La Mafia Aux Trousses de Ma Grand-Mère

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« Bon, je pense qu’on est tous d’accord sur une chose. Paris, c’est un mec chelou, d’accord ? Maintenant qu’on en a tous bien pris conscience, vous arrêtez avec vos interventions débiles et vous me laissez parlementer seul, compris ? » Toulouse avait parlé. Ils étaient tous les trois sortis sur le palier de la maison du type qui pouvait les rancarder sur des faux passeports.

« Non mais pour qui tu te prends ? Alors ça y est, c’est officiel, c’est toi le chef ? » contre-attaqua Alix.

Nancy tenta de calmer le jeu.

« Les enfants, pas de bagarre inutile… » avant de se ranger du côté d’Alix. « Nan mais c’est vrai qu’il est trop bizarre ton pote, Toulouse. C’est entre les mains de ce mec qu’on est censés mettre nos vies, là ?! »

Toulouse soupira.

« Bon quelqu’un a une autre solution ? »

L’une regarda son portable, tandis que l’autre observa pensivement le toit de la petite maison.

« Donc, on fait comme on a dit, on fait confiance à Paris le Marginal… »

« …et on prie pour être toujours vivants à la fin de la semaine. » ironisa Alix en ébouriffant les cheveux du chef de bande en herbe.

De nouveau à l’intérieur, Toulouse fut pris aux tripes par l’odeur de renfermé à laquelle il s’était déshabitué pendant les deux minutes de conversation sous le porche.

« Désolé pour ce petit dérangement, hé hé… une petite urgence à régler. »

« Pas de souci, les gars, c’est chez vous ici, ha ha ! » Alix et Nancy échangèrent un regard sans le vouloir et refrénèrent tant bien que mal un sourire.

Assis entre ses deux complices sur le canapé délabré de la salle de séjour, Toulouse aborda sans attendre la question des faux papiers. Le contact de Paris pourrait leur fournir ce qu’ils veulent en trois jours seulement, en échange d’une photo d’identité conforme et de cent mille euros en petites coupures. Quand Nancy demanda quelle commission il envisageait de prendre, Paris répondit sans détour.

« La robe de mariage de ta daronne, Toulouse. »

C'était pas une blague. Paris était définitivement un gars chelou.

« Mais je vous l’avais dit les gars ! » explosa Alix. L’adolescente impulsive s’était efforcée depuis le début de ne pas s’immiscer dans la conversation, mais là c’en était trop. Se tournant vers leur hôte elle poursuivit, sur le ton d’un adulte s’adressant à un enfant, « T’es bizarre, Paris, t’es trop différent des gens normaux, tu comprends ça ? ».

Un silence pesant envahit la pièce. Paris ne répondit pas. Il se mit à se pincer les lèvres, comme s’il voulait se retenir de pleurer. Puis les larmes montèrent rapidement aux rebords de ses yeux bovins. Il éclata en sanglots, avouant que déjà tout petit, il était mis au ban de la société pour son comportement non-conformiste.

« Non mais arrête aussi, Alix, tu vois bien que tu le mets mal à l’aise. » intervint calmement Nancy en s’asseyant à côté de Paris et pour le prendre dans ses bras. « Toulouse, je suppose que c’est bon pour la robe de ta mère? »

« Nan mais attends j’ai pas dit oui moi, et puis d’abord je sais même pas si on l’a toujours, hein ! C’est le genre de truc à se paumer dans les déménagements, ça. »

Il se reprit rapidement, captant l’expression insistante de sa camarade. « Non, non mais t’inquiète, Paris, je te la ramènerai cette robe… Y a pas de souci, frérot. » bluffa-t-il. « Par contre, elle a une valeur émotionnelle pour moi cette robe. »

« Mais… t’étais même pas né à l'époque… » se releva Paris en séchant ses larmes d’un revers de la manche.

« Ouais mais, y a la valeur symbolique, et tout… Fais-moi une remise de 30%. »

« 5%. »

« 25%. »

« 10%. Le prix des robes a baissé depuis 20 ans. Tu pourras lui en racheter une autre. »

« 20%. Mes parents sont toujours ensemble. Ça veut encore dire quelque chose pour eux. »

« 15% ? » Paris avait tendu à son vis-à-vis une main moite sur laquelle on pouvait discerner des traces de chocolat fondu.

« Adjugé. » soupira Toulouse après une courte hésitation, empoignant mollement la paluche de la partie adverse, tout en réprimant un léger dégoût.

Les trois acolytes se levèrent, saluèrent leur futur fournisseur et prirent congé. Une fois dans la voiture, Toulouse poussa un cri de joie.

« Eeeeeeh, c’est qui le boss ? Je nous ai fait économiser quinze mille balles les filles. Bon ok, votre tactique du bon flic / méchant flic, c’était bien tenté aussi. »

Nancy déverrouilla son portable et ne prit même pas la peine de répondre. Alix se contenta d’un sarcasme.

« Yeaah, il nous reste que quatre-vingt cinq mille à trouver. Youpi, on a trop de chance. »

Après quelques minutes, Nancy leva la tête de son mobile et se tourna vers les deux autres occupants de la Fiat Panda. Elle avait cherché une solution sur internet et les seules manières de se faire autant de fric en si peu de temps se résumait à deux choix : être déjà pété de thune et investir le tout en bourse ou… braquer une banque. Au moment où elle évoquait l’idée, le véhicule passa devant la banque du Protocole, la banque du quartier, mais aussi la plus importante de la ville. La voiture s’arrêta au feu rouge et les habitants du petit véhicule bleu fixèrent en silence l’enseigne de l’établissement financier. Au volant, Toulouse protesta.

« Pas celle-là, les filles, c’est l’agence de ma grand-mère… »

« Ta grand-mère, elle n’a pas la mafia russe à ses trousses, si ? »

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