2.11) Sakineh

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Le gâteau imbibé me glisse dans l’œsophage. Un délice interdit. Et le goût de sa chair me revient en mémoire : onctueuse et trop sucrée. Un rictus amer me déchire la joue. Tout me revient par bribes. Sa chaleur intestine. Le toboggan lustré de son périné. Sa douceur maladroite. Ses vices travestis, enrobés tout comme elle d’un glaçage pastel. Son rire nasillard, et ses pleurs étranglés. L’arrière-cour, le vide-ordures et le fond de cette cave encombrée de fleurs criardes. Ces mètres cubes de ballons. De la chair putréfiée, raffinée, élastique. Des montagnes de cadavres, dans ma combinaison. Celle qui me gardait entière.

Avec les souvenirs, une liste de regrets. N’avoir jamais connu le parfum de ces lèvres. Quel stick parfumé portait-elle ? N’avoir jamais pu la piéger, elle, dans mes entrailles salées. Ne pas savoir de qui j’ai revêtu la peau. Pas encore. L’avoir perdue en chemin, sans même savoir comment.

Le goût du sucre s’estompe et je reviens à moi.

— Ce n’est pas assez ! je proteste.

Et sans laisser le temps à la sirène de me rejeter, je m'agrippe à ses algues et plonge ma main profane dans sa poitrine sacrée – sucrée dessous ses seins. Une autre poignée de gâteau que je mords voracement. La déesse enragée m’envoie valdinguer, mais je retombe déjà dans le tourbillon incertain du passé saccadé. Du passé saccharose.

Une confiserie en elle. Tout un étalage de friandises que je meurs d’envie de lécher, comme une enfant gourmande. Capricieuse. Impatiente.

« On touche avec les yeux ! »

Moi je te toucherai, là où ça me chantera. Moi je te toucherai, là où ça nous fait peur. Quand je te trouverai. Je te mettrai la main dessus, oui, mais surtout dessous.

— On se calme, demi portion ! sermone la sirène devant ma moitié de corps.

Mais je suis à deux doigts d’être entière, et à deux doigts d’en jouir. Du sucre plein les veines. Je la sens, comme un arbre qui me pousse sous le ventre. Ses racines qui m’étripent. Ses branches qui me titillent là même où je n’ai plus corps. Mais le goût passe encore, et le manque ressurgit.

— Où est-elle ?! je m’écrie.

— En miettes, je suppose.

D’un puissant coup du pied que je lui ai légué, la sirène me cogne et je m’envole au loin, par-delà la forêt. Et je m’écrase, aussi, au milieu d’une ville rose qui culmine dans le Ciel. Les toits verts et feuillus qui portent sur leurs tuiles tous les arbres du monde. Je voudrais lui montrer, qu’elle puisse voir comme je vois ces lieux doux et fertiles vers lesquels nous courrions. Dont je détruirais tout, s’il le faut, pour la voir – pour l’avoir.

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