le voisin
Après de nombreuses recherches, j’avais enfin trouvé la maison de mes rêves. Le prix me semblait sous-évalué, et j’en fis part à l’agence. L’explication était simple, disait-on : plusieurs héritiers pressés de vendre, dont certains vivant à l’étranger. — Les meubles ? Si vous les voulez, on peut les inclure pour un petit supplément. La visite m’avait convaincu. Seule bizarrerie : un voisin isolé, dont le vendeur ne connaissait rien.
L’installation fut rapide. Le mobilier avait un cachet ancien qui me plaisait beaucoup. En vidant les affaires au grenier, je découvris une vieille malle, pleine de journaux. L’ancienne propriétaire, Marie, y écrivait son quotidien.
Tout était ordinaire… jusqu’au 12 mai 2000.
Extraits du journal de Marie
« Depuis l’arrivée de notre nouveau voisin, Jules, mon mari a changé. Ils sympathisent vite, mais un jour, il rentre livide. Il parle de morts-vivants, de choses impies. Il reste au lit, et répète : ‘Je suis maudit.’
J’ai voulu confronter Jules. Il m’a ouvert avec un drôle de sourire. — Comment ça, votre mari est malade ? Il l’était déjà en quittant chez vous. Puis il a ri. Un rire sec, sinistre. — Il a été trop curieux. Cela lui apprendra. »
Quinze jours plus tard, son mari mourait d'une crise cardiaque.
Je fermai le journal, le cœur lourd… mais déterminé à en apprendre plus. Le lendemain, à la boulangerie, je fis la connaissance d’une vieille dame du village. — J’espère que vous n’êtes pas le nouveau voisin du mort-vivant, dit-elle, l’air sombre.
— J’habite la dernière maison du village, répondis-je.
Elle pâlit, fit un signe de croix. — Fuyez… avant qu’il ne soit trop tard.
La maison me semblait de plus en plus étrange. La nuit, j’avais l’impression d’être observé. En relisant les journaux, je voyais la descente de Marie : sa maison la retenait prisonnière. La porte refusait de s’ouvrir. Son mari lui barrait la sortie. — Ne me quitte pas, murmurait-il.
Un soir, la sonnette retentit. — Je suis Jules, votre voisin, dit un vieil homme souriant. Je vous invite à un dîner entre amis.
J’acceptai, curieux. Le soir venu, je frappai à sa porte avec une bouteille. — Entrez. Il ne manquait plus que vous, dit-il.
La salle à manger était dressée. Deux convives m’attendaient. Ils se tournèrent… et je reconnus Marie et son mari. Leurs yeux étaient vides.
— Nous vous attendions, dirent-ils.
Pris de panique, je fuyais la maison et me réfugiai chez moi. Je verrouillai la porte, poussai des meubles devant. Mais en me retournant… ils étaient là.
Jules. Marie. Son mari. — Pas la peine de t’enfermer, dit Jules. Tu vas rester ici.
Marie me tendit ses carnets. La dernière page portait une phrase, griffonnée à l’encre tremblante :
« Si tu achètes cette maison, n’accepte jamais l’invitation de Jules… ou tu seras hanté jusqu’à ta mort. »
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