1.5) Sakineh

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Je me serais volontiers laissé aller à rire, si ma gorge avait pu éjecter autre chose que des bulles. Parfois, Volodia était drôle. Peut-être aurais-je dû me méfier, parce que sa façon de me protéger ressemblait davantage à un grotesque chantage sexuel. Mais grotesque, justement. Elle avait affirmé avec tout le sérieux du monde qu’elle me coulerait dans son vagin, comme si nulle autre solution ne paraissait plus évidente. Elle m’avait injectée, jet après jet, à l’aide d’un jouet en plastique. Et à vrai dire, je m’en amusais un peu. Le contact du plastique me démangeait, mais j’aimais jaillir, embrouillée, et éclabousser ses muqueuses brûlantes, bouillonner à m’en faire claquer les bulles, tourbillonner, par sadisme presque, pour la contraindre à se contenir. J’aimais penser qu’elle subissait plus que moi, mais je crois qu’à vrai dire nous nous accommodions toutes deux de cet étrange fétiche.

Je n’ai jamais su dire où elle trouvait son compte, mais elle donnait constamment l’impression de se démener pour moi. À commencer par la confection de cet habit de baudruche qui retiendrait mes gouttelettes. Qu’y gagnait-elle, sinon la frustration ? Je n’osai pas le lui demander, de peur qu’elle réalise qu’elle n’avait rien à y gagner.

Comme je peinais à me mouvoir, je m’en remettais à elle, pour animer nos soirées. Volodia dormait peu. Elle veillait avec moi. Et moi, je parlais peu, par gêne. Alors, elle me sculptait des ballons, comme les clowns sucrés sur la fête foraine. Je ne savais dire si je l’y avait déjà vue ou non. Elle aimait bidouiller des fleurs de caoutchouc. Sans doute croyait-elle que ça me plaisait car, sans trop que je susse pourquoi, mes lèvres souriaient. Elle m’entourait de sa flore de plastique criarde, puis elle maquillait le film opaque qui retenait mon visage. J’étais une poupée entre ses mains, mise en scène. Une nymphe d’un autre temps. Un lac aux berges fleuries. Une noyée asphyxiée. Une nature morte. Je faisais la morte, me laissais capturer par l’énorme objectif que dégainait sa rétine. Et je me demandais si un cyborg comme elle pouvait rêver de paysages autres que ces simulacres sculptés.

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