Elisabeth

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Montgomery, Alabama

Vendredi 24 juin 2022

Avant que j’aie pris une décision, les yeux de la nouvelle élue se posèrent sur moi, me détaillant de la tête aux pieds. Trop tard pour me défiler, ce n’est pas mon style de toute façon. La femme blonde acheva de descendre les quelques marches et se dirigea vers moi d’une démarche résolue.

— Et bien, pour une surprise, c’en est une, susurra Elisabeth quand elle fut à ma hauteur. Ne me dit pas que tu es ici pour notre modeste sauterie.

— En effet, répondis-je, je suis venu en Alabama pour enterrer ma grand-mère Mary.

— Oh, désolée, comme je suis maladroite. Toutes mes condoléances.

— Merci, mais je ne l’avais pas revue depuis presque vingt ans.

— Tu veux dire que tu n’étais pas revenue à Montgomery depuis tout ce temps ?

— C’est cela, mais toi visiblement tu es restée ici et tu as plutôt bien réussi.

— C’est presque vrai, j’ai fait des études de droit à Yale puis je suis rentrée ici pour travailler avec mon père après un passage chez Morgan Lewis à Boston. J’ai épousé Jack Stanton, un brillant associé et nous dirigeons maintenant l’affaire tous les deux.

— Félicitations ! Je ne voudrais pas abuser de ton temps, je crois que beaucoup de personnes t’attendent.

— Tu ne peux pas disparaitre à nouveau comme ça, je veux savoir ce que tu es devenue. Tu es splendide en tout cas. Quand repars-tu ? On a peut-être le temps de se voir et prendre un verre demain.

Je pouvais mettre fin à tout cela en lui précisant que j’avais déjà un billet réservé au départ d’Atlanta dès demain soir, mais en réalité, je voulais en savoir d’avantage sur Betty moi aussi. Je n’avais de fait pas encore pris de dispositions pour mon retour sur la côte Ouest et je pouvais tout à fait passer un ou deux jours de plus en Alabama.

— Demain, ça va être un peu difficile pour moi, c’est le jour de la cérémonie au cimetière.

— Pourquoi pas dimanche alors ? Nous recevons quelques amis à la maison, un barbecue du Sud. Tu es la bienvenue.

Pouvait-elle avoir oublié sa dernière invitation ? Il ne me fallut pas longtemps pour prendre ma décision.

— Ce sera avec plaisir ! Donnes-moi ton adresse.

— Je suppose que tu as pris une chambre ici. Je te ferai porter une invitation demain matin. Je te souhaites une bonne nuit.

Sur ces derniers mots, elle tourna les talons pour rejoindre un groupe d’hommes en smoking et de femmes en robes de cérémonie qui l’attendaient, une coupe de champagne à la main.

Je montai dans ma chambre, avec la ferme intention d’en savoir plus sur cette femme avant de l’affronter de nouveau.

La pièce était conforme à ce que j’avais imaginé, conforme aux standards des grands hôtels américains. Louis avait réservé pour moi une chambre avec lit king size. La vue s’étendait sur la boucle de la rivière aux rives illuminées. L’établissement était assez récent, mais une cheminée factice était malgré tout allumée en ce début d’été, face au grand lit. Je m’empressai de l’éteindre, comme j’éteignis également la télévision dont le grand écran me souhaitait la bienvenue, en me proposant tous les services offerts par le personnel, bien entendu à mon entière disposition. Mes bagages avaient été déposés dans la vestibule, mais pour le moment, je n’étais pas spécialement pressée de vider mes valises. Je me débarrassai de mes chaussures et jetai mon sac sur le lit. Le minibar était bien approvisionné. J’attrapai une mignonette de whisky et un verre. Je me posai dans un vaste fauteuil pour réfléchir à la situation.

Quel jeu jouait Betty. Était-elle réellement désireuse de renouer avec moi, ou réagissait-elle simplement comme la femme respectable qu’elle était devenue, distribuant ses cartons d’invitation, sans trop se préoccuper de l’origine des destinataires. Je n’avais, pour ma part, rien oublié de ce qui s’était passé à la fin de notre année de onzième.

Afin de prendre un petit avantage, j’appelai Louis. Je savais que du fait du décalage horaire, je ne le dérangerais pas à cette heure. Il était encore trop tôt pour les sorties nocturnes dans ses bars favoris. De fait, il répondit à la première sonnerie.

— Alors ma grande, pas encore couchée ?

— Ça ne va pas tarder, mais il n’est pas si tard que ça ici. J’aimerais que tu fasses une petite recherche pour moi. Elisabeth Stanton, avocate à Montgomery et toute nouvelle présidente du Rotary local. Je n’ai pas le courage de m’y coller moi-même.

— Bien ma Princesse ! me répondit-il avec un ton faussement obséquieux. Ce sera tout pour votre service ? Sur combien d’années faut-il que je remonte ?

— Jusqu’en 1998. Elle était à GW Carver High School à Montgomery, puis elle a étudié le droit à Yale et travaillé dans un cabinet de Boston, mais ça je le trouve sur FaceBook. Ce qui m’intéresse c’est ce que je ne trouverai pas avec Google.

— Plus de vingt ans ! tu sais qu’à cette époque on ne confiait pas sa vie à son téléphone ?

— Si c’était facile, je n’aurais pas besoin de te le demander.

— Je vais voir ce que je peux trouver. Tu veux ça pour quand ? Avant-hier je suppose.

— Non, je ne suis pas si pressée. Demain matin, ce serait bien. Heure de la côte Est, cela va de soi.

— Bien entendu, je m’y colle tout de suite. En fait, ça tombe bien, je n’avais rien à faire ce soir. Mon petit ami fait du baby-sitting.

— Allez, tu as au moins trois heures avant d’aller le retrouver. Je ne veux pas te retarder. Bonne soirée et merci d’avance.

— C’est ça, bonne nuit à toi aussi.

— Au fait, tu as bien choisi, la chambre est sympa et la vue sur la rivière est magnifique.

Je raccrochai avant d’entendre le sarcasme qu’il n’allait pas manquer de me retourner.

Louis est mon employé, mais je le considère avant tout comme un ami. Son goût exclusif pour les personnes de son sexe fait qu’il n’y a jamais eu la moindre attirance sexuelle entre nous, même si je dois avouer qu’à notre première rencontre, j’avais flashé sur son style et sa silhouette parfaite. Je savais pertinemment que le lendemain j’aurais un dossier complet sur la femme que je considérais comme la plus vénéneuse qu’il m’ait été donné de côtoyer.

Je passai rapidement dans la salle de bain pour me faire couler un bain, avant de revenir finir mon verre dans le coin salon. Je sortis mon MacBook de mon sac afin de consulter ce que le Net disait sur Elisabeth Stanton.

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