Chapitre 09

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MATT

Une journée de plus à la caserne s'apprête à commencer. Que ça va être dur de ne pas crier haut et fort que je vais être tonton, j'aimerai pouvoir le faire et sortir le champagne mais j'ai fais la promesse de ne pas ouvrir ma bouche jusqu'à autorisation ! Je l'ai suffisamment ouvert précédemment !

  • Qu'est-ce qui te rend aussi heureux ? Me demande Clément alors que je retire mon t-shirt pour enfiler mon uniforme.

Je dois visiblement avoir un sourire niais peint sur la gueule pour qu'il relève le bonheur qui émane de moi. J'essaye de l'effacer aussitôt, ma langue passe furtivement entre mes lèvres et je souris à nouveau.

  • Tout va bien Clém ! J'aime ce que je fais, j'ai des collègues au top, que demander de plus franchement ? Répondai-je complètement survolté dans le sens positif.

  • Hum... Répond t-il à moitié convaincu de ma réponse. T'es vraiment bizarre depuis ton arrivée, je t'assure !

  • Ah, moi bizarre ? Non, tout va bien mon Clém ! Répondai-je en quittant les lieux.

Je me dirige dans la salle de pause pour prendre le troisième café de la journée, lorsque j'ouvre la porte, je retrouve les filles en pleine dispute, je manque de me recevoir une assiette en carton en pleine face.

  • Ok, je repasserai plus tard... Déclarai-je en esquivant une seconde assiette que Mélody vient de lancer avant de capter ma présence.

  • Ohhhhh pardon Matt ! Rétorque Mélody en posant sa main contre sa bouche visiblement embêtée par son geste. Ce n'était pas toi que je voulais viser... T'es bien d'accord que j'ai le droit de ne plus vouloir adresser la parole, ni être amie avec Betty-Lou ?

Qu'est-ce que je vais répondre à ça ? Je les aime bien toutes les deux, je ne veux pas prendre partie. Je vais devoir recadrer en tant que futur capitaine de la caserne.

  • Oui, effectivement c'est ton droit ... Bafouillai-je ne sachant plus où me mettre.

  • Mais je n'ai jamais dis que tu n'en avais pas le droit ! Juste professionnellement on n'aura pas le choix, il faudra bien que l'on se parle ! Risposte Betty-Lou en se positionnant devant Mélody.

  • Je ne suis pas obligée de te dire bonjour pour autant ! Rétorque Mélody en se rapprochant encore plus que Betty ne s'est rapprochée déjà.

  • Wohwhowho attendez vous vous disputez pour un bonjour non dit ?! Dis-je sur un ton cinglant pour les rappeler à l'ordre. Vous vous rendez compte que c'est complètement idiot ?! Mélody tu en veux a Betty-Lou et tu as toutes les raisons de la haïr mais le meilleur moyen c'est de ne pas vous calculer ! Je vous rappelle que nous sommes dans une caserne et vous connaissez les règles !

  • Désolée Matt ça ne se reproduira plus me répond docilement Betty-Lou.

  • Si on a plus le droit de dire ce que l'on pense merde ! Rétorque Mélody en me fusillant du regard.

  • Tu peux mais il y a des tournures de phrases à avoir ! Continuai-je.

  • Dit celui qui pétait un câble pour rien et qui a éclaté la gueule de mon ex dans les couloirs de la caserne ! Me défie Mélody.

  • Mélody ne me cherche pas sur ce terrain si tu ne veux pas avoir d'ennuis, tu parles à ton lieutenant je te signale ! Ronchonnai-je. Et je n'étais pas aussi mature qu'aujourd'hui ! On a tous le droit de faire des erreurs, juste il ne faut pas les refaire !

  • Tu l'étais clairement pas tu veux dire ! S'amuse t-elle à me répondre avec un sourire narquois.

Je préfère ne pas relever ça ne vaut pas la peine de surenchérir, je lève les yeux au ciel et disparait en direction du hall d'entrée pour retrouver mes recrues, je laisse donc tomber l'idée de me servir un café. Anaïs me tend la joue pour me faire la bise, de par mon grade, je n'aime pas tellement qu'elle le fasse. Cela pourrait me faire perdre toute crédibilité au milieu de ses collègues. Après tout c'est ma belle-soeur et elle m'écoute toujours très attentivement et s'est bien rattrapée depuis l'an dernier, je ne vais pas non plus la snober.

  • Bonjour à tous, vous allez prendre un tapis dans le local on va s'entraîner dans la cour pour une séance de gainage, pompes et compagnie ! Déclarai-je en les voyant s'activer.

ANAÏS

Accompagnée de Naëlyne et des autres, j'entre dans le local pour récupérer ce que nous a demandé notre lieutenant.

  • Tu fais la bise au lieutenant toi ? Me demande Naëlyne en plongeant ses yeux dans les miens.

  • Ouais répondai-je. Garde-le pour toi, déjà qu'il m'a regardé de travers quand je lui ai fais la bise mais Matt, c'est mon beau-frère. En clair, c'est le mari de ma grande soeur ! Comme un frère pour moi et si je suis devenue celle que je suis c'est grâce à sa bienveillance et au fait qu'il m'a empêché la prison ! J'en ai fais des conneries ma belle mais j'ai changé et je ne suis pas fière de tout ce que j'ai pu faire dans le passé ! Je te raconterai plus tard ! D'avoir intégré la formation de SP est une façon pour moi de me racheter et d'un côté c'est par passion !

Naëlyne et moi, ça a tout de suite accroché dès le premier jour. Elle est discrète et c'est ce que j'aime chez une personne. Nous formons un bon binôme et nous progressons ensemble. Je tire mon imposant tapis plus long et plus large que moi. Je ressens quelques tiraillements dans le bas ventre, cela me fait grimacer.

Nous entamons les premiers abdominaux, la douleur se montre plus vive. Je peine à les finir et me plie en deux en soufflant à pleins poumons. Matt vient s'agenouiller au fond de mon tapis.

  • Naïs, ça ne va pas ? Dit-il inquiet.

  • Rien t'inquiètes ça va ! Juste des crampes au ventre mais t'en fais pas ça va passer ! Mentai-je en le fixant dans les yeux en essayant de sourire.

  • D'accord ... Répond Matt à moitié convaincu. Si ça ne va pas je compte sur toi pour m'en parler ok ?!

  • Matt, j'ai une question ? Murmurai-je, il pose sa main sur mon épaule.

  • Dis-moi Naïs ? Répond mon beau-frère.

  • Je t'ai trouvé réticent lorsque je t'ai fais la bise... Et je suis certaine que cela ne vient pas de moi. Est-ce que ça t'a dérangé que je le fasse ici ? Chuchotai-je à son oreille.

  • Ah euh... Non ne t'inquiètes pas, j'ai juste eu peur de ne plus avoir d'autorité avec vous... Je ne voudrai pas que les autres me considèrent comme leur grand copain ! Mais non, cela ne me dérange pas t'inquiètes pas ! Aucun problème pour se faire la bise me rassure Matt. Alors écoutez-moi maintenant nous passons à une série de pompes ! Les filles si c'est compliqué, vous pouvez rester sur les genoux ! Les petits cocos c'est à la force des bras ok ?! J'imprime le rythme vous suivez !

  • Pourquoi les meufs sur les genoux wesh ?! On est pas des moins que rien là ! Rétorque Sharonne.

  • Economise tes forces Sharonne au lieu de parler ! La remballe Matt. (Son bip se met à sonner) Merde ! Ecoutez je pars en inter ! Donc aller vous entretenir à la salle ! Vous pouvez faire un des programmes que je vous ai montré ! Anaïs ! Naëlyne ! Vous venez avec moi les filles !

Matt veut me tuer ou quoi ? ! Je me mets à courir en direction de la caserne peinant à suivre mon lieutenant. Je me cramponne le bas ventre alors que ma pote est déjà dans le hangar avec Matt.

  • Matt, il y a du matériel à prendre ? Lui demande Naëlyne toute timide.

  • C'est tout bon t'en fais pas va ! Tout est dans le VSAV ! Lui répond Matt.

  • Matt tu crois sincèrement que je suis prête pour assister à une intervention ? Demandai-je inquiète.

  • Oui Naïs sinon je ne t'emmenerai pas ! Me dit-il avec un clin d'oeil. Mais si tu ne le sens pas, je peux toujours emmener Sharonne !

  • Putain non wesh ! Même pas en rêve là ! M'enflammai-je.

  • C'est bien ce qu'il me semblait ! S'exclame t-il avec un large sourire.

Arrivés sur les lieux, nous nous précipitons à l'intérieur d'un immeuble de plusieurs étages, forcément la victime se trouve au tout dernier. L'adrénaline et l'excitation de la toute première intervetion me boostent et cela me fait oublier la douleur qui tiraille mes entrailles.

  • Anaïs, tu te charges de l'état de conscience de la victime ! C'est à dire le premier examen visuel ! Ce que l'on vous enseigne en tout premier d'accord ?! Tu vérifies si la personne est inconsciente, si elle respire ! Si elle peut te répondre, si elle présente des blessures... Enumère Matt en appuyant sur le bouton de l'ascenseur. Naëlyne, tu rédigeras le bilan de l'intervention alors sois attentive ! Je compte sur vous les filles !

Je suis fière de faire partie des deux femmes que Matt a choisit mais j'ai tellement peur de tout oublier ou de ne pas savoir faire... Il y a une sacrée différence entre faire de la pratique sur un mannequin et de le faire réellement sur une vraie victime. Matt pousse la porte d'entrée de l'appartement suivit de Mélody. Nous y sommes, ça y'est nous sommes plongés directement dans le grand bain.

  • Bonjour Madame c'est les pompiers ! Dit-il de sa voix grave. Où est la victime ? Vous voulez bien nous y accompagner ?

La femme d'une quarantaine d'années reste figée en pleurs sans même répondre à Matt, elle a l'air complètement dans les vapes.

  • VENEZ VITE ! MON PAPA NE RESPIRE PLUS !!!!!!! S'époumonne une voix jeune, probablement celle d'une adolescente.

Nous nous agenouillons au dessus de la victime aux côtés de l'adolescente qui est en train de masser la poitrine de son père.

  • Bonjour, cela fait combien de temps que tu fais le massage cardiaque ? Me surprenai-je à lui demander.

  • Je sais pas peut-être sept minutes ! Il a arrêté de respirer quelques minutes après notre appel au 18 ! S'exclame t-elle. Il ne revient pas je commence à fatiguer ! Dit-elle toute essoufflée en essayant de rester calme.

  • Si tu veux bien, je vais prendre le relais ! S'exclame Mélody d'une voix claire en hauchant la tête.

L'adolescente lui cède sa place sans rechigner et porte ses mains contre sa bouche visiblement inquiète.

  • Viens, il vaut mieux laisser faire mes collègues murmure Naëlyne en aidant la jeune fille à se relever pour l'éloigner de quelques mètres. Je ne te promets rien mais saches qu'ils vont faire le nécessaire mais il y a des fois que c'est impossible...

  • Oui... Je sais bien répond t-elle consciente de la gravité de la situation. Mais faites ce que vous pouvez...

  • Est-ce qu'il a des problèmes de santé ? Demandai-je en restant agenouillé près du corps de son père.

  • Oui... Papa a une malformation cardiaque ! Il a un pacemaker... confirme t-elle.

Matt hoche la tête d'un air entendu pour me faire comprendre que notre façon d'agir est pertinente et adaptée.

Mélody comprime la poitrine de la victime depuis plusieurs minutes, je peux voir de la transpiration couler sur son front.

  • Aller reviens ! REVIENS ! S'exclame Mélody en s'activant davantage. Matt, je suis en train de le perdre là !!!

Je me sens bizarre, l'angoisse est en train de me saisir et je sais que je vais être profondément peinée si on le perd. Mon coeur bat à tout rompre et mes mains deviennent moites. Je respire bruyamment afin d'évacuer les larmes qui menacent de s'emparer de mes yeux.

  • MATT PRENDS LE RELAIS !!!! S'écrie Mélody avec fermeté. JE M'EPUISE ET SON ETAT NE S'AMELIORE PAS !!!! FAIS QUELQUE CHOSE !!!!!!!!!

Naëlyne pose sa main sous celle de l'adolescente et l'englobe avec son autre main pour l'entraîner dans la pièce d'à côté en constatant qu'il y a très peu de chance qu'il s'en sorte. Mais MOI j'ai envie d'y croire ! Mélody et Matt sont deux professionnels ! Ils vont y arriver quand même.

J'observe mon beau-frère en train d'essayer de le réanimer. Il y met beaucoup plus de force que sa collègue et exécute les gestes de manière plus sûr de lui. Je compte le nombre de compressions qu'il lui inflige et prie pour que la respiration de la victime fonctionne de nouveau. Les minutes paraissent une éternité mais je sais qu'elles passent très vite, et chaque minute sont précieuses. Les muscles de mon beau-frère se tendent et se contracte, son front est en sueur et je l'entends pousser des jurons de temps en temps.

  • Allerrrrrrrrrrrrrrrrrrrr là ! Reviens !!! T'as une gamine qui t'attend ! S'écrie Matt en enfonçant un peu plus la cage thoracique de l'homme. Alleeeeeeeeeeerrrrrrrrrrrrrrrr nous lâche pas !!!

Matt finit par secouer la tête et compte arrêter le massage manuel. Il continue jusqu'à prendre la décision suivante.

  • Nooooooooooooooooooooooooon !!!!! Lâchai-je.

  • Mélody tu me prépares le défibri ! S'exclame Matt. C'est notre dernier recours !

  • Il va mourir Matt ? Demandai-je inquiète comme si il s'agissait de mon père.

Matt ne me répond pas, je comprends que oui même si je lutte pour croire le contraire. Mélody sort le défibrilateur de sa pochette et commence à le déplier. Matt continue le massage alors que Mélody positionne les électrodes sans tenir compte de ce que dit le boîtier. Naëlyne et moi, nous tiquons en constatant qu'elle ne suit pas du tout les consignes ! Elle va le tuer !

  • Les filles vous voyez, la victime a un pacemaker, donc il ne faut pas suivre les consignes exactes du défi ! Il ne faut absolument pas poser les électrodes sur celui-ci ! Mais autour ! Nous explique Matt alors que Mélody lui fait signe qu'il peut arrêter de masser.

Tous les deux se reculent lors de l'avertissement, Matt me repousse violemment en arrière en constatant que ma main était toujours posée sur le bras de la victime. Je retombe sur mes fesses au moment où les électrodes choquent le coeur du quarantenaire. Leur visage se décompose, ils retentent de nouveaux chocs.

Matt ferme les yeux avant de se prononcer.

  • J'appelle le SAMU ! Finit-il par dire.

  • MAIS NOOOOOON !!!! ON NE PEUT PAS ABANDONNER COMME CELA! ENCORE MATT ! FAIS QUELQUE CHOSE BORDEL !!! TU NE PEUX PAS NE RIEN FAIRE !!! Criai-je presque hystérique en tendant mon bras.

Matt me saisit fermement les bras pour m'immobiliser et me forcer à me plonger dans ses iris vertes.

  • Naïs, il est MORT dit-il en articulant sur le dernier mot. On ne peut plus rien faire ma puce, c'est terminé. (Matt se lève et décroche son téléphone).

Je me relève et me tourne face à la fenêtre éclairant mon visage qui très vite est immergé par les larmes. Naëlyne me frictionne les épaules et finit enfin par me prendre dans ses bras. L'émotion est tellement forte que je ne peux pas me contenir devant sa famille.

  • Naïs, ça va aller, c'est des choses qui arrivent murmure mon amie en étouffant un sanglot qu'elle refoule aussitôt.

  • Bonjour Lieutenant Matt BONNIER, je suis au 8 Rue du manège à Nancy ! Cinquième étage ! La victime est en détresse respiro-ventilatoire ! Défibri branché ! Deux chocs toujours plats ! Assistance demandée ! Merci beaucoup on vous attend ! Débite t-il.

Les chocs me donnent des frissons tout comme les secousses que subit le corps de cette pauvre personne. Un quart d'heure après le SMUR rapplique.

Matt me prends sous son bras et me murmure de me resaisir. Il discute avec le médecin pour lui expliquer la situation.

  • Heure du décès 15 heures 07 ! Dit le médecin sans un brin d'émotion dans la voix.

Je me retrouve seule l'espace de quelques instants. Les autres vont faire leurs condoléances à la famille.

  • Anaïs, on ne doit pas rester là me murmure Mélody en me prenant par les épaules alors que mes yeux restent figés sur le corps du père de famille.

Je grimpe dans le VSAV, Naëlyne s'adosse au fond de celui-ci les larmes aux yeux en essayant de rester neutre.

  • Putain mais comment vous pouvez rester insensibles à ce qui s'est passé ! Vous êtes sans coeur et vous n'en avez rien à foutre c'est de la folie ! M'emportai-je en m'effondrant bruyamment. Pas une larme ! RIEN !

  • Anaïs... commence Matt.

  • TA GUEULE !!!! TOI TU AS APPELE LE SAMU COMME SI DE RIEN N'ETAIT ! COMME SI C'ETAIT UN PUTAIN D'AUTOMATISME !!!! MATT OU EST TA PART D'HUMANITE LA DEDANS ?! MERDE FAIT CHIER ! Grognai-je d'un ton ferme.

  • Naïs reprend Matt. Je peux comprendre que cela te touche ! Et je vois bien que c'est également le cas pour notre petite Naëlyne ! C'est NORMAL ! Vous avez un coeur, vous êtes deux jeunes femmes sensibles ! Nous le sommes également ! Si tu crois que ça nous a fait plaisir de le laisser partir ! Juste on n'a rien pu faire de plus Anaïs ! La mort fait partie de notre quotidien ! Tu y seras confrontée régulièrement en intervention et au fur et à mesure, tu feras comme nous ! Tu vas te blinder ma puce ! Et avec Naëlyne vous ferez de supers sapeurs pompiers ! Vous allez apprendre à encaisser et vous laisser atteindre le moins possible ! Continue Matt. Cela s'apprend d'accord ? Cela ne sera pas du jour au lendemain ! Tu peux demander à Mélody ! Nos premières interventions on faisait que de pleurer au début ! Et cela nous arrive encore même si c'est plus rare ! Mets-moi face à un suicide d'une personne jeune Naïs tu verras que ce n'est pas la même ! La dernière, sur la voie ferrée ça m'a marquée ! Tu peux demander à Patrick dans quel état il m'a récupéré ! Exactement dans le même état que tu es là et en plus de ça j'avais dégueulé en ramassant ce qui restait de son corps ! Et ce n'est pas si vieux que ça, c'était il y a deux ans ! Naïs nous ne sommes pas insensibles, juste on a appris à faire avec !

Mélody m'adresse un faible sourire, je peux constater que ses noisettes brillent légèrement mais qu'elle reste forte malgré tout.

  • Je ne serai jamais aussi forte que vous ! Lâchai-je en pleurant. Je ne suis sûrement pas faite pour ça ! Je ferai mieux de retourner en coiffure !

  • Au contraire tu l'es Naïs et tu nous l'as montré maintes et maintes fois ! Déclare Mélody. Ecoute Matt, il a raison ! C'est au fil des interventions que tu vas être plus solide !

MATT

Je regrette un peu d'avoir emmené les filles sur un arrêt cardiaque comme première intervention, j'aurai dû les entraîner un peu plus afin qu'elles puissent se préparer un peu mieux à ce genre d'émotions et de situation. Je n'aime pas voir mes recrues dans cet état mais un jour ou l'autre, elles n'auraient pas eut le choix après tout. Anaïs n'est pas en sucre mais je veille sur elle comme une petite soeur.

Je dépose le matériel du VSAV au fond du hangar et me laisse guider par quelques pleurs venant de derrière le FPT. Lentement je m'avance jusqu'à que les sons me soient pleinement perceptibles. Je retrouve Naëlyne la tête enfouie dans les mains calée contre le FPT.

La petite tête blonde aux longs cheveux châtains clairs blonds se retourne lorsque je pose ma main sur son épaule. Ses yeux gris en forme d'amandes dont les cils noirs bien humides finissent par se plonger dans les miens. Elle me dévisage longuement puis rougit. D'après Anaïs, je l'impressionne. Lorsque je lui demande si ça va, elle fond de nouveau en larmes. Je soupire puis finis par la prendre dans mes bras comme le faisait Patrick pour apaiser ses hommes. Je passe ma main dans son dos alors qu'elle se libère en pleurant toutes les larmes de son corps. Elle est si petite dans mes bras, elle m'arrive tout juste aux épaules, je dirai un mètre cinquante/cinquante-cinq.

  • Naë, je tenais à te féliciter pour ton attitude. D'avoir pris en charge la fille du père de famille, je t'ai trouvé très professionnelle. Murmurai-je pour la valoriser dans le but de l'apaiser, mais ce que je dis, je le pense sincèrement à ce moment-là.

  • Merci beaucoup lieutenant BONNIER, ça me touche ce que vous me dites ! Finit-elle par me répondre.

  • Naëlyne, je préfèrerai que tu m'appelles Matt et me tutoie ! Tant qu'il y a du respect ! Dis-je en souriant.

J'ai l'impression d'avoir pris trente ans et d'être un grand monsieur.

  • Entendu Matt, juste tu es mon supérieur hiérarchique je ne voulais pas me permettre de te tutoyer sans ta permission ! Dit-elle en souriant à son tour.

  • Je n'ai que vingt-huit ans presque vingt-neuf ! Rétorquai-je. Sinon, ne reste pas seule ma belle, retourne avec tes camarades ! Il ne faut pas broyer du noir dans son coin !

Naëlyne acquiesce et me remercie de nouveau avant de tourner les talons. Je sais très bien qu'elle fera un bon sapeur pompier, sous son côté reservé et discret, je vois en elle de bonnes capacités malgré ses dix-neuf ans. Elle est toute fine dans son uniforme de SP et ne semble pas avoir beaucoup de formes.

J'entre dans le bureau de mon capitaine pour avoir une conversation avec lui au sujet de Mélody qui me préoccupe pas mal depuis quelques jours. Durant l'intervention, ses manches étaient relevées et j'ai pu constater des zébrures rouges vifs sur ses avants bras, ce qui me fait penser qu'elle se mutile pour soulager sa douleur. De plus que son comportement a bien changé en peu de temps, je ne la trouve vraiment pas bien.

  • Donc voilà Patrick avec tout ce que je viens de t'énumérer, je trouve que Mélody ne va pas bien du tout et j'aurai peur qu'elle fasse une connerie ! Elle est complètement fragile suite à sa rupture... Commençai-je à expliquer. L'intervention d'aujourd'hui s'est très bien passée mais il y en a eut d'autres où j'étais obligé de tout faire car elle n'était pas mentalement présente ! J'essayerai d'avoir une discussion avec elle, peut-être avant de partir, je ne sais pas trop ce qu'il faut que je fasse !

  • Tu peux lui proposer de se faire aider, que nous sommes tous là pour elle, et tu veilles sur elle ! Me répond Patrick. J'ai pu observer un changement dans son attitude et je suis bien d'accord avec toi il faut la surveiller de près ! Qu'elle soit peinée c'est normal mais il ne faut pas que ça dérape ! Merci de m'en avoir informé, Matt.

Quelques minutes après je ressors du bureau de Patrick, j'aperçois Mélody et m'apprête à l'interpeler d'un signe de la main. J'ôte cette idée de ma tête et préfère aller la voir en toute discrétion. Je me positionne face à elle et constate que son regard est fuyant, elle qui habituellement me fixe dans les yeux, je pose ma main sur son bras amaigrit.

  • Mél, je peux te parler dans mon bureau ou à l'éxtérieur s'il te plait ? Demandai-je d'une voix bienveillante.

  • Hein quoi ? Tu me disais ? Désolée j'étais ailleurs ... Me répond t-elle en sursautant en arrière manquant de perdre l'équilibre.

  • Comme tous les jours murmurai-je. Viens avec moi.

Je referme la porte du bureau derrière moi, tire mon fauteuil pour l'amener à côté de celui qui se trouve en face de mon bureau.

  • Mélody, il faut vraiment que tu me parles, ton état m'inquiète, je vois très bien que ça ne va pas du tout. Dis-je d'une voix un peu monotone et pleine de compassion.

  • Tu me fais venir dans ton bureau pour ça Matt ? Je viens de me faire quitter, donc c'est normal que je ne sois pas bien ! Comme toi tu l'as été lorsque tu as quitté Lélia ! Rétorque t-elle.

Je reste bloqué quelques secondes la bouche ouverte à gober les mouches, je n'aime pas tellement que l'on me rappelle cette sombre époque qui date que de l'an dernier. Cette période où je n'étais plus moi même et que j'enchaînais les conneries ! Particulièrement une que je regrette amèrement.

  • Oui justement, je sais combien une rupture peut anéantir une personne confirmai-je d'un hochement de tête. Et je t'avoue que ton attitude, ton comportement, le manque de lueur dans ton regard et ton amaigrissement me font soucis ! Tu n'es pas comme d'habitude Mélody, complètement absente ! Molle en intervention, voir inexistante ! Ce n'est pas toi ça !

  • Tu es venu pour remuer le couteau dans la plaie en fait ? Dit-elle sèchement. Si tu crois que je ne m'en rends pas compte ?!

  • Mais merde pas du tout Mélody ! Je ne suis pas le meilleur pour trouver les bons mots mais je suis ton ami et je suis là pour toi Mélody ! On a fait les JSP ensemble ! La formation aux SP ! Plus, plus d'une dizaine d'années de carrière et je sais que tu n'es pas comme ça ! Juste je m'inquiète pour toi ! Je ne dis pas ça pour te faire chier, je ne veux juste pas qu'il t'arrive quelque chose ! M'exclamai-je à bout de souffle.

  • C'est gentil Matt, mais je gère tkt ! Vraiment t'inquiètes pas ! Rétorque t-elle.

  • Oui c'est sûre ! Quand je vois ça permets-moi d'en douter ! Lâchai-je sèchement sans prendre de gants. (Je remonte sa manche pour découvrir les zébrures) Tu te fais du mal Mélody, tu ne peux pas te détruire comme ça ! Tu es une belle jeune femme, tu es forte ! Ne le fais pas, tu vas garder des cicatrices !

  • Putain t'es un grand malade toi ! Fous-moi la paix ! D'où tu te permets de me toucher comme tu viens de le faire et puis ça ne te regarde pas Matt ! Je gère bordel ! Et si tu continues à foutre ton nez dans mes affaires, notre amitié tu peux te la mettre où je pense ! Hurle t-elle en me balayant violemment le poignet.

  • CE N'EST PAS COMME CELA QUE TU DOIS LE PRENDRE !!!! M'enflammai-je. JE TIENS A TOI MELODY !!!! (Je baisse le ton pour ne pas envenimer la situation) Sache que si tu as besoin, je serai à ton écoute, tu peux disposer...

Mélody se lève du fauteuil et fonds en larmes bruyamment au milieu de mon bureau me laissant complètement impuissant face à sa peine. Ethan se dirige dans notre direction, son regard croise le mien. C'est normal qu'il veuille venir c'est également son bureau. Je lui fais signe de la main de s'en aller, je ne voudrai pas que Mélody pète encore plus un plomb s'il fait irruption dans la pièce.

J'encercle la petite brunette dans mes bras tout en lui caressant machinalement les cheveux.

  • Je suis désolée de... de t'avoir crié dessus... Sanglote Mélody. Tu as raison, j'ai du mal à encaisser.

  • Je le sais, fais toi aider par tout ce qui nous entoure. On a une psychologue très bien ici... juste ne reste pas comme ça. Chuchotai-je.

Mélody m'adresse un faible sourire avant de disposer. Quelle journée de MERDE ! Entre un arrêt cardiaque et la détresse de Mélody... Je vais devoir veiller sur elle de très près, combien de pompiers se suicident... Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée qu'elle voit des horreurs alors que le coeur n'y est déjà pas dans sa vie actuelle.

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