Nassau

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Mercredi 29 juin

Nassau, Bahamas

Pablo enclencha le pilote automatique, cap sur la pointe Nord d’Andros Island. Le bateau avançait maintenant à vingt-deux nœuds en direction de la grande ile des Bahamas dont on pouvait deviner la silhouette à l’horizon. Le marin, libéré de la conduite, entreprit de ranger le matériel de pêche. Une heure plus tôt, il avait mis quatre lignes à l’eau après avoir réduit la vitesse à huit nœuds. Il avait rapidement obtenu quelques touches, des poissons modestes qui n’avaient pas éveillé de désir particulier chez son client et il les avait laissé filer.

Le skipper était maintenant convaincu que la pêche n’était pas le but de la navigation qu’il avait entreprise plus tôt le matin. Au contraire, Mick Brown venait régulièrement s’inquiéter de leur position et de leur horaire d’arrivée à Nassau. Pablo reprenait alors patiemment ses explications, montrant successivement la carte électronique et la route programmée, l’écran du radar et traduisant les indications en langage compréhensible pour un terrien.

Le choix de Nassau avait été entériné en milieu de journée, lorsque Brown avait pu valider les performances du Riviera. Les données de navigation permettaient d’espérer une arrivée avant la tombée de la nuit. Brown avait alors sorti de son sac un téléphone Iridium et s’était isolé pendant un assez long moment, avant de reparaitre l’air satisfait. Pablo avait proposé de servir le déjeuner préparé plus tôt, avant l’appareillage. Brown n’avait pas vraiment touché à la nourriture, mais il avait bu plusieurs bières, parlant peu. Pablo était un peu déconcerté, la plupart des personnes qu’il emmenait en mer aimaient évoquer leurs sorties précédentes, les poissons qu’ils avaient pris, montraient des photos les représentant posant fièrement avec leurs trophées. Il en avait pris son parti, se contentant de répondre aux questions relatives à leur progression.

Vers seize heures, le marin reprit le contrôle pour franchir les passages délicats au nord de San Andros et corriger la route vers l’ile de New Providence et Nassau. Le passager vint de nouveau le retrouver sur la passerelle de navigation, s’inquiétant du lieu précis de leur arrivée.

— Voici un plan détaillé des installations portuaires, répondit-il à Brown en sortant un épais volume, ouvert à la page correspondant à la capitale de l’archipel. Sauf si vous avez une autre préférence, je prévois de nous amarrer à Paradise Island. La marina est assez vaste pour un bateau de cette taille et il y a un grand ponton pour les visiteurs. Nous y serons dans deux heures. Si vous êtes d’accord, je vais avertir la capitainerie de notre arrivée. Le bateau est déjà venu assez souvent ici, il est répertorié, mais vous aurez quand même besoin de répondre à quelques questions de la part de l’officier de l’immigration qui va venir à notre rencontre. J’espère que ça ne vous pose pas de problème.

— Non, bien sûr, répondit Brown. Et moi aussi je suis déjà venu à Nassau, mais en avion !

— Au fait, combien de temps pensez-vous rester ici ?

— Je ne sais pas encore, prévoyez deux nuits.

Le soleil commençait à décliner quand le Riviera s’engagea dans le port de Nassau. Un pilote s’approcha à bord d’une petite embarcation et dirigea le bateau vers la marina. Comme prévu, une vedette de l’administration locale vint à leur rencontre. Pablo se fit reconnaitre et présenta le manifeste du bateau. Brown fit de même et l’officier les laissa continuer leur chemin sans poser plus de questions.

Dès que les amarres furent frappées, Brown descendit à terre.

— Ne m’attendez pas ce soir, ou alors très tard, cria-t-il au marin en s’éloignant vers un gros SUV noir.

Pablo prit le temps de ranger le bateau avant de le verrouiller et de quitter le bord. En plus de vingt ans de navigation dans ces eaux, il avait eu maintes fois l’occasion de faire escale à Nassau. Il se dirigea sans hésiter vers l’un des nombreux bars du port.

Le SUV, un Suburban, franchit le pont enjambant Potters Cay à vive allure avant de se diriger vers l’aéroport. Après quelques minutes, le véhicule s’engagea dans une allée contrôlée par deux hommes. Il s’arrêta enfin devant une villa moderne. Le conducteur demanda à son passager, dans un mauvais anglais, de descendre et rejoindre l’intérieur de la maison. Sur le seuil, un autre homme s’assura que Brown n’était pas armé avant de l’introduire auprès de Juan Pablo.

— C’est aimable à vous d’avoir accepté ce petit voyage. Je m’attendais à revoir Monsieur Rochambault, mais j’ai cru comprendre qu’il avait un empêchement.

— Il a mis son bateau à ma disposition et m’a donné carte blanche pour organiser la livraison.

— C’est son affaire, je vous rappelle ce que je lui ai dit lors de notre dernière rencontre. La marchandise sera à votre disposition sur le port de votre choix, en République Dominicaine. Elle vous appartiendra dès que j’aurai la confirmation du paiement en cryptomonnaie, j’ai une préférence pour le bitcoin, même s’il est moins attrayant en ce moment. À partir de là, ce qui se passe ensuite n’est plus de mon ressort. Quand pensez-vous être prêts ?

— Dans une ou deux semaines au plus. Il nous reste quelques détails à régler.

— Si vous avez besoin de soutien logistique dans mon pays, je peux vous indiquer quelques prestataires parfaitement sûrs.

— Je vous remercie. Avez-vous préparé l’échantillon que nous avons demandé ?

Juan Pablo fit signe à son garde du corps qui revint avec une petite mallette qu’il ouvrit sur le bureau.

— C’est de la qualité supérieure, vous pouvez me faire confiance.

Brown sortit une grosse enveloppe de sa poche et la tendit au dominicain.

— C’est parfait, j’attends votre appel, laissez-moi juste un jour de préavis ! Mon chauffeur va vous ramener où vous voulez. Si vous voulez une fille, il peut aussi vous aider.

— Merci, je lui demanderai juste de me déposer au Four Seasons.

Une heure plus tard, Mick Brown était installé au bord de la piscine de l’hôtel, un Bahama Mama devant lui. Le soleil était couché, mais la température était encore très douce. La plupart des tables étaient occupées, peu de personnes seules cependant. Plusieurs femmes séduisantes tournèrent la tête vers lui en sortant de l’eau, mais il ne leur accorda pas d’attention. Il avait presque fini son verre quand un jeune homme s’approcha de sa table.

— Tu m’offres un verre ? demanda-t-il. Je m’appelle Alan.

— Je n’ai pas le temps maintenant, j’ai un coup de fil à donner. 23 heures, chambre 458.

Alan fit un clin d’œil de connivence et s’éloigna.

Une fois revenu dans sa chambre, Brown appela le room service pour commander de quoi diner et une bouteille de champagne. En attendant qu’on lui monte le repas, il appela Will.

— Je viens de rencontrer notre nouvel ami. Il m’a confirmé les dispositions que vous aviez déjà envisagées. Il n’attend plus que la date. J’ai aussi récupéré le colis.

— C’est bien. Quand rentres-tu ?

— Je pense rester une journée ici, faire un peu de tourisme, pour justifier le voyage. Je serai à Marathon vendredi soir.

— Je t’attendrai à la villa.

On frappa à la porte de la chambre.

— Room Service, Monsieur.

— Merci, pouvez-vous poser le plateau sur la table de la terrasse ?

— Bien entendu, Monsieur.

Brown congédia le groom avec un billet de cinq dollars. Le garçon parti, il passa à l’extérieur pour profiter de la vue sur la plage et l’océan tout en mangeant. Il avait à peine terminé quand Alan se manifesta.

— Alors, on a envie de s’encanailler ? Qu’est-ce que tu aimes, je peux tout te faire.

— Et si tu commençais pas nous servir un peu de champagne ?

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