VI. Le clair-obscur / 1

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 Ce matin-là, Mara crut qu’elle allait se réveiller avec un terrible mal de tête. Elle allait devoir se plier à l’habituelle gueule de bois qui suit les soirées trop arrosées. Roulant dans ses couvertures, elle repensa à son étrange soirée. Elle était pourtant certaine d’avoir beaucoup trop bu et d’avoir rencontré des gens bizarres avec des propos farfelus. Une blague à raconter à ses ami.es.

 — Mes ami.es ? murmura-t-elle en ouvrant grand les yeux après avoir réalisé qu’elle ignorait qui ils étaient.

Elle se redressa d’une traite, retrouvant la même chambre austère du jour d’avant. Elle souffrait toujours d’amnésie et le décor étranger était bien réel. Aubaine ou désespoir, elle n’avait pas encore décidé. Heureusement pour elle, elle n’avait aucune migraine à cause de son excès d’hier. Tant mieux !

Habillée, Lumia vint la chercher pour l’emmener vers le froid extérieur. Les trois autres venoris avaient déjà rassemblé leur affaire et n’attendait plus qu’elle.

 — Est-ce que tu es déjà allé dans l’espace ? demanda Tréviane à Mara alors qu’elle découvrait la navette dans laquelle ils allaient voyager.

Mara regarda l’engin aux courbes aérodynamique. Il était gris anthracite sauf le bout de son nez indigo. Ses ailes courtes et flanquées vers l’arrière.

 — Dans l’espace…, susurra Mara dubitative. Rien qui ne me revienne en tête…

 — C’était une question ironique, comment seriez-vous arrivé ici autrement que par l’espace ? pouffa Tréviane amusé.

Il lui lança tout de même un regard circonspect, cherchant à voir si elle aussi plaisantait. Mara se contenta d’esquisser un sourire crispé, puis posa son pied sur la plateforme métallique.

L’habitacle était étroit par rapport à son aspect extérieur, mais suffisant pour accueillir au moins huit passagers en plus du pilote. Le reste de l’espace intérieur était réservé à la soute et aux marchandises éventuelles.

Tandis que la jeune femme prenait place à tout hasard, Tréviane rejoignit le poste de pilotage. Elle était en face de Caelan et Béruc. Lumia s’occupa de l’attacher avant de se mettre à côté d’elle.

 — Vous êtes anxieuse ? s’exclama Caelan.

La question était rhétorique, le visage livide de Mara parlait de lui-même.

 — J’aurais peut-être dû manger quelque chose, j’ai toujours la nausée quand je voyage à jeun.

 — La virée ne sera pas longue, une fois que nous aurons gagné la frégate, vous n’aurez même plus l’impression d’être dans un vaisseau spatial.

Le sas fermé, Tréviane enclencha les stabilisateurs, puis engagea les moteurs. Dans un simple vrombissement, le vaisseau décolla du sol avant d’amorcer sa douce montée. Mara eut un léger haut-le-cœur et s’agrippa à une poignée. Malgré son malaise, elle restait fascinée et ne quittait pas le parebrise des yeux.

 — Est-ce dur à piloter ? demanda-t-elle.

 — Un engin de cette taille, avec toutes ces commandes automatiques, c’est rudimentaire. Même vous en quelques leçons, vous pourriez voler, rétorqua Tréviane.

La navette filait tout droit vers le firmament et bientôt elle entra dans une zone de turbulence. Elle était en train de traverser l’atmosphère de Tremblane. Puis au bout de quelques minutes, l’espace et ses premières étoiles apparurent dans la sombre splendeur. Les secousses cessèrent, et une sensation de plénitude s’installa dans le vaisseau. Elle sentit ses cheveux se redresser, alors que son corps semblait beaucoup plus léger

Mara qui avait déjà eu un bon lot de surprises resta bouche bée. Intérieurement, bien qu’elle ne comprenait pas ce monde et ce qui lui arrivait, elle se disait chanceuse de vivre une expérience aussi fascinante. Elle chercha la boucle de sa ceinture. L’envie de profiter de l’apesanteur l’agitait trop pour qu’elle demeure en place.

 — Ici, indiqua Lumia en appuyant sur un bouton.

 — Je peux me lever ?

 — Fais-toi plaisir !

À peine fut-elle détachée, Mara s’envola vers le plafond. Elle se mit à rire aux éclats devant son public amusé par son innocente réaction.

 — C’est extraordinaire ! souffla-t-elle en apercevant dans la vitre, quelques scintillantes étoiles.

Tréviane dévissa son cou pour observer Mara se régaler.

  — Je vois que ça vous plait !

 — Elle n’a pas froid aux yeux. Moi, la première fois, je suis resté scotché à mon siège, déclara Béruc qui regardait Mara avait étonnement.

 — Moi, je m’en souviens plus, j’ai toujours connu ça, répliqua Tréviane.

 — Et vous, Caelan ? s’enquit Mara en essayant de se tenir droite.

Pour cela, elle avait levé les mains pour s’accrocher au plafond.

 — Je ne voulais plus redescendre et mon frère a enclenché l’antigravité, je me suis écrasé comme une mouche.

Mara leva les sourcils, surprise. Elle ne savait pas si c’était un jeu de bizutage ou une mauvaise blague.

 — Ce salaud a toujours été une teigne, précisa Tréviane.

 — C’est comme ça que j’ai eu ma première cicatrice au menton, confirma Caelan. Il a été puni pendant un mois, ajouta-t-il satisfait.

Tréviane amorça bientôt son approche vers le Lyria, une frégate flambante neuve du commando venori. Elle était blanche, bariolée d’indigo. Un énorme symbole était gravé sur chacune des ailes recourbées.

 — Il était temps de redescendre, Mara, signala Tréviane en appuyant sur quelques boutons.

Aidée par Lumia, Mara regagna sa place et se rattacha.

L’un des sas du Lyria s’ouvrit vers l’arrière, c’est par là que Tréviane s’engouffra. Quelques secondes plus tard, la petite navette atterrissait dans la soute et s’arrimait au pont grâce aux fixations mécaniques.

Encore en émoi, Mara frôla pour la première fois le sol du Lyria. Les yeux rivés sur le décor, elle faillit trébucher. Pourtant, il n’y avait pas grand-chose à voir : un second transporteur, ainsi que deux véhicules terrestres. De grosses caisses solidement attachées remplissaient le reste de l’espace bordé de câbles divers. Il y avait une légère odeur synthétique, peut-être de l’huile de moteur, mais ce n’était pas désagréable.

 — Est-ce votre vaisseau ? demanda Mara.

 — Il appartient à la flotte venorie, précisa Caelan en prenant le pas.

Après avoir quitté le hangar, les quatre venoris rejoignirent le pont numéro trois. Ils saluèrent au passage les deux mécaniciens qu’ils avaient croisés dans la soute.

Le blanc dominait le troisième étage tandis que des bandes de différentes couleurs parcouraient le mur - il s’agissait surement d’une signalétique -. Les lumières encastrées sur les côtés ainsi qu’au plafond éclairaient le couloir d’une lueur douce. Le sol était recouvert de grosses plaques gris anthracite, dissimulant la structure du vaisseau. Il n’y avait pas d’odeur à cet étage, probablement filtré par un système de ventilation ultra-efficace.

Caelan s’arrêta au bout d’une coursive sans issue.

 — Ce n’est pas très grand, mais vous bénéficierez du confort et de l’intimité nécessaire, annonça-t-il en activant l’ouverture d’une porte située à sa droite.

Une cabine modeste au ton indigo apparue, dotée d’un simple lit, d’une armoire à porte coulissante avec miroir, d’un minuscule coin bureau face au lit et d’une étroite salle d’eau privative.

  — Tu me trouveras en face, notifia Lumia en montrant sa propre chambre exactement pareille. Bien que la sienne était habitée et décorée aux goûts de l’Eforie.

Il faut dire qu’un venori voyageait beaucoup, c’était donc un petit réconfort que de retrouver le même espace lorsqu’ils étaient en transit.

Béruc prit congé dans sa cabine située à côté de celle de Mara. Tandis que Caelan enjoint Tréviane à transmettre le rapport de mission et d’ordonner le départ du Lyria en direction d’Ilyiée. Aussitôt, celui-ci s’excusa et prit le chemin de la passerelle au niveau supérieur.

 — Que se passe-t-il maintenant ? demanda Mara qui avait à peine regardé l’intérieur de ce qui allait être son nouvel espace intime pour une durée indéterminée.

 — On va vous apprendre à devenir une astrom ! annonça le Commandant.

 — Maintenant ?

 — Chaque instant de la vie est un apprentissage, rétorqua Caelan en faisant demi-tour dans le couloir.

 — Comment est-ce que vous pouvez m’enseigner à être une astrom ? Lumia ne serait-elle pas mieux placée ?

— Pas aujourd’hui, intervint Lumia. Maîtriser le flux magique qui nous anime demande une grande concentration et le commandant est parfaitement placé pour vous expliquer cette étape primordiale.

 — Est-ce en rapport avec le fait d’être un Venori ?

 — En quelque sorte. Les venoris ont le pouvoir de résister à la magie et de la contrer. Apprenez à canaliser votre énergie et vous franchirez déjà un stade crucial, répondit Caelan en invitant Mara à prendre le pas.

Une fois de plus Mara se retrouva seul à seul avec le Commandant. Cela ne lui déplaisait pas, mais elle était intimidée par sa présence.

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