Aphrodite scrollait sur les réseaux, ennuyée.

Dionysos, encore en boîte de nuit. Zeus, entouré d’une horde de mannequins au bord d’une piscine. Les commentaires rageurs d’Héra sous ses photos. Arès sur un ring, torse gonflé, prêt à en découdre.

« Argh, sérieusement… toujours la même chose ! Ils pourraient changer un peu de disque, non ? »

La déesse de l’amour et du désir se tortilla sur sa chaise longue, sous un soleil inutile : sa peau était déjà dorée à la perfection.

Avec irritation, elle passa la vidéo d’Hestia, qui sortait une fournée de cookies maison. Une vraie déesse du foyer, dans sa maison impeccable de célibataire assumée.

« Rah, franchement… » soupira Aphrodite, avant d’ajouter plus bas : « … n’empêche, ses biscuits sont divins. »

Tout le monde adorait Hestia. Elle était la sœur et la tante idéale : celle chez qui on passait pour un repas simple et réconfortant, celle qui écoutait sans juger. Ses seuls posts ? Des recettes et des astuces de grand-mère.

« Mouais… » marmonna Aphrodite, peu convaincue. Il lui en faudrait plus pour secouer l’ennui qui l’avait collée, ces dernières semaines, à sa villa ensoleillée.

Elle s’arrêta une seconde sur la vidéo d’Héphaïstos. Torse nu, penché sur une enclume, dans une forge embrasée, ses muscles rougis par l’effort brillaient de sueur.

Elle secoua la tête et passa vite à la suivante.

Un spot publicitaire apparut :

« Remise de 30 % sur notre collection Bijoux post-mortem. »

La fantômette d’Hadès présentait les articles avec un sourire spectral. Quelques photos montraient Perséphone les portant, posant comme un mannequin.

« Cette pimbêche… Qu’elle retourne à ses fleurs et à ses jardins, et qu’elle laisse ça aux professionnels », grommela Aphrodite en levant les yeux au ciel.

Exaspérée, elle ferma Instagram et ouvrit Tinder.

Première annonce :

« Hercule cherche douce nymphe pour dîner. »

Le gaillard posait fièrement avec… des rochers : portés à bout de bras, empilés comme des haltères improvisés.

« Sérieusement ? Il croit draguer qui avec ça ? » ricana-t-elle. « Qu’il commence déjà par soigner son hygiène, au lieu de passer son temps à se ‘muscler’. »

Pan apparaissait ensuite : feu de camp, flûte, satyres rieurs, nymphes dansant sous un ciel étoilé. Une idylle forestière.

« Si tu cherches quelqu’un avec qui partager une soirée musicale au coin du feu ;) »

Aphrodite arqua un sourcil, un peu plus attentive.

« Ah ! Voilà déjà mieux. Ça a du potentiel… Je vais booster un peu tout ça. »

Car oui, la déesse possédait la quasi-totalité des applications de rencontre. Et elle se réservait toujours le droit d’user de son influence divine pour mettre en avant les profils qui lui plaisaient – très subjectivement.

Puis s’afficha un profil plus tape-à-l’œil :

« Yacht de luxe et soirée privée au coucher du soleil. »

Aphrodite roula des yeux.

« Poséidon… Toutes les femmes ne veulent pas ton argent, idiot ! Tu pourrais développer un peu tes qualités personnelles, pour changer ? »

Elle scrola à nouveau :

« Viens nager avec les dauphins. »

Un bref silence.

« Mouais… pourquoi pas. » concéda-t-elle, un peu moins sévère.

Un autre profil s’afficha :

Dolphinus – fils de Poséidon, autoproclamé dieu des dauphins.

« Viens plonger avec moi, découvre la magie des profondeurs. »

Aphrodite pinça les lèvres, réfléchit une seconde, puis éclata de rire.

« Ouais… non. On la connaît ta réputation. Je t’ai déjà banni de Meetic et de Bumble, tu crois que j’ai oublié ? » Elle secoua la tête avec dédain.

« Non, non et non, tu n’es pas le bienvenu. »

Elle continua de scroller, traversant les profils comme on feuillette un catalogue de mauvais choix.

Un éclat de rire lui échappa devant le nombre délirant de comptes que Zeus avait créés, chacun sous un faux prénom à peine dissimulé.

« Sérieusement, tu crois que ça va marcher ? Héra n’est pas aveugle, mon grand. Elle va quand même voir que tu la trompes, même si tu te caches derrière "Jean-Michel, 32 ans, amateur de toges blanches". »

Elle passa vite au suivant, fronçant les sourcils en voyant les photos sanguinolentes d’Arès.

« Oh par pitié, Arès ! Arrête de poster tes selfies après les combats. Personne n’a envie de sortir avec un mannequin édenté, couvert de sang et encore en sueur. »

Elle leva les yeux au ciel et fit défiler d’un geste sec.

« Ah… la touche poétique, ça au moins, ça passe. » Elle plissa les yeux en lisant la bio suivante.
« Mais "le soleil qu’il manque à ta vie"… Franchement ? C’est pas un peu trop, Apollon ? Tu crois que tu séduis avec des slogans de cartes postales ? »

Elle secoua la tête en soupirant.

La déesse passa à X sans le moindre regret, laissant derrière elle la stupidité affligeante des applis de rencontre.

Là, c’était un autre cirque : les guerres d’ego, les menaces à demi voilées, les débats sans fin.

« Oh, regardez-moi ça… Achille encore en train de râler sur Agamemnon. Tu n’en as pas marre de ressasser la même histoire depuis Troie ? »

Elle glissa plus bas.

« Et Cassandre… toujours ses prédictions apocalyptiques. Personne ne t’écoute, ma pauvre, mais tu continues à poster. Quelle ténacité. »

Un soupir lui échappa, partagé entre lassitude et amusement.

« Artémis… » Elle haussa un sourcil en parcourant son profil.

« Communauté uniquement féminine ET féministe ? Bon, ça j’aime bien. » Elle fit une petite moue amusée.

« Mais bannir absolument tous les hommes ? Enfin voyons, ma chérie… Ce n’est plus amusant sans eux. »

L’Olympe avait beau être la demeure sacrée des dieux, tout le monde savait qu’il ressemblait désormais davantage à un gigantesque complexe mondain : un hôtel cinq étoiles, une boîte de nuit privée, et un espace VIP réservé à l’élite divine.

Les réseaux sociaux grouillaient d’annonces « officielles » :

Compte officiel de l’Olympe :
« Nouveaux accès confirmés. Les jeunes mortelles sont désormais autorisées à séjourner à l’Olympe Hôtel et à participer aux soirées du Club. »

Héra (en commentaire) : « Vous n’allez tout de même pas tolérer ça. »

Apollon : « Et les jeunes hommes, alors ? Toujours pas ? »

Hermès : « Ahahah, fallait bien que quelqu’un la pose, celle-là. »

Aphrodite, avachie sur sa chaise longue, gloussa.

« Hôtel, boîte de nuit… Et moi qui croyais que c’était un lieu sacré. En fait, c’est juste une téléréalité divine en continu. »

Artémis : « Assez de masculinité toxique avec vous, pas besoin d’en rajouter. »

Aphrodite leva les yeux au ciel en refermant l’application.

« Et après ça, ils se demandent pourquoi les mortels nous trouvent insupportables. »

Aphrodite soupira et ferma X, lasse des disputes divines.

Elle ouvrit alors une autre application, plus discrète : HalfBloods, le réseau des demi-dieux. Rien à voir avec l’Olympe Hôtel et ses querelles. Ici, l’air semblait plus léger, plus vrai.

Les profils défilaient :

Callista, fille d’Athéna – « Étudiante en stratégie militaire, cherche partenaire d’échecs ou de débat. Attention, je gagne toujours. »

Eryx, fils d’Arès – « Coach sportif, je vous garantis qu’aucune séance ne sera soft. »

Nysa, fille de Dionysos – « Mixologue en herbe. Si tu survis à mes cocktails, je t’offre le deuxième. »

Thalès, fils de Poséidon – « Passionné d’apnée, j’organise des plongées illégales à mes heures perdues. »

Puis, un profil attira son attention.

« Tu veux tirer à l’arc sur les portraits de tes parents divins ou de tes monstres préférés ? J’apporte les flèches. »

Aphrodite arqua un sourcil, amusée.

« Ah ! Celui-là, c’est un petit rigolo. Lucifer… dix-neuf ans. Assistant directeur de Chiron au Camp des Sang-Mêlés. »

Elle laissa échapper un léger rire. « Rien que ça. »

Une notification surgit sur l’écran :

Vous avez reçu une invitation : Anniversaire de Tyla.

« Oh. Ma fille. Depuis quand m’invites-tu, mm ? Ça pourrait être intéressant, pourquoi pas. »