VII. Paradis perdu / 3

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 Le soir venu, Mara rejoint le réfectoire commun accompagné de Lumia.

Tréviane et Béruc étaient déjà attablés et braillaient. Avec eux, d’autres Venoris écoutaient attentivement les dernières aventures survenues à Tremblane.

 — Sur Briss, on a aussi découvert des cadavres de Danariens. On a assisté à la fin d’un duel sanglant, conclu Béruc.

 — Il paraît qu’on en trouve un peu partout dans l’Impérium, annonça l’un des Venoris.

 — S’ils sont en train de s’entre-tuer, on peut les remercier, répondit un autre venori.

 — On pense plutôt qu’ils sont en train de former une alliance et que ce eux qui refusent se font éliminer, signala Béruc en posant sur la table l’anneau qu’il avait récupéré au pic Rouge.

Les Venoris se mirent à ausculter l’objet avec curiosité.

La pièce était pratiquement déserte, mais Mara ne put s’empêcher de ralentir le pas lorsqu’elle aperçut le groupe de Venoris attablés avec Béruc. À bord du Lyria, elle avait eu l’occasion de croiser des membres de civilisations différentes, mais elle avait encore un peu de peine à s’y faire. Elle reconnut tout de même un Padani avec ses grands yeux globuleux et son immense taille. Il y avait aussi un revizikiam qui semblait voler comme un ombre impalpable, mais qui était d’une douceur incomparable au touché. Elle avait appris que les Revizikiams étaient tous télépathes et que c’était essentiellement grâce à eux qu’on expédiait des messages intersidéraux. Cette capacité était lorgnée, car il n’y avait pas assez d’astroms psychiques pour s’occuper de toutes les transmissions. Cela avait donc contribué à faire de leur peuple, l’un des plus prospères de tout l’Impérium. Sans Revizkiam ou astrom, il fallait emprunter les nombreuses stations relais, et un message pouvait mettre de jours, voir des mois avant de parvenir à son destinataire.

Cinq minutes plus tard, Caelan apparut manifestement exténué. La tablée se tut et salua l’officier.

Caelan les enjoint à poursuivre et s’assit.

Lumia attrapa la louche et servit la soupe posée devant elle. Elle offrit le bol à Caelan.

 — Que se passe-t-il ? demanda Tréviane reconnaissant bien là le regard soucieux de son ami.

 — Encore des tensions entre Alwyn et Aramell, grommela Caelan en plongeant sa cuillère dans le bol.

Tréviane roula les yeux, dépité.

La fédération d’Aramell et l’Empire d’Alwyn étaient les deux principaux régimes humains au sein de l’Impérium. Longtemps rivaux, les deux territoires galactiques maintenaient depuis quelques siècles des rapports plus ou moins courtois. Or, depuis l’ascension du Roi Romus Darven, le monarque de la fédération d’Aramell, d’anciennes querelles refaisaient surface.

 — Romus prétend que l’Impératrice lui refuse l’accès aux « sources divines », annonça Caelan en jetant un coup d’œil discret en direction de Mara.

Il cherchait à analyser les réactions de la jeune femme.

 — C’est une blague ! s’exclama Tréviane qui faillit avaler de travers.

Il arrêta aussitôt de rire lorsqu’il s’aperçut que Caelan était on ne peut plus sérieux.

 — Il pourrait au moins faire preuve d’un peu plus d’inventivité, intervint Béruc.

L’Ascor faisait allusion à tous les prétextes de guerres et de querelles qu’ils avaient pu entendre au cours de sa longue vie.

 — En politique tout peut changer si vite, et un seul imbécile peut détruire des siècles de paix rien que pour satisfaire son égo, rajouta Lumia.

 — Et laisse-moi deviner, Romus prétend que les sources divines sont sur Alkian ! intervint Tréviane.

Caelan acquiesça. Les sources divines étaient considérées par le paontoïsme comme l’un des fondements du monde. Les écrits mystiques conféraient aux sources divines le pouvoir de la béatitude. Le concept étant abstrait, les théories à propos du vrai pouvoir divergeaient. Quoiqu’il en soit, ce n’était pas tant la question. La motivation de Romus semblait suffisamment grande pour engendrer des inquiétudes à Alwyn.

 — Beaucoup de spéculations pour pas grand-chose. Une partie du Sénat d’Aramell n’adhère pas aux idées du Roi, je doute qu’il parvienne à obtenir davantage de ressources pour financer sa quête insensée, rappela Tréviane.

 — J’admire ton optimise ! L’Impératrice Bascrêt n’est pas aussi confiante que toi, souleva Caelan.

Perdue, Mara continuait à manger discrètement son repas. Elle ne comprenait rien et bien qu’elle avait envie de savoir, elle n’osait pas intervenir. Elle avait cette terrible impression de ne pas être à sa place, ce qui n’échappa pas à Caelan qui continuait à garder un œil discret sur elle.

 — Connaissez-vous les sources divines ?

Mara ne réagit pas, ne comprenant pas qu’on s’adressait à elle. Elle releva la tête lorsqu’elle sentit les regards tournés vers elle.

 — Pardon ? bégaya-t-elle gênée.

Caelan sourit, amusé par la fraîche timidité de Mara.

 — Les sources divines. Est-ce que vous en avez déjà en entendu parlé ?

Mara leva les yeux, réfléchissant rapidement.

 — Ce nom ne me dit rien. Qu’est-ce que c’est ?

Caelan expliqua alors que les sources divines étaient liées aux croyances de certaines protoreligions humaines, ainsi qu’au paontoïsme, un culte qui s’était répandu un peu partout dans l’Impérium.

 — Et pourquoi le Roi Romus pense que les sources divines sont sur Al.. Ala, ka, demanda Mara piqué par la curiosité.

 — … Alkian, corrigea Caelan. Alkian est avant tout un symbole, celui de la résilience humaine. Ce qui fait d’elle une planète convoitée et choyer par tous les humains. Elle abrite également la cité sacrée de Shambhala, l’un des fiefs du paontoïsme.

 — Shambhala ? s’exclama Mara.

Ce nom ne lui était définitivement pas inconnu pourtant elle n’arrivait pas à saisir la connexion avec ce lieu et ses souvenirs.

 — Est-ce que vous connaissez ?

 — J’ai cru pendant un instant, mais je n’en suis pas sur…,

Caelan scruta Mara, espérant qu’elle ajoute quelque chose. Mais visiblement, aucun autre souvenir ne revint dans la tête de la jeune femme.

 — Ma question est peut-être stupide, mais si ce Romus est Roi, pourquoi doit-il se plier devant son sénat ? N’a-t-il pas le pouvoir suprême de régent ?

 — Aramell est une monarchie fédérative, de ce fait le Roi Romus reste lié à son sénat. Ajoutons à cela que l’Impérium voit d’un mauvais œil les guerres de conquête spatiale.

Mara commençait à saisir quelques subtilités politiques même si ce n’était que les grosses lignes. Elle se frotta la tête avant de poser une nouvelle question.

 — Je m’excuse, mais en quoi les Venoris sont reliés à tout ceci ?

 — L’Impératrice d’Alwyn soupçonne Romus d’avoir scellé un pacte avec les Danariens. Ces renégats utilisent la magie à des fins néfastes, alors qui dit magie destructrice et alliances basses, dit intervention venorie.

Caelan attrapa l’anneau barré toujours posé sur la table pour le montrer à Mara. Il ne la quittait pas du regard, observant la moindre de ses réactions, comme s’il cherchait à détecter quelque chose.

S’il l’avait fait venir jusqu’ici et qu’il lui avait accordé le gîte et le couvert, c’était avant tout pour obtenir des réponses.

 — Qu’est-ce que c’est ? demanda Mara.

 — Il s’agit du symbole universel de la magie, le « darax ». Et lorsque les deux barres parallèles sont barrées par une autre barre en sens inverse. Cela signifie le rejet, le « darax noxom ». En des temps reculés, on marquait au fer rouge les individus dotés de magie de ce sceau. Même si aujourd’hui elle est acceptée, la magie a toujours mauvaise réputation. C’est un paradoxe, mais beaucoup la craignent.

 — Mais si les Danariens possèdent des pouvoirs magiques pourquoi s’affichent-ils avec le darax noxom ? C’est contradictoire !

 — C’est ce que nous cherchons à comprendre…

Mara se demanda si elle en savait plus qu’avant où moins. Elle voulut poser davantage de questions, mais il se faisait déjà tard. Aujourd’hui encore, elle avait beaucoup appris. C’était impossible de tout retenir, mais elle se promit de prendre des notes tout à l’heure afin d’éviter les questions doubles. Elle avait commencé son journal lorsqu’elle était montée à bord du Lyria et tous les jours, elle rajoutait des lignes. Son nouvel univers était si complexe qu’il était difficile de tout appréhender. D’autant qu’elle cherchait également à se remémorer son passé égaré.

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