5:15 THE ANGELS HAVE GONE

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London - 7 PM

Londres au crépuscule est toujours hyperactive. Les tours de verre s'illuminent les unes après les autres, les voitures se poursuivent sur les boulevards se chevauchant dans une danse effrénée contre la montre. La circulation, les piétons grouillant sur les trottoirs, les coups de klaxons, animent l'atmosphère de cette cité aux multiples cultures. Au centre-ville, les touristes se mêlent aux habitants, pullulent entre les épiceries indiennes et les boutiques à fashion divers, de la Converse au jean grunge, tout se vend avec succès. Après le boulot, les costard-cravates vont se rafraîchir le gosier à coup de pinte debout devant les façades vitrées des pubs, parlant football, rugby ou autres sujets très sérieux comme on les aime au Royaume-Uni. Les restaurants se remplissent doucement. Et le diable guette. Son ombre glisse sur les murs. Sa présence se fait sentir, inquiétante, à l'instar du monstre de London after Midnight. Non loin de la cohue du downtown, un homme court dans une ruelle. Effrayé. Une jeune femme d'une trentaine d'années à la chevelure blonde aux reflets cuivrés apparaît devant lui, sortie d'une venelle perpendiculaire. Elle lui assène un coup de poing d'une force surnaturelle, le stoppant net dans sa course. Menottant le pauvre bougre à une gouttière, l'assaillante sort son portable de la poche de sa veste, puis compose un numéro.

— 41 Moorehouse Road, Owen McFadden, vous pouvez venir le cueillir.

Elle s'en va, laissant l'homme attaché au conduit de zinc. Il crie :

— Tu ne vas pas me laisser là ?!… Hey !

Le bonhomme tente frénétiquement de se détacher en continuant de hurler :

Hey ! Sérieux, t'es une grande malade !… Bitch !

La rousse s'éloigne tranquillement, sourire aux lèvres.

Alors, je suis certes taillée coton tige, mais je fais tout de même un bon petit mètre soixante-quinze, tout en muscles, ça aide pour cogner les truands qui pensent pouvoir se faire la malle. Moi, c'est Lawrina Mortensen. J'étais dans la police avant, mais j'ai tout plaqué pour des raisons personnelles. À vrai dire, je ne m'en souviens pas. Rien. Le vide. Aujourd'hui, je joue les détectives privés, j'enquête sur des phénomènes étranges. Pas très glorieux comme boulot, on me confond souvent avec les médiums. Mais je ne chôme pas. Et ça reste toujours mieux que de guetter les adultères à la sortie des hôtels ou dans les voitures parquées dans des ruelles sombres. Au fait, j'insiste bien dessus : je ne suis pas médium.

Owen McFadden. La police recherche ce type depuis un moment. Par pur hasard, Law l'a vu au pub où il a l'habitude de s’abreuver avec ses camarades de magouilles. Cette semaine, la jeune femme enquête sur deux affaires en même temps. Complexes. Mais elle n’a pas pu se retenir. Un pareil poisson, ça ne se refuse pas : si elle l’amène au commissariat, tel un trophée de chasse, son image auprès de la police s’en verra grandement améliorée. Cependant, la rouquine a eu la flemme de se taper sa carcasse jusqu'au bloc, le souder à un poteau lui a paru plus simple.

Ce con n'est même pas foutu de se cacher correctement ! Puis, chasseur de prime ça reste un truc de Ricains. Et pour ce que j'y gagne… j'ai d'autres chats à fouetter.

TOC, TOC, TOC. L’homme de main a tourné la tête, intrigué par le bruit sur le carreau (ça ne pouvait pas être la grêle : dans le ciel, pas un nuage, le soleil pointant ses derniers rayons entre les bâtiments de briques et de pierres). Ses yeux se sont arrondis comme l'horloge de Big Ben quand il a aperçu la Mortensen postée de l’autre côté de la baie vitrée souriant jusqu'aux oreilles. Le « rat » s'est rué vers la sortie, par l'arrière-boutique. Une flèche, on aurait pu croire qu'il se téléportait. Mais Law, connaissant la maison, a coupé par le passage qui longe le flanc du pub, le bloquant deux ruelles plus bas.

Par contre le chacal court vite, il a fallu ruser ! Dans ce métier, y'a pas que les biscottes qui servent…

*

Paddington Flat

Law ouvre la porte d'entrée et interpelle sa coloc :

— Felicia, suis rentrée ! Je l'ai enfin épinglé !

Felicia sort sa tête du coin cuisine :

— Bien, je ne mangerai pas seule ce soir, pour une fois ! Tu me raconteras…

— Carrément ! lance l'enquêtrice en s'affalant sur le sofa.

L'appartement n'est pas grand, mais relativement agréable à vivre. La porte d'entrée mène à un petit corridor dont le prolongement débouche sur une petite salle d'eau carrée, très bien aménagée. L'ouverture à droite aboutit sur une belle salle à manger, très lumineuse. À gauche, un petit bar avec une cuisine équipée juste derrière. En face, une grande fenêtre coulissante longeant le mur jusqu'à la baie vitrée donnant sur un balcon. À droite, un canapé et deux fauteuils années soixante, une table basse rectangulaire style chinois en acajou massif, le tout posé sur une fausse peau de zèbre, transforment l'espace en un confortable salon dans l'esprit d'un Café Lounge. Au bout de ce petit cocon, deux portes s'ouvrant sur les chambres des deux colocataires. Ici, c'est « la maison du bonheur ».

Felicia, ma coloc. Que dire ? Felicia est belle avec sa peau d'ébène. Grande, élégante, d'une nature généreuse, enthousiaste, bienveillante. Felicia est une crème. Une vraie maman. Attention, on a le même âge. Quand on n'a plus de famille, c'est bon de savoir que quelqu'un veille. Non, Felicia n'est pas une ancienne cliente ! C'est moi qui fus la patiente d'un soir de Felix, infirmier au St Mary’s Hospital. Felix est un travesti. Il se vit en femme en dehors du travail. Pourquoi seulement en dehors du travail, vous allez me dire ? Felix tient à son job. Puis, se faire charcuter, pour lui, c'est hors de question. Ce que je peux comprendre. Elle cherchait une coloc après sa rupture. Je m'installais le lendemain.

*

Paddington Flat - Midnight

Law sort discrètement de sa chambre pour aller boire un verre d'eau dans la cuisine. Elle repart se coucher, quand quelque chose l'arrête. La jeune femme sent une présence qu'elle n'arrive pas à s'expliquer. À cette heure, Felicia dort à poings fermés. Mortensen scrute l'obscurité. Rien. Certes perplexe, la fatigue prend le dessus, l'enquêtrice n'insiste pas et retourne dormir.

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