Intimidation

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Montgomery & Clanton, Alabama

Vendredi 1er juillet


Luther White raccrocha son téléphone et se dirigea vers la cuisine du petit logement qu’il occupait avec sa femme Angela et leurs deux enfants à proximité de Clanton, sur l’I-65, à mi-chemin entre Montgomery et Birmingham. Depuis le décès de Lindon, deux ans plus tôt, le couple vivait une période de doute et de dépression. Angela ne cessait de reprocher à Luther d’avoir accepté la proposition du Docteur Marlow et d’inscrire Lindon dans le programme de recherche du laboratoire SynBioLabs. Luther était bien entendu accablé par la perte de leur dernier né, mais il ne supportait plus de voir sa femme sous l’influence grandissante du pasteur qui lui reprochait tous les dimanches de s’être écartée de la volonté divine en livrant leur enfant pour une expérience contre nature. Il lui fallait pourtant bien partager la conversation qu’il venait d’avoir avec l’avocate du laboratoire.

— Pourquoi es-tu allée parler à un journaliste de la mort de Lindon ? demanda Luther sur un ton agressif.

— Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes, je n’ai parlé à personne depuis que nous avons signé ce contrat avec le diable.

— Je viens d’avoir le cabinet d’avocats au téléphone, ils disent qu’un journaliste a décidé de mener une enquête sur les expériences de SynBioLabs. Ils pensent que nous sommes à l’origine de cette manœuvre et menacent de nous trainer au tribunal pour avoir rompu la clause de confidentialité.

— Je ne connais aucun journaliste, et je n’ai aucunement envie de parler de tout ça avec un inconnu. Mon seul réconfort ne peut venir que du Seigneur.

— Je t’en prie, laisse Dieu en dehors de ça, il s’agit d’une menace bien réelle, ils disent que nous pourrions avoir à payer un million de dollars de dommages et intérêts et nous n’en avons même pas cent de côté. Alors si ce n’est pas toi, est-ce que c’est ce foutu prêtre ou quelqu’un de la paroisse ?

— Comment veux-tu que je le sache ? Je te dis que je n’ai reparlé de ça avec personne. Pourquoi ne veux-tu pas me croire ?

— Excuse-moi, cette femme était vraiment très menaçante. Elle a dit que son client prenait cette affaire très au sérieux et qu’ils étaient prêts à tout pour préserver leur réputation.

— Ce n’est pas moi. C’est sans doute l’autre famille qui a parlé. Tu sais que le président de l’association des parents d’enfants malades avait évoqué un autre cas.

— Nous ne les avons jamais rencontrés, nous ne connaissons même pas leurs noms. Comment ce journaliste pourrait-il être au courant ?

— Je ne sais pas. Qu’est-ce que qu’on va faire ?

— Rien ! On ne peut pas nous reprocher ce que nous n’avons pas fait. Ils n’ont aucun moyen de prouver ce qu’ils avancent.


Elisabeth Stanton appela sa secrétaire et lui demanda d’apporter un café. Les deux familles avaient réagi de la même façon. Dans les deux cas, la surprise semblait être totale et la menace avait fait son effet. La fuite pouvait-elle provenir d’une autre source ? Malgré toutes les précautions prises par le laboratoire, il y avait tout de même un certain nombre de personnes au courant du protocole et de ses failles. Elle n’ignorait pas non plus que pour ces maladies pédiatriques, les parents se regroupaient le plus souvent au sein d’associations pour dialoguer et partager leurs souffrances. Se pouvait-il que le problème vienne de là ? SynBioLabs était nécessairement en contact avec de telles associations. Il lui fallait en parler avec Stuart.

Betty consulta son agenda. Lundi on serait le 4 juillet, le jour de la fête nationale. Elle avait noté Jack Compétition Atlanta. Elle décida d’aller voir son mari dans le bureau voisin.

— J’ai quelques soucis avec le dossier SynBioLabs. Je t’en ai parlé rapidement l’autre jour.

— Ah oui, peut-être, qu’est-ce qui se passe ?

— Un journaliste un peu trop curieux a ressorti l’affaire et commence à poser des questions. Il faut que j’en parle rapidement avec notre client.

— Oui, alors fais ce qu’il faut. C’est ton affaire, pas la mienne.

— Justement, j’envisage d’aller à Boston ce week-end. La semaine prochaine je ne peux pas bouger. Je pensais que tu pourrais peut-être m’accompagner.

— Tu sais bien que ce n’est pas possible, nous allons à Atlanta lundi pour un tournoi et je suis le capitaine de l’équipe.

— Mon Dieu, c’est vrai, j’avais oublié.

— Tu n’as qu’à y aller sans moi, de toute façon je ne serai pas beaucoup à la maison ce week-end, il faut que je surveille l’entrainement.

— Dans ce cas, je partirai dimanche matin. Il faut que je travaille sur le dossier.

Satisfaite, l’avocate regagna son bureau et appela son assistante.

— Wendy, pouvez-vous me réserver un vol pour Boston dimanche matin, retour lundi soir, et une chambre d’hôtel, au Sonder Magnolia de préférence ? C’est pour le dossier SynBioLabs.

— Tout de suite, Betty, aurez-vous besoin d’une voiture sur place ?

— Non merci, je me débrouillerai avec les taxis.

— Je vois qu’il n’y a pas de vols directs. Vous préférez avec une escale ou bien au départ d’Atlanta ?

— Va pour Atlanta, faites en sorte que je sois à Boston pour déjeuner.

— Je m’en occupe tout de suite.

— Merci Wendy, je dois m’absenter un petit moment, prenez mes appels et dites que je serai de retour d’ici une heure.

Betty prit son sac et son téléphone dans son bureau et quitta l’immeuble hébergeant le cabinet Miller Stanton. Elle s’éloigna un peu pour ne pas risquer de croiser un collaborateur et appela Stuart Carter sur sa ligne privée.

— Je serai à Boston dimanche midi jusqu’à lundi, annonça-t-elle après une rapide introduction. Tu peux te libérer ?

— Mon beau-père a sûrement organisé une garden party pour l’Independance Day, mais je pense que je pourrai y échapper.

— Et ta femme ?

— Pas de problème, elle est partie en croisière ou un truc comme ça avec des amies. Elle ne rentrera pas avant mardi ou mercredi.

— Parfait, j’ai réservé une chambre au Sonder Magnolia.

— Je connais, bel endroit pour un rendez-vous clandestin.

— Tu viens me retrouver dimanche après-midi, il faudra qu’on parle de notre affaire. Pour la suite, je te laisse gérer.

— Avec plaisir. J’attends ce moment avec impatience.

— Je dois te laisser, j’ai encore un coup de fil important à passer avant de rentrer au bureau.

Après avoir raccroché elle composa le numéro de Tom Simpson. Le privé décrocha rapidement.

— Betty, c’est toujours un plaisir d’entendre votre voix.

— Je vous en prie, évitez ces familiarités avec moi. Où en êtes vous avec ce Mason ?

— Je vous ai envoyé mon rapport ce matin, vous ne l’avez pas lu ?

— J’ai eu d’autres préoccupations, je n’ai pas passé beaucoup de temps à mon bureau. Je verrai ça tout à l’heure.

— Je vous ai joint les copies de tous les articles du blog, ce gars à l’air de savoir s’y prendre pour obtenir des informations.

— J’aurai besoin d’un autre service. Je veux que vous recherchiez toutes les associations de personnes atteintes du syndrome de Morton-Plesky.

— Attendez, laissez-moi le temps de prendre note, je n’ai jamais entendu parler de cette maladie.

— La plupart des médecins non plus, répondit sèchement l’avocate.

— C’est là-dessus que ce journaliste enquête ?

— Oui, j’ai besoin de connaître les présidents, porte-parole et autres communicants de ces groupes. Je veux savoir si l’un d’eux peut être à l’origine de la fuite.

— Ce n’est pas illégal de parler de sa maladie !

— Ce n’est pas votre problème. Contentez-vous de me trouver ces noms.

— Très bien, pas besoin d’être désagréable. Je vais voir ce que je peux trouver.

Simpson se demanda encore pourquoi la juriste lui confiait un travail que n’importe lequel de ses stagiaires aurait pu accomplir, mais il n’était pas homme à refuser de l’argent facilement gagné.

— Le prix sera le même que pour le journaliste, mais je vous fais grâce de l’avance.

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