2.9) Sakineh

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Ainsi je parviens au terme du brouillard, à l’orée d’une forêt suspendue. Les algues verdoyantes ondulent, tombées comme des rideaux sur le plancher fuyant d’une fumée compacte.

Il faut pénétrer le bois, si l’on veut s’en extraire. Alors je m’aventure dans l’effarant bosquet. Bien vite ma gorge suffoque de trop d’humidité. Mais je l’appelle encore :

— Volodia ?

J’ignore pourquoi ce nom me met la larme à l’œil. Une larme qui ne coule pas. Je suis sèche semble-t-il, comme un lopin stérile où rien ne fleurit jamais. Un désert d’émotions. Il y a dans cette non-larme l’amertume grisante d’une ancienne dévotion. Mais mon cœur est stoïque.

— Une égarée, murmure un souffle suave.

Je tourne sur moi-même pour chercher le visage de celle qui a parlé. Ni gauche, ni droite, ni sous le smog sableux. Je lève les yeux sur le plafond dégoûtant de la forêt aquatique, et alors je la vois. Ses ailes repliées et ses cornes dressées sur le sommet du crâne, sa poitrine gangrenée d’un amas d’anémones, le buste enrubanné de ses frondes visqueuses, et en guise de jambes rien de plus qu’une longue tige, balancée dans le vague. Une sirène-laminaire.

La créature céleste n’a que la peau sur les arêtes. Les doigts décharnés agitent dans le vide leurs ergots crochus, rouges de sang pâteux.

— Du gâteau, m’assure-t-elle.

Il n’y en n’a pas ici. Qui même en cuisinerait ?

— Qui es-tu ? je demande, mais je m’en fiche au fond.

Accrochée au plafond dont elle ne peut se défaire, la sirène ricane.

— Je suis celle qui sait où se trouvent tes souvenirs.

— Alors, vous savez qui je suis ?

Elle se balance, pendue, comme un vampire dans l’ombre.

— Tu voudrais que je te le dise.

— À choisir, j’aimerais mieux savoir… Qui est Volodia ?

Son sourire s’élargit, ses crocs rougis d’hémoglobine crémeuse.

— Sage décision, ma foi, de n’oser qu’une question. Mais vois-tu, âme perdue, si l’on m’appelle Privation, c’est bien pour une raison. Je prends ce qu’il me chante et sans compensation. Qu’as-tu donc à m’offrir qui vaille la Pitié ?

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