Chapitre 14

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J’étais sonnée par les révélations de Mamé. Je songeais qu’on ne connaissait finalement que très peu les personnes chères à notre cœur. Peut-être parce qu’on ne prenait pas le temps de chercher à comprendre qui elles étaient réellement. Tout simplement.

J’étais contente que ma curiosité m’ait poussée à dénicher cette correspondance et mille questions fusaient dans ma tête. J'allais lui demander qu'elle me raconte la suite lorsque je vis son regard perdu à la surface du tas d'enveloppes qu'elle tenait entre ses mains.

Quelle heure est-il Bibine ?me demanda-t-elle sans même poser les yeux sur moi. 

J’avisai ma montre.

21h45.

Elle ne commenta pas, se contentant de lisser le papier dans un sens puis dans un autre, les yeux toujours rivés sur un point invisible.

Ça va Mamé ?

Quelle heure est-il Bibine ?

Je fronçais les sourcils. Elle fixait le vide. Elle ne m’avait pas entendue, ou pas écouté ma réponse.

T’ai-je déjà parlé d’Augustine ? ajouta-t-elle en trifouillant le courrier.

À cet instant, je commençai à paniquer. Je craignais d’avoir réveillé des symptômes qui semblaient s’être endormis depuis plusieurs jours et je me demandai si cette incursion dans le passé de ma grand-mère était une bonne idée. Depuis le début de son récit, elle me paraissait plus vieille encore. Ce constat me perfora le cœur mais je ravalai le nœud qui se formait au creux de ma gorge et décidai de ne pas la brusquer.

Non… Tu me parleras d’elle demain ? Il se fait tard, il faut dormir.

Quelle heure est-il Bibine ?

21h45 Mamé. On va se coucher, lui dis-je d’une voix enrouée d’émotions.

Je lui pris doucement le tas d’enveloppes pour le déposer dans le tiroir de sa commode et lui remontai sa couverture jusqu’au menton.

Elle était ma liberté, l’entendis-je murmurer avant qu’elle ne ferme les yeux.

Je déposai un baiser sur son front en luttant contre les larmes qui me piquaient les yeux puis sortis de sa chambre plus chamboulée encore que je ne l’avais jamais été.

Ça va ? m’interrogea mon cousin, visiblement inquiet.

Je me laissai tomber sur le fauteuil en face de lui.

Mamé… Tu crois qu’elle finira par nous oublier nous aussi ?

Ben serra les dents.

J’en sais rien ! Tout ce que je peux dire c’est qu’il faut profiter de tous nos moments avec elle.

Sur ces mots, il me laissa et monta dans sa chambre. Je restai seule dans la pénombre du salon à essayer de trouver des réponses à mes questions. J’aurais tant voulu poursuivre cette conversation, découvrir ce qui s’était passé ensuite. Augustine était-elle revenue ? Que s’était-il passé alors ? À quel moment, Papé était-il entré dans sa vie ? La seule certitude que j’avais était que l’amour que se portaient Augustine et ma grand-mère n’avait pas résisté aux aléas de la vie puisque Mamé s’était mariée et que jamais avant aujourd’hui je n’avais entendu parlé de cette jeune femme.

Je dégainai mon portable et lançai Internet. Je tapai Augustine Klein dans le moteur de recherche mais ne trouvai rien. « Trop facile ! » songeai-je. Sans aucune idée de la manière dont glaner les informations qu’il me manquait, je sortis un nouveau carnet.  Je me devais d’être à la hauteur des souvenirs de ma grand-mère. Je lui avais promis de me rappeler de son histoire et je comptais bien la lui raconter autant de fois qu’il le faudrait si malheureusement sa mémoire venait un jour à flancher. Aussi, entrepris-je d’écrire le début de cette histoire que Mamé venait de me confier. Pour la suite, j’attendrais que ma grand-mère me conte la suite.

Au matin, après quelques heures passées dans les bras de Morphée, je continuai mon récit et c’est avec un crayon en main que me découvrit Ben.

T’es tombée de ton lit ?

Non, j’ai mis mon réveil. J’ai fait du café si t’en veux. J’attends que Mamé se réveille pour griller ses tartines.

Il me regarda comme si j’étais une revenante.

Ben quoi ?

Ben rien !

Il n’ajouta rien de plus et se versa une tasse de café avant de s’attabler devant moi.

T’écris toi ?

Non ! Je…

Je ne savais pas quoi lui répondre. Cette histoire appartenait à Mamé et j’aurais eu l’impression de la trahir si j’en parlais. Encore plus à Ben. Mais, il profita d’un instant de négligence de ma part pour attraper le carnet et lire les lignes que je venais de rédiger.

Donne-moi ça ! criai-je.

C’est quoi ces conneries ?

Je récupérai enfin le carnet.

Pourquoi t’écris ces choses sur Mamé ?

Je me mordis la lèvre. À contre-cœur, je lui expliquai.

Je lui ai promis de lui rappeler son histoire si jamais elle oubliait.

Son… histoire ?

Avec Augustine, oui !

C’est qui cette Augustine ?

J’hésitai, je craignais d’heurter l’esprit étriqué de mon cousin.

Augustine était l’amie de Mamé.

Il me fixait, attendant que je développe.

Une amie très importante. Une personne qu’elle a beaucoup aimé.

Tu veux dire que Mamé était une… espèce de gouinasse ?

Je fulminai.

Tu peux pas arrêter cinq minutes d’être un connard ?

Mais… c’est dégueu !

Quoi ? Qu’est-ce qui est dégueu ? De s’aimer ?

Il serra les dents. Je savais pertinemment ce qu’il avait voulu dire.

Qu’est-ce que t’y connais à l’amour toi ? me demanda-t-il sur un ton de reproche.

Recentrer la conversation sur moi lui permettait d’exprimer sa colère. Je m’en fichais. Je préférais qu’il s’en prenne à moi plutôt qu’à Mamé. Mais je ne me laissai pas faire pour autant.

Et toi ?

Ben me toisa un long moment puis quitta la maison en claquant la porte. J’eus de la peine pour lui. Ses certitudes volaient en éclats. Mamé avait toujours eu cette place qu’aucune autre femme ne prendrait jamais. Il l’admirait, l’idolâtrait. J’imaginais, non sans mal, combien découvrir cette facette d’elle devait l’ébranler. J’espérais que leur lien soit assez puissant pour que mon cousin dépasse ses préjugés.

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