IV. Une mystérieuse contrée / 1

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 Le soleil était déjà haut et le ciel immaculé. Aucun arc-en-ciel n’était visible à l’horizon ni aucun éclair étrange. La nouvelle de la victoire s’était vite répandue et les exilés temporaires commençaient déja à faire demi-tour pour regagner leur résidence.

Caelan n’avait pas beaucoup dormi, trop tourmenté par la journée d’hier. Ayant déjà déjeuné, il attrapa plusieurs denrées en cuisine qu’il posa sur un plateau et remonta dans la chambre de Mara. Il frappa contre la porte espérant que cette dernière s’était réveillée. N’entendant rien, il la déverrouilla et entra.

Mara qui observait la cour extérieure depuis sa petite fenêtre, sursauta. Elle se retourna et fixa Caelan de la tête au pied comme si elle voulait s’assurer de sa présence.

 — Je pensais que si je m’endormais à nouveau, j’y verrais plus clair. Espoir futile, confessa-t-elle en s’asseyant sur le rebord du lit. Au moins, je pourrais remplir mon estomac. Je meurs de faim.

Caelan posa le plateau et demanda à Mara si d’autres souvenirs avaient refait surface. Cette dernière ignora la question et ausculta les denrées cherchant l’ingrédient idéal à avaler. Elle jeta son dévolu sur ce qui ressemblait à une brioche moelleuse de couleur verte.

 — Non, mais j’ai relu l’inscription sur ma bague. On dirait que je suis mariée avec un A.

Cela lui valut un étrange regard de la part de Caelan.

 — Un A, parce que ne me rappelle pas son nom, précisa Mara qui comprit qu’elle n’avait peut-être pas été assez clair.

C’est une tradition de chez vous ?

Le front froncé, Mara hésita un instant.

 — De quoi ?

 — Un anneau pour signifier une union…

 — Et bien oui. Pas chez vous ? bredouilla Mara ne cachant pas son étonnement.

Son incompréhension face au monde qui l’entourait ainsi que son incapacité à se souvenir de quoi que ce soit l’agaçait. Elle avait peut-être oublié son identité, mais elle savait qu’au fond qu’il y avait quelque chose d’étrange ici.

 — Je vais émettre une théorie douteuse. Vous avez dit que j’étais en sécurité ici, alors ne me mettez pas sur un bûcher quand je vais vous exposer mes pensées, enchaîna Mara en se frottant le front machinalement.

Caelan haussa les sourcils, non certain de saisir, mais invita Mara à raconter son histoire.

 — Bah… On est sur la planète Tremblane, n’est-ce pas ? (Caelan acquiesça et Mara continua). Alors je crois que je ne viens pas de votre… planète. Soit je suis folle, soit je rêve, soit… j’ai dû voyager. Mes souvenirs, ou plutôt mes impressions sur ce que ma vie a pu être avant ne corroborent pas avec le… « décor » si vous voyez ce que je veux dire…

Mara arrêta de parler de peur d’enfoncer encore plus son cas. Et comme elle le redoutait, sa théorie déclencha un rire franc de la part de Caelan. Elle n’avait pas de miroir, mais elle était persuadée qu’en ce moment même, son visage devait être aussi rouge qu'une tomate, tellement elle avait honte.

 — Et bien, Mara, c’est une évidence, déclara alors Caelan avec un petit rire. Ce qui bien sûr étonna Mara. » Il se peut que vous soyez folle, mais je doute que vous soyez en train de rêver. Je suis certain que vous avez bien ressenti le froid sous vos pieds hier. Et ce pain que vous venez de manger, ne vous soulage-t-il pas l’estomac ? Est-ce que l’esprit aurait le pouvoir de créer une réalité aussi palpable ? Je crois que quand on rêve, il y a des indices qui ne trompent pas, il faut simplement savoir bien chercher.

Mara demeura muette. L’argumentation de Caelan tenait la route, mais n’empêche que ce monde lui restait inconnu. Elle finit par admettre que le jeune homme avait peut-être raison.

 — Comment savez-vous que je ne viens pas de cette planète ?

Caelan jaugea Mara. À vrai dire, rien qui prouvait son intuition. Il ne pouvait se baser que sur les confessions de Mara et sur ses références culturelles, à l’instar de la bague. Béruc aurait été mieux placé pour lui parler des traditions locales, mais de ce qu’il savait, les coutumes de Tremblane étaient principalement calées sur celle d’Alwyn, la planète mère de l’empire.

— Vous n’avez aucune idée de quoi je parle quand je vous évoque l’Impérium. Je reste prudent avec ce j'avance, mais je suppose que vous venez d’une planète qu’on appelle par ici « EVO », c’est-à-dire une planète en évolution. Tant que le voyage stellaire n’est pas pleinement maîtrisé par ces mondes, l’Impérium n’interfère pas. C’est une loi universelle qui protège des centaines de civilisation à travers toute notre galaxie et au-delà. Ceci n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres. Malgré notre expansion, il subsiste tant de planètes dont nous ignorons encore l’existence…

Caelan marqua une pause pour laisser Mara assimiler ces informations.

 — … Quoi qu’il en soit, la manière dont vous êtes apparue, nous échappe. Votre venue n’est sûrement pas due au hasard. Votre pouvoir nous a tous sauvés.

À nouveau, Mara fronça son regard. Une moue qui commençait à devenir récurrente.

 — Vous parlez de ce truc qui s’est passé hier soir quand je vous ai touché ?

 — Entre autres. Vous êtes certainement une Astrom. La magie coule dans vos veines, c’est indéniable. Cela ne vous évoque-t-il rien ?

Mara hocha la tête négativement. Elle n’arrivait pas à capter cette étrange réalité.

 — Accepter ce qui m’entoure est une chose, mais admettre que… les pouvoirs, ou la magie, enfin, quel que soit le mot pour désigner ça (Mara leva les mains pour essayer d’imager ses propos). Ce truc dont je suis apparemment capable…. Et bien, je pense que c’est un hasard!

Caelan laissa échapper un nouveau rire et continua d’observer l’étrangère. Mara n’était pas très grande, pas bien épaisse non plus. Son visage dénotait un certain caractère. Peut-être à cause de son long nez droit ou de ses fines lèvres. Cependant, ce qui le frappa le plus, c’était ses son regard lumineux aussi pétillant qu’un feu d’artifice.

 — Accompagnez-nous à Ilyiée. Si vous ignorez comment vous avez voyagé ici, si vous n’avez plus de souvenirs, vous pouvez tenter votre chance avec nous. Je vous ferais découvrir ce monde et vous apprendrais à maîtriser vos pouvoirs tout en vous aidant à retrouver votre mémoire, déclara-t-il soudainement.

Quant à Mara, elle haussa les sourcils, le deal semblait lui convenir même si elle ignorait dans quelle aventure elle se lançait et surtout ce que cachait cette proposition inattendue… Malgré tout, après une courte réflexion, elle se rendit bien compte que ses options étaient limitées.

 — Qu’est-ce que je dois faire en échange ? demanda-t-elle d’un ton incertain.

 — Simplement nous aider, éluda Caelan qui bien entendu espérait que Mara recouvre la mémoire afin qu’elle puisse lui expliquer son lien avec l’entité.

 — C’est un bon compromis… je crois.

Le Commandant ne releva pas laissant le temps à Mara d’enchaîner :

 — Si je comprends bien. Nous nous situons sur la planète Tremblane… et vous voulez m’emmener sur une autre planète ? … Alors ça veut dire que nous allons voyager dans l’espace ?

— Exactement.

— C’est insensé, quelque chose m’échappe, murmura Mara en s’adressant à elle-même. Comment ?

— Avec notre vaisseau, le Lyria.

L’inconnue avait l’air d’accepter sa situation de manière plutôt détendue. Troublé, Caelan se demanda comment il réagirait à sa place. Céder à la panique ne servait à rien, dès lors une approche analytique et consciencieuse s’avérait plus adéquate, pensa-t-il. Cette Mara devait en temps normal avoir un tempérament clair et posé, sinon comment expliquer qu’après un bref instant de terreur, elle semblait aussi raisonnée ? Ou alors, la jeune inconnue cachait bien son jeu.

Quoi qu’il en soit, Caelan tout en jouant la carte de la prudence, décida d’accorder pour l’heure, sa confiance. Il avait un don pour détecter le mensonge, cela ne l’empêchait pas de se tromper. Et puis, comme le disait justement le dicton « sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis ». Mara n’appartenait pour le moment dans aucune de ces catégories.

 — Comment allez-vous ? lâcha réalisant qu’il ne s’était même pas donné la peine de l’interroger à ce sujet.

 — Comme si je n’arrivais pas à sortir de mon sommeil, comme si tout ce qui m’entoure n’était qu’une illusion due à un rêve très réel, trop réel, répondit Mara avec une certaine mélancolie.

 — Au moins ce n’est pas un cauchemar.

Mara plissa les yeux et esquissa un léger sourire. Le premier que Caelan voyait.

— Où est Ilyiée ? enchaîna Mara.

— Euhm…, marmonna Caelan prit au dépourvu. Ce n’est pas vraiment explicable. Il me faudrait vous montrer une carte stellaire.

Mara demanda plus de renseignements sur ce que faisait un Venori et sur l’empire Alwyn lui-même. Caelan précisa alors qu’Alwyn était le plus grand territoire humain de l’Impérium, que sa planète principale se nommait Alkian et que c’est là que se trouvait la capitale d’Endora où vivait l’Impératrice Silya Bascrêt. L’empire d’Alwyn était voisin avec la Fédération d’Aramell, un autre territoire galactique peuplé essentiellement d’humains.

Il usa de raccourcis pour éviter de noyer Mara dans un trop d’information. Il craignait déjà de l’avoir perdu.

 — Dois-je en déduire qu’il existe d’autres espèces ? demanda Mara confuse par toutes ces explications sans queue ni tête.

Caelan hocha la tête pour confirmer.

 — Et à quoi ressemblent-elles ? ajouta-t-elle incrédule.

 — Vous les verrez en temps voulu, mais certaines vous troublerons, éluda Caelan pensant qu’il était encore trop tôt pour aborder le sujet.

 — Et qu’est-ce que l’Impérium ? s'enquit-elle ne cachant pas sa déception.

Au fil de son discours, Caelan réalisait que Mara devait tout apprendre et qu’il n’était pas aisé d’évoquer autant de choses sans omettre des détails essentiels. Il reprit donc son cours improvisé et raconta à Mara ce qu’était l’Impérium — un conglomérat de nations dans la galaxie de Fairlor. Il expliqua également qu’il existait un terrain neutre. Une station spatiale appelée l’Égis. C’était en ces lieux où les ambassadeurs de chaque civilisation de l’Imperium se réunissaient. Ils prenaient les décisions concernant la galaxie connue. Dans l’Impérium cohabitaient plusieurs espèces et civilisations et l’Égis tentait de maintenir aux mieux une paix durable.

 — Tout ceci est si passionnant, s’extasia Mara se sentant un peu moins ignorante et dont la curiosité était plus qu’attisée.

Elle ne regrettait pas d’avoir dit oui au voyage qui l’attendait. Mais elle fut soudain interrompue par une vive douleur à la tête. Elle posa sa main en grimaçant.

 — Tout va bien ? s’inquiéta Caelan.

 — Ça va, j’ai eu un petit mal de tête, mais c’est déjà terminé, souffla-t-elle en se redressant.

 — Ça doit être toute cette agitation… Nous continuerons plus tard si vous le voulez bien, conclut le jeune homme en se relevant.

Le Commandant montra à Mara comment le contacter au besoin puis prit congé. Il devait rapporter cet échange à ses compagnons.

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