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 Durant toute la matinée du lendemain, j’avais été hantée par les mots de l’article que j’avais lu la veille. A l’heure du déjeuner, Mike était venu, tout sourire, me proposer de partager un repas avec lui. Pour la première fois, j’hésitai, mais finis par accepter en songeant que c’était une bonne occasion pour discuter avec Stan de ce que je venais d’apprendre. Ma curiosité commençait doucement à renaître de ses cendres, tel un Phoenix, après tout ce temps où j’avais tenté de l’enterrer au plus profond de moi.

 Mike n’avait pas remarqué mon trouble. Il profita de ce déjeuner au cours duquel je restai particulièrement silencieuse pour s’ouvrir à moi, comme à une amie, sur les bons moments qu’il avait passés auprès de sa femme. Il me confia à quel point elle lui manquait. En l’entendant parler de Vanessa, mon estomac se retourna au point que je fus incapable de finir mon assiette de lasagnes.

 Je croisai le regard de Stan à plusieurs reprises et il comprit que je savais. Il s’arrangea pour prendre sa pause au moment où Mike s’en allait vers la caisse pour régler notre repas. De nouveau, il demanda à me parler, et mon patron s’éclipsa avec un clin d’œil.

 – Tu me crois, maintenant ? me demanda-t-il.

 – Je ne sais pas si tout ça est vrai… Mais en tout cas il m’a menti sur un point : il m’a dit que sa femme était décédée dans un accident de voiture.

 – Avant, elle bossait avec lui. Ils venaient manger le midi à la table à laquelle vous vous asseyez quand vous venez. Peu avant sa mort, elle avait pris le statut d’associée. Elle détenait la moitié des parts de sa société…

 – Tu crois que c’est pour ça qu’il aurait voulu la tuer ?

 – Ce ne sont que des suppositions… Mais si ça allait mal entre eux, il a peut-être voulu protéger son entreprise avant tout.

 J’en eus la chair de poule. Comment ce type, qui m’avait paru aussi gentil, pouvait-il être le froid meurtrier décrit par le Times et Stan ?

 – Je suis désolé, murmura-t-il. Je voulais que tu saches. Je me serais senti tellement coupable s’il t’était arrivé la même chose qu’à sa femme…

 Je hochai la tête, déboussolée, même si je ne croyais pas un instant que Mike aurait eu un quelconque intérêt à supprimer une pauvre fille comme moi. Après de longues secondes de silence profond, je le remerciai et rejoignis l’agence Host & Fisher Immobilier.

 Comme robotisée, je suivis toutes les indications sur les murs qui me conduisirent jusqu’à la direction. J’avais demandé mon chemin à plusieurs reprises et nombreux étaient les employés qui avaient tenté de me dissuader de me rendre dans le bureau de Mike Host. Je n’avais rien écouté.

 Dès que j’avais repéré son nom sur la porte en bois verni, gravé sur une plaque dorée, j’étais entrée sans frapper. Il ne cacha pas sa surprise de me voir débouler dans son antre, alors qu’il était en visio-conférence avec le gérant d’une filiale de son entreprise.

 Face à mon air grave, il s’empressa de raccrocher, quand bien même je lui avais signifié par des gestes que je pouvais attendre qu’il en ait terminé. Lorsqu’il fut disposé à m’écouter, je lui annonçai sans la moindre cérémonie que je détestais mon travail, que c’était une corvée de m’y rendre tous les jours, et que je souhaitais le quitter.

 Il me faisait peur. Ce dont il était accusé, ce n’était pas un homicide involontaire, une perte de contrôle qui avait amené à un coup fatal, regretté dès qu’il avait été frappé. C’était quelque chose de pire que ça, une manipulation horrible. Faire croire au suicide de quelqu’un, c’était pire que tout. Un acte digne d’un psychopathe. Après l’histoire que j’avais vécue à l’hôtel de Sabrina, je n’étais pas prête à travailler pour un patron en qui je n’avais pas confiance. Je devais me protéger.

 Mike parut surpris. Il n’avait rien vu venir. Pourtant, il ne contesta pas. Qui aurait osé prétendre que classer des papiers était enrichissant ? Il m’affirma qu’il comprenait que j’aie envie d’autre chose, du haut de mes dix-huit ans. Il promit de me garder jusqu’à ce que j’aie trouvé un autre emploi, pour m’assurer une certaine sécurité financière. Il m’offrit même mon après-midi pour commencer mes recherches. Il était si gentil…

 Un instant, je doutai de la version du Times, puis je me ravisai. Je me souvins qu’on m’aurait donné, à moi, le bon dieu sans confession, alors que j’avais déjà volé, triché, menti sans aucun scrupule pour arriver à mes fins. L’habit n’avait jamais fait le moine.

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