Jusqu'en décembre-suite
Halloween
Avec Maël, Solal et Enzo, on a comme une tradition : fêter Halloween tous ensemble, avec nos parents et nos frères et sœurs.
Chaque année, on part récupérer des bonbons et on se goinfre, devant un film, des confiseries les moins diététiques imaginables.
Cette année-là, notre récolte était immense ! Et quand nous avons vidé nos sacs, une odeur industrielle de fraise et de coca embaumait la pièce.
Novembre et décembre
J’aimais bien les cours de sport. On pouvait observer facilement le comportement des gens. On pouvait aussi parler et, étant une pipelette qualifiée, ça faisait mon bonheur.
À cette période, nous faisions piscine. Je suis bonne nageuse, car j’ai fait de la compétition pendant plusieurs années. Les filles aimaient bien m’appeler « le petit poisson mignon », affectueusement.
Je me souviens d’une conversation. Nous parlions, avec Lila — la brune aux longs cheveux bouclés — et Corentin, des relations amoureuses.
— Je vous parie que je suis en couple avant la rentrée de janvier, avait certifié Corentin.
— Pfff, n’importe quoi… À moins que tu comptes conquérir le gazon du terrain de foot, je ne vois pas avec qui tu pourrais sortir, avais-je raillé.
— Mais vraiment ! surenchérissait Lila.
— Vous ne me croyez pas ? Vous verrez… On parie combien ?
— Deux euros, avais-je proposé, confiante.
— Marché conclu.
Je m’étais dit, je ne sais pas trop pourquoi, qu’une toute petite, riquiqui, infime partie de moi, à ce moment-là, avait espéré que ce soit moi, la fille avec qui il comptait sortir.
Je perdis ce pari, car dès la fin novembre, il sortait avec une cinquième. Elle était très jolie, avec des boucles brunes et quelques taches de rousseur. Elle s’appelait Laurine.
Les jours passaient et je comprenais qu’en restant avec des garçons, je m’étais fait beaucoup d’ennemies dans ma classe.
D’une part, les filles qui aimaient untel ou untel et pensaient que je le draguais ; d’autre part, celles qui cherchaient juste un moyen de me nuire, je suppose (alias celles qui avaient créé la rumeur comme quoi je m’étais fait virer de mon ancien collège…).
Plus le temps passait, plus je me rapprochais de Matthis. Il était devenu comme un meilleur ami, mais la suite m’a fait comprendre qu’il était là juste pour « pécho ». Je ne vois pas de terme plus approprié à son but.
Pendant cette période, je me rapprochais énormément de Denis, Corentin et d’une fille de ma classe : Lïa.
Nous nous voyions beaucoup grâce au BIA — le Brevet d’Initiation à l’Aéronautique. Je pense qu’en ces trois lettres, B.I.A., on peut voir les meilleurs moments de ma quatrième.
Nous avions ce cours, une option, tous les mardis et jeudis soirs. On y apprenait un tas de choses intéressantes : la mécanique du climat, les principes d’aérodynamique, la conquête céleste et spatiale, l’histoire de l’aviation, et ce que je préférais par-dessus tout : les instruments de bord.
Le cours avait lieu dans la salle informatique, avec quinze postes. On s’installait tous les quatre côte à côte, et Solal venait souvent à côté de moi. Quentin, Denis, Lïa et moi étions quasiment les seuls de notre classe. Cette option mélangeait cinquièmes, quatrièmes et troisièmes, donc je rencontrais beaucoup de gens, malgré le petit effectif de notre groupe.
Je me souviens d’un fou rire que nous avons eu. Nous sortions du cours de chinois, et la salle info était tout près. On s’était postés devant, le regard rivé vers les escaliers d’où le professeur devait arriver.
On avait attendu une minute, cinq minutes, dix, quinze… Et personne n’arrivait.
On eut alors une idée dite de génie : jouer à saute-mouton. Avec une maturité limitée, nous avions décidé de jouer. Voilà comment je me suis retrouvée à quatre pattes dans le couloir du collège, avec mes amis qui manquaient de m’écraser le dos à chaque saut, et moi riant aux éclats, les côtes douloureuses.
Un jour m’a marquée, et je pense que c’est ce jour-là que je me suis rendu compte que j’aimais vraiment écrire.
Nous étions entrés en salle de français, et Mme Froge nous avait demandé de sortir une feuille.
Elle avait écrit la consigne au tableau : Écrivez un poème, en alexandrins, en utilisant toutes les méthodes que nous avons apprises (assonances, allitérations…).
Le sujet : Écrivez sur quelqu’un que vous aimez.
Et voici les mots que j’avais écrits sur ma feuille, sentant mes pensées tourbillonner :
Attendre et espérer
Je ne sais pas ce que tu es, un tout, un rien ?
Toi, un bruit, un silence, un cri, un murmure.
Tu as ajouté à ma vie de la couleur,
Plein de nouvelles nuances en créant ce lien.
Tu as le pouvoir de me faire pleurer, rire,
Majestueux châtiment, tu es un fabricant,
Mon fabricant de larmes comme de rires ;
Sans toi, je ne suis rien d’autre qu’un vide grand.
Assourdissante mélodie hurlerait en moi,
Si un jour, par malheur, on t’ôtait ton bonheur.
Si tu me demandes d’arrêter, j’arrêterai ;
Si tu me demandes de chanter, je chanterai.
Tu as beau l’avoir bien brisé, mon cœur,
Les morceaux ne réclament qu’une personne : toi.
Mon cerveau hurle au contraire : « Tu vas tomber ! »
Encore, je sais, mais je ne cesserai d’espérer.
Je prie, sans me soucier de ce silence glaçant,
Je sais, je suis capricieuse comme une enfant…
Mais moi, je le sais, que je me relèverai ;
Il n’y a d’autre choix qu’attendre et espérer.
Tu es entré dans ma vie sans prévenir,
Et tu es sorti en claquant la porte,
Sans dire bonjour ni au revoir ; triste avenir,
En me laissant le cœur inerte comme une morte.
Maintenant, je dérive, perdue en moi,
Dans un océan de regrets couleur bleu roi,
Parsemé de taches grisées et aussi de joie,
Matelot perdu en mer qui n’aura plus de toit.
Maussade j’arrive, mais je te vois sourire ;
J’ai beau me l’interdire, tu me fais frémir.
Et voilà que le piège se referme sur moi,
Encore une fois, oui, mais j’avais dit « plus jamais ».
Je te regarde et retombe amoureuse de toi,
Cri inaudible, brûlure glacée, je subis.
Mal, je le sais, mais je ne peux plus résister
À ces yeux et à cette personnalité.
Ô, qu’on l’arrête pour tentative d’homicide !
De son regard charmant, oui, j’en reste livide.

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