C1-2 Le Magistrat

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 Un juge...

 Les juges étaient les soldats d'élite de l'armée Archadienne, ils étaient facilement reconnaissables par leur armure noirâtre et imposante. Tous avaient une cape affichant fièrement le sceau de l'Empire Astéen d'une couleur rouge sang : un serpent entremêlé autour d’un anneau. Par malchance, se tenait devant eux le juge master, bras droit de l'Empereur

Le visage du Magistrat était caché par son heaume imposant. Bahn suivait du regard la démarche de son bourreau traînant sa coéquipière dans un silence de mort. Le juge relâcha le bras de la soldate et elle put rejoindre son capitaine à la hâte. Les armes confiquées, ils ne pouvaient plus s'échapper.

 Elle agrippa le bras de Bahn et implora son pardon. Le capitaine du Daflad caressa les joues baignées de larmes de la Vaillante et s'excusa aussi. Ce n'était qu'un vulgaire piège, ils s'y étaient enlisés sans se douter de quoi que ce soit. Bahn avait la tête baissée,le regard vide, il était vaincu.

Le juriste Astéen leva le bras, les guerriers qui entouraient les Dafladiens baissèrent leurs armes, l’imposante armure noire entra dans le cercle créé par son escouade pour faire face aux deux agitateurs qui restaient dans la pièce. Les deux soldats échangèrent un dernier regard, la mort serait leur seule récompense, la mission avait lamentablement échoué, mais ils ne seront plus là pour voir les conséquences de leur défaite. Le lot de consolation des morts.

— Au moins, je le retrouverai, gémit Erel entre ses lèvres tremblantes.

— Je ne vous tuerai pas, déclara froidement le juge master dont la voix résonnait dans son heaume.

— On ne vous dira rien, cracha Bahn.

— C'est ce que l'on verra. ironisa le Magistrat avec dédain.

— Je ne trahirai jamais mon pays, ni les gens que j'aime. Tuez-nous maintenant, car vous n'aurez rien ! ajouta Erel.

— J'ai dit que je ne vous tuerai pas.

— Alors moi, si ! s'écria la soldate.

 Erel s’élança vers un soldat qui était derrière elle, elle saisit avec dextérité l’arme de ce dernier et s’élança arme au poing vers le juge. Elle était déterminée à l’emporter avec elle dans la mort, un acte désespéré et vain. Le plus puissant des soldats Astéens dégaina son imposante épée et asséna un coup puissant sur le sol qui fendit les pierres et projeta la jeune femme à terre. Elle n’eut pas le temps de se relever que fondirent sur elle les Astéens, ils saisirent fermement ses poignets et la maintinrent au sol. L'Amazone hurla, elle lutta pour se défaire de ses assaillants, mais elle ne parvint à rien.

Impuissant, son capitaine tenta de l’aider, mais le juge le frappa avec le pommeau de son épée derrière le crâne. L’imposant capitaine du Daflad s’écroula, le sol humide et enduit de sang. Inconscient, il se fit traîner par d'autres soldats. Erel avait beau crier, il ne se réveillait pas. Elle ignorait ce qui allait advenir de lui. Face à la mort, elle s’inquiétait plus pour son capitaine que pour elle-même.

Le juge s’avança lentement vers elle en laissant la pointe de son épée crisser sur le sol.

— Tu vas avoir l’honneur de rencontrer notre empereur, alors reste tranquille et je te promets qu’aucun mal ne te sera fait.

— Plutôt mourir ! Je ne sais rien, je n’ai rien à dire et de toute façon je n’ai plus rien...alors tue-moi qu’on en finisse, cracha Erel d’un ton haineux et rempli de rage

 Le juge master rengaina son arme et n’ajouta rien. Il leva de nouveau le bras et fit signe à ses subalternes d’emmener la prisonnière ailleurs. Le Magistrat resta dans la pièce, Erel essaya de lutter et jeta une dernière fois un regard et des injures en direction du représentant de l’armée adverse. Mais celui-ci ne daigna pas se retourner.

*

 Au dehors, la bataille faisait rage, le prince avait lancé l’assaut après la fausse alerte. Son dénouement ne fut pas celui escompté. La défaite qu'ils subirent meurtrit à jamais le royaume.

*

 Les deux guerriers furent envoyés dans le vaisseau du juge. Les vaisseaux sont des capsules capables de voler grâce à de l'énergie solaire. Tous de formes différents, ceux de l'Empire Astéen étaient tous très longs, à plusieurs étages, et complètement noirs. Machines métalliques et hautement sécurisées, ces bastions géants et labyrinthiques étaient les armes les plus puissantes dont l'Empire disposait.

 Erel ouvrit les yeux alors qu'elle était dans une petite salle vide, seule. Tandis que la soldate s'interrogeait sur les réelles intentions de l'Empire, quelqu'un frappa à la porte de sa cellule.

Le juge master entra avec un plateau repas dans les mains. Ils ne s'adressèrent aucun mot. Le magistrat posa le plateau sur le sol devant la prisonnière qui était recroquevillée dans un coin de la pièce. Elle avait la tête dans les genoux et refusait de regarder le juge. Elle espérait que ce dernier partirait vite, mais il en fut autrement.

Il posa son heaume à côté de la Dafladienne et espérait que sa curiosité ferait que leurs regards se croiseraient enfin.

 Erel ne bougea pas. Elle se moquait éperdument de qui pouvait être cet Astéen. Pour elle, il n'était personne et ne représentait pas l'idée de ce qu'elle se faisait de la justice. Elle préférait mourir de faim plutôt que d'accorder un tant soit peu d'importance à ce chien de l'armée Astéenne. Alors que dans sa tête elle lui attribuait toute sorte de noms d'oiseau, l'armure noire de l'Empire, qui restait face à elle dans cette si petite pièce, finit par prendre la parole pour briser le silence.

— Il te faudra des forces pour te présenter devant l’empereur. Le voyage jusqu'à Astéa n'est pas trop long mais quand même, lança-t-il d’un ton presque sympathique.

— Laisse-moi mourir. Que ce soit ici et maintenant ou dans quelques heures devant l’empereur, qu’est-ce que ça change? souffla la jeune femme épuisée.

— Tu as raison, il n’y a pas de différence, sauf si tu n’es pas destinée à mourir, ricana le juge master.

— C’est quoi ce délire, une nouvelle forme de torture inventée par le juge master lui-même. Va-t'en, laisse-moi seule! vociféra la représentante du Daflad d’un ton haineux.

— Tu as la fâcheuse tendance à ne pas écouter ce que les autres te disent. Tu n’as toujours rien compris, n’est-ce pas?

 Erel pensait qu’il se moquait d’elle, cette phrase lui rappelait quelque chose ou plutôt quelqu’un. Son cœur déjà fragile et blessé bondit dans sa poitrine, une douleur qu’elle essayait de camoufler incendia ses viscères et les larmes lui montèrent aux yeux sans qu’elle ne puisse les retenir. Elle avait honte de pleurer devant lui, cependant elle ne lui ferait pas le plaisir de lui montrer sa faiblesse. Elle garda la tête entre les genoux et resserra son étreinte autour d'eux.

 Le juge master avait face à lui une jeune femme complètement repliée sur elle-même. C’était une mesure de protection qu’il pouvait comprendre, mais il fallait absolument qu’il parvienne à lui faire lever les yeux, ne serait-ce qu’une seconde.

 C’était un homme déterminé et qui plus est, assez malin pour obtenir ce qu’il désirait. Son cœur à lui aussi battait très fort, il ressentait de l’appréhension et à la fois une certaine excitation. Il avait hâte de voir la réaction de son interlocutrice lorsqu'elle l'apercevrait. Pour faire réagir Erel, le juge fit glisser le plateau repas jusqu’aux pieds de la guerrière du Daflad. Il relança son invitation avec le même ton presque sympathique.

 Un long silence s’installa entre eux, Erel avait froid et grelottait alors qu’elle refusait toujours de faire face à son ennemi. Le juge était debout, face à elle, jouant de patience pour atteindre son but.

 Il finit par s’acroupir en face d’elle et lui toucha à peine le bras, un contact outrageux et écoeurant pour la Dafladienne qui sursauta et poussa sur ses pieds avec toute la force qui lui restait afin de s’écarter de l’Astéen. Ce mouvement la fit relâcher ses genoux et ses pupilles croisèrent durant quelques secondes celles du juge.

 Les yeux verts du juge percèrent le cœur d’Erel, elle se mit à trembler, à avoir le souffle court. Elle pensait mourir ou devenir folle.

 Une main sur sa cage thoracique, elle cherchait à retrouver de l'air qui semblait se raréfier dans la pièce. Sa vision se troubla et la gravité l’aspirerait encore plus vers le sol.

 Le juge master soutint la soldate et de nouveau leur regard se croisa.

Erel posa une main sur le visage de son interlocuteur, elle en suivit les contours, longea sa mâchoire saillante et carrée, caressa du doigt sa bouche fine et bien dessinée, plongea dans ses grands yeux verts et examina son nez long et fin. Elle passa ses mains dans ses cheveux courts et châtains, en apprécia la texture, puis elle effleura ses petites oreilles pour descendre jusqu'à son cou. Elle prit le temps d’en juger toutes les aspérités et les cicatrices.

 L’homme en eut des frissons et avait des papillons dans le ventre, une vieille sensation qu’il ne pensait plus jamais ressentir de sa vie. Il plaça du bout des doigts une mèche des longs cheveux de la jeune femme derrière son oreille et lui sourit timidement.

La Dafladienne crut s'asphyxier et mourir de cette vision. Elle souhaitait s'extirper de l'emprise de cet être ressuscité et, à la fois, elle cherchait le contact avec l'être aimé. Ne sachant que faire de plus, le juge master la saisit dans ses bras, étouffa son besoin de la sentir encore plus fortement contre lui.

— Gaven,s'étrangla Erel entre deux inspirations

— Respire, je t’expliquerais tout le moment venu.

 Le juge master était Gaven Caelistis, le petit frère du capitaine Bahn et l’ex-fiancé mort au combat d’Erel. Elle l’avait enterré 3 ans plus tôt, son corps n’avait jamais été retrouvé, en avait fait son deuil et pensait que seule la mort pourrait les réunir. Or, il n’était pas morte, il était le plus haut représentant de l’armée adverse.

S’expliquer? Mais qu’y avait-il à expliquer? Aux yeux de la soldate Dafladienne, Gaven était un traître. Il avait capturé son propre frère et son ex-fiancée puis il les livrerait à son nouvel empereur, un acte impardonnable et minable qui ne correspondait absolument pas au Gaven qu’Erel avait connu!

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