Chapitre 8

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** J'ai changé le prénom de Martine ! Je préfère Maurane ;) **

Le poids de la solitude s’abattit sur moi comme une pluie d’orage en plein été. Et, tandis que je me tournais vers Mamé, toujours assise à l’ombre du tilleul, les gouttes d’eau tombant sur mon cœur se firent soudain plus lourdes. Je n’étais plus aussi sûre de retrouver le réconfort chaleureux que m’apportait autrefois ma grand-mère. Elle paraissait si vulnérable sous son châle de laine que je me souvins aussitôt que c’était à présent à mon tour de veiller sur elle.

Elle ouvrit un œil alors que je m’approchai.

— Ça va aller Lili Divine. Ils reviendront te chercher.

Je souris malgré moi. Si tout pouvait parfois redevenir ce qui avait été...

— Tu veux que je t’apporte quelque chose ?

— Non, aide-moi juste à me redresser… Rah ces fichues articulations ! On ne devrait pas vieillir, je te le dis !

Je l’aidai à s’extirper de son fauteuil et lui proposai mon bras pour soutenir sa marche.

— On va aller préparer une tasse de café pour Maurane.

Ladite Maurane s’activait derrière la table à repasser. Ses longs doigts de fée glissaient sur le tissu chauffé par la centrale vapeur et, en deux temps trois mouvements le vêtement trouva sa place sur la pile à côté d’elle. Je laissai Mamé verser le café moulu dans un filtre tandis que j’observais, sans aucune discrétion, cette femme effectuer les mêmes gestes sans relâche. Certainement amusée par mon attitude, elle me sourit. Ses dents, d’une blancheur immaculée, contrastaient avec sa peau hâlée, tout comme ses yeux clairs riant sous ses boucles brunes. Consciente de mon impolitesse à la dévisager ainsi, je me tournai vers ma grand-mère qui venait de poser trois tasses sur la table.

— Assieds-toi Lili Divine.

Je rougis. J’avais l’impression d’être une gamine au milieu de deux grandes dames.

— Vous avez rencontré ma petite-fille ? dit Mamé à l’adresse de Maurane.

— Oui, nous nous sommes croisées lorsque je suis arrivée.

— Elle va passer l’été avec moi, comme quand elle était petite.

Maurane posa sur ma grand-mère un regard rempli de tendresse.

Je repensai à cette histoire que m’avait confiée ma mère. Jamais je n’aurais imaginé la vie qu’elle menait tant son sourire semblait apaisant. Était-ce sa façon de survivre au drame qu’elle avait enduré ? Était-ce une provocation adressée à la Vie ? Je songeais à ses enfants : c’était sûrement et simplement l’instinct maternel et son devoir de protection qui avaient pris le dessus.

— T’as vu Lili comme ces piles sont nettes ?

Je rougis plus encore. Était-ce une simple constatation ou une remarque à mon encontre ? Le chuchotement de ma grand-mère trancha pour la seconde option.

— Ma petite-fille déteste les tâches ménagères… Mais on l’aime quand même ! N’est-ce pas Lili Divine ?

Encore heureux !

Maurane ne commenta pas mais ne sembla pas moins amusée. Elle avala sa tasse de café, rangea les piles de linge dans l’armoire et remit des draps frais dans chaque lit avant de revenir saluer ma grand-mère.

— À lundi Fanette ?

— À lundi Maurane. Tenez ! Vous donnerez ça aux p’tits.

Mamé déposa deux paquets de bonbons au creux de sa main. J’eus l’impression que le temps s’arrêtait quelques secondes. Et, dans cette pause suspendue aux regards de ces deux mères, un courant passa. Aussi frêle que rapide. Un courant chargé d’émotions qui vibra jusqu’à moi.

Alors que Maurane s’en allait, la bulle dans laquelle Mamé et elle m’avait plongée éclata à l’instant où Ben siffla.

— C’est qui cette brune que j’ai loupée ?

Tout m’horripila à cet instant : sa voix de mâle dominant ainsi que son regard rivé sur ses fesses.

— Tu peux pas avoir plus de respect ?

— Quoi ?!

— T’es obligé de siffler ? Tu t’es pris pour un oiseau ?

— Allons, allons les enfants, vous n’allez pas vous chamailler !

Je levai les yeux au ciel. Il avait de la chance que Mamé soit là !

— Il faudrait aller faire deux trois courses, reprit-elle. On va se prévoir un p’tit apéro ce soir. C’est pas tous les jours que j’ai mes deux minouches auprès de moi.

— Je vais te conduire Mamé, Coco s’occupera du repas.

— Pardon ? lui demandai-je.

— Ben on se partage les tâches, non ?

— Je peux tout aussi bien conduire Mamé et te laisser préparer le dîner !

— Pourquoi, tu ne sais pas faire à manger ?

Je sentais ma rage gonfler à mesure qu’il parlait. J’étais prête à lui rentrer dedans lorsque j’entendis Mamé crier depuis l’extérieur.

— Bon c’est pour aujourd’hui ou c’est pour demain ?

Nous nous regardâmes quelques secondes avec un air de défi, puis nous nous précipitâmes tous deux sur la clé de voiture qui pendait au crochet de l’entrée. Je fus la plus rapide !

— T’en fais pas Benny, je te ramène tout ce dont tu as besoin !

Heureuse de m’être imposée face à mon cousin, je démarrai la voiture sous le regard amusé de Mamé.

Ma joie ne dura pas bien longtemps puisqu’en rentrant, Ben avait déserté la maison. Un petit mot trônait sur la table. « Parti chercher des clopes. Commencez l’apéro, j’arrive. »

Ma grand-mère ricana en tapotant mon épaule.

— On dirait bien qu’il t’a eu sur ce coup là.

Mais pourquoi riait-elle ? On était censées être dans le même bateau !

— On va se servir un p’tit verre, ça le fera venir et ensuite je préparerai le repas.

— Je vais le faire avec toi…, dis-je à contre-cœur.

Si accepter le fait de cuisiner pour mon cousin me filait la nausée, je le faisais davantage pour seconder Mamé et lui laisser ainsi l’opportunité de continuer à faire ce qu’elle aimait tout en gardant un œil sur elle si ça tournait mal.

Je sortis deux verres du placard et débouchai la bouteille de Chardonnay que nous venions d’acheter.

— Alors ma grande, qu’est-ce que tu racontes de beau ?

— Bof, pas grand-chose. Ma vie est au point mort.

Elle me regarda d’un air soucieux.

— Mais t’en fais pas ! Je suis très heureuse d’être là. Ça m’a manqué tu sais ?

— Tu sais ma Lili, dans la vie, plusieurs pages se tournent. Chaque fois, c’est l’occasion de se demander ce qu’il nous manque pour avancer… Qu’est-ce qu’il te manque, Bibine ?

— J’sais pas !

Elle me sourit.

— Prends ton temps. La vie ça ne presse pas !

Je trinquai avec elle, peu convaincue. J’avais tout de même déjà trente ans ! Pourtant je ne savais pas plus qu’à quinze ans ce que je voulais faire de mon existence.

— Chaud !!

La voix de Ben me fit sursauter.

— Le repas est servi, déclara-t-il en claquant devant nous deux cartons de pizza.

Alors que je m’apprêtai à rétorquer qu’il ne s’était pas foulé, la voix enjouée de Mamé qui applaudissait m’en dissuada. Elle semblait aussi heureuse qu’une petite fille un matin de Noël. Je regardai Ben qui me scrutait lui aussi d'un air suppliant que je ne lui connaisssais pas.

OK pour la trêve !

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