devienne la première femme sur Mars, ma chère mère s’est proposée pour rencontrer Vérevkine afin d’ajuster mon entrainement physique. Sur le coup j’étais moyennement convaincue de l’idée. Mais après en avoir discuté avec la principale intéressée, j’ai finalement arrangé un rendez-vous à l’appartement. Et… Elles se sont découvert une passion commune pour les plantes carnivores. Finalement, mon entrainement n’a pas vraiment diminué en intensité : j’ai juste droit à des temps de repos plus réguliers. Merci Maman…

Malgré ma vie à cent à l’heure, l’hivers approche et les soirées sont de plus en plus longues. Surtout quand je me retrouve en tête à tête avec Gwen. Comme ce soir où Antarès est sorti et que Vérevkine est toujours cloitrée dans sa chambre… Je manque d'idées pour lancer la conversation alors je lance, mine de rien :

- Mais au fait, c'est quoi ton vrai nom ? Tu as du me le dire une fois mais je n'ai pas retenu…

- C'est Palywenn la Ghanimide. Lâche froidement la Pléiadienne, qui n'a pas vraiment l'air d'apprécier son véritable nom.

- Oh c'est joli, on dirait un nom d'elfe dans le Seigneur des Anneaux… (comme elle n'a pas l'air de comprendre la référence, j'enchaîne) Ça a une signification particulière ?

- Rien de très poétique : Palywenn signifie "fille ainée", c'est-à-dire l'héritière de la matriarche Ghamina.

- Donc si j'ai bien compris ton nom signifie "héritière de la lignée de Ghamina"?

- C'est ça.

- Du coup tu n'as pas de nom heu… propre ?

- J'en aurais un quand je deviendrai moi-même matriarche… mais ça ne risque pas d'arriver.

Une vague de tristesse passe sur son visage parfait. Je juge plus prudent de changer de sujet.

- Et… Tu connais le nom de Vérevkine ?

Gwénaëlle ne répond pas et lève les yeux sur un point au dessus de ma tête.

- Je suis Tentajagd'ea Taj'raka. Intervient l'intéressée qui avait fait son entrée en silence.

Je sursaute violemment et me tourne vers elle avec un sourire crispé :

- Oh alors avec Antarès vous étiez Tento et Tenta…

- Pure coïncidence.

- Ah. Et du coup, ça veut dire quoi, ton nom ?

- Quelque chose comme "la Bâtarde Sanguinaire" mais en plus vulgaire.

- Charmant. C'est toi qui l'a choisi ?

- Non, je l'ai mérité.

- Ah bon ? M'étonné-je même si je n'ai pas très envie de savoir ce que la Reptilienne a bien pu faire pour mériter un tel surnom.

- Pour faire simple, j'ai grandi au ban de la société souterraine et j'ai buté tous ceux qui venaient passer leurs nerfs sur moi à cause de mes origines troubles. Et puis je suis venue vivre à la surface.

Difficile de déchiffrer les émotions de la Reptilienne mais je sens qu'il vaut mieux ne pas chercher à approfondir le sujet non plus.

- Et Antarès ? Enfin son nom complet…

- Hottentottententententoonstellingsterrein ?

Ce nom sonne encore plus barbare et imprononçable dans la bouche de Vérevkine.

- Oui, ça ou alors supercalifragilisticexpialidocious…

- Il ne m'a jamais dit si son nom avait une signification particulière mais il a laissé entendre que c'était un diminutif.

- Damned, ce serait l'équivalent de "Bob" sur sa planète ?

- Il faut croire…

Il s'ensuit un moment de silence pendant lequel je cherche désespérément à relancer la conversation. Mais c'est Gwénaëlle qui le brise la première :

- Et toi, Hélène ?

- Oh heu… "Hélène" ça veut dire "Soleil" en grec. C'est aussi le nom de la plus belle femme du monde. Et celui d'une camionneuse de l'espace qui essaye de survire en défonçant des aliens sanguinaires : Hélène Ripley !

Au moment où je finis ma phrase, je me rends compte que ce n'est peut-être pas l'endroit où dire ce genre de chose. J'essaye donc de détourner leur attention en enchaînant aussitôt :

- Et mon deuxième prénom c'est Maïa et… en général tout le monde pense à un dessin animé pour gamins à propos d'une abeille. Mais Maxime, ça lui fait penser à une civilisation sud-américaine disparue, ce brave petit…

Gwénaëlle fronce les sourcils, ce qui la rend encore plus mignonne.

- Tiens donc… Maïa c'est aussi le nom d'une étoile du système des Pléiades. D'ailleurs, c'est de là que sont partis nos premiers colons sur Terre.

- Ouah, trop classe ! Ça voudrait dire qu'on est un peu cousines, toi et moi ?

- Des cousines très éloignées alors. Les colons de la Première Vague sont arrivés ici il y a environ cinq mille ans. Leurs descendants sont bien mieux adaptés au climat terrestre qu'à celui de leur planète d'origine. Je ne suis même pas sûre que Vérevkine puisse les différencier des humains.

- Ne me sous-estime pas… Peut-être que leurs signatures thermiques sont très proches mais il y a d'autres moyens de détecter ces Pléiadiens.

- Comme par exemple ?

- Ils ont conservé de leurs ancêtres de grandes capacités extra-sensorielles. Ils sont donc beaucoup plus empathiques et compatissants que la moyenne. Ils ne supportent pas de voir quelqu'un souffrir. Ce n'est pas si dur à repérer…

- Si seulement les colons de la Dernière Vague avaient conservé ce genre de caractère… Soupire Gwénaëlle.

Les deux colocataires se lancent dans une conversation à propos des mérites comparés des différentes vagues de colons Pléiadiens à travers les âges. Mais je reste silencieuse, pour deux raisons : la première est que ma science est neuve en matière d'aliens et que donc je suis plus en position d'écouter que de réellement participer à la discussion, et la seconde est que la description des Pléiadiens de la Première Vague m'a rappelé la mise en garde de ma mère lorsque j'envisageai de faire des études de médecine après le lycée.

- Allons ma chérie, tu as le cœur trop fragile pour faire médecine… Avait-elle déclaré.

- N'importe quoi ! J'ai pas peur de voir du sang ! Avais-je vivement protesté.

- Certes. Mais le sang est bien la dernière des choses horribles que tu verras. Tu verras des gens qui ont des escarres qui empuantissent tout un couloir, tu verras des gens qui marinent dans leur merde parce que les aides-soignantes n'ont pas le temps de les changer, tu verras des gens qui cracheront des glaires par leur trachéotomie, tu verras des gosses avec des malformations dignes de films d'horreur. Et quand tu auras vu tout ça, tu n'auras pas vu le pire : tu verras des myopathes qui ont tellement l'habitude de souffrir depuis leur naissance qu'ils ne demanderont jamais de morphine supplémentaire, tu verras des bébés terrifiés par l'approche des blouses blanches, tu verras des gens qui font des efforts surhumains pour simplement respirer, et tu verras des gens qui ont renoncé de lutter. Tu vas côtoyer la souffrance humaine pendant les quarante prochaines années de ta vie et, crois-moi, tu n'auras pas le force de supporter tout ça. Tu as bien trop de compassion.

- Qu'est ce qui te fait dire ça ?

- Je te connais. Tu ressembles bien trop à ton père.

Sa tirade m'avait tellement effrayée que j'ai finalement opté pour un BTS en informatique. Mais rétrospectivement, j'aurais dû être intriguée par la dernière phrase de ma mère : "Tu ressembles bien trop à ton père". Comment pourrais-je ressembler à ce quasi-inconnu qui n'est à la maison que deux soirs par semaine et qui passe ces moments-là affalé sur le canapé à regarder le foot, comme s'il vivait seul ? La compassion n'est pas le mot que j'emploierais pour le définir. Les Pléiadiens de la Première Vague en revanche avaient le même profil…

Damned.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Aakash Ganga ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0