Un deal

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Saint-Domingue, République Dominicaine

Lundi 4 juillet


Will Rochambault terminait son petit déjeuner quand son téléphone posé sur la table se mit à vibrer.

— Senor Rochambault, j’espère que vous avez fait bon voyage. J’ai de bonnes nouvelles pour vous. J’ai pu réunir trois groupes de jeunes musiciens très prometteurs. Je serai au studio Rondon, comme vous le souhaitiez, vers onze heures. Ce sera possible pour vous de nous y rejoindre ?

— Pas de problème, je suis aux Casas del XVI, c’est juste à côté.

— Je ne vous dérange pas plus longtemps alors.

Le producteur regarda sa montre, il avait largement le temps de se rendre à pied au studio, situé à seulement deux blocs de son hôtel. Il regagna sa chambre pour appeler Brown.

— Je suis à Saint-Domingue. Je vais auditionner deux ou trois groupes de merengue tout à l’heure.

— Des bons ?

— Je m’en fous. Je vais en retenir un ou deux et nous les ferons venir en Floride pour enregistrer et faire quelques photos, et peut-être une télé pour justifier le voyage. Tu en es où pour le transport ?

— J’ai trouvé un avion et deux pilotes. Un Piper Cheyenne, qui peut embarquer jusqu’à neuf passagers, si tu n’as pas trop de bagages.

— Il faut garder de la place pour les instruments, au moins les guitares et l’accordéon, en plus de notre fret.

— Tu veux que je cherche plus gros ?

— Non, ça ira. Et pour l’arrivée ? On ne va pas débarquer à Miami International !

— On peut utiliser Opa-Locka !

— Tu plaisantes j’espère, on ne va pas faire arriver notre came juste sur la base des garde-côtes !

— Tu as North Palm Beach, c’est plus discret, mais si tu préfères, je peux chercher une piste vraiment privée.

—Non, je n’ai pas de raison de ne pas utiliser une plate-forme d’aviation générale. OK pour Palm Beach. L’avion peut être disponible quand ?

— Mercredi ou jeudi, ça peut se faire.

— Je vais prendre contact avec notre vendeur pour convenir du rendez-vous. Je te rappelle un peu plus tard.


Tout en se rendant au studio Rondon Music, Will composa un numéro local. Comme attendu, il n’obtint qu’une boîte vocale et raccrocha sans laisser de message. Deux minutes plus tard, son téléphone sonna.

— Monsieur Rochambault, comment allez-vous ?

— Je vais très bien merci. Je suis à Saint-Domingue pour auditionner des groupes de merengue.

— Je suis heureux que les gringos s’intéressent à notre musique, plaisanta Juan Pablo.

— Pouvons-nous nous rencontrer ?

— Ce soir, je vous enverrai un chauffeur. Vous êtes à quel hôtel ?

— Casas del XVI, répondit l’américain.

— Vous avez bon goût. Mon chauffeur sera là à onze heures, je vous dis à ce soir. Profitez bien de la musique.


Le studio d’enregistrement était situé dans une petite rue au cœur du quartier colonial, la vieille ville de Saint-Domingue. De l’extérieur, l’établissement ne payait pas de mine, mais à l’intérieur, il était équipé de matériel moderne, installé dans un cadre agréable. Il reconnut le manager Gato Negro dans un petit salon, une bière à la main.

— Senor Rochambault, bienvenue à Saint-Domingue. Vous voulez une bière ?

— Avec plaisir !

L’homme ouvrit un frigo et en sortit une bouteille de Presidente.

— C’est la bière locale, mais si vous préférez, j’ai de la Bud Light.

Will prit la bouteille ainsi que le décapsuleur qui lui était proposé.

— Vos protégés sont arrivés ?

— Ils sont dans le studio, en train d’accorder leurs instruments. Vous allez voir, ils sont jeunes, mais ils ont un gros potentiel.

— Ils ont déjà sorti un album ?

— Non, pas encore, seulement des vidéos sur YouTube.

— OK, allons-y alors.

L’ingénieur du son était déjà dans la cabine, ajustant ses potentiomètres tandis que quatre jeunes hommes jouaient quelques riffs pour lui permettre de faire les balances.

— C’est bon, demanda Rochambault ?

— Ce ne sont que des essais, n’est-ce pas ? répondit le technicien. Alors ça devrait aller.

Il fit un signe aux musiciens derrière la vitre. Les quatre hommes commencèrent à jouer un morceau de reprise. Will les écouta quelques minutes, agréablement surpris par le rythme endiablé.

— Ils ont leur propre répertoire ?

— Ils ont composé quelques titres, mais pas de quoi faire un disque entier.

— Bon, on verra ça plus tard. Et pour le chant, on pourrait avoir une fille ? C’est plus télégénique.

— Je dois pouvoir arranger ça, répondit le chat noir. Vous voulez entendre les autres ?

— Oui, je suis là pour ça.

Gato Negro laissa les musiciens du premier groupe jouer un morceau de leur composition. Rochambault lui fit signe que c’était suffisant pour lui.

— C’est bon les gars, dit l’ingénieur du son à l’attention des musiciens.

Cinq personnes prirent leur place, une jeune femme et quatre hommes. La fille se positionna devant le micro central. Après quelques essais, elle se mit à chanter a cappella avant que les hommes ne se mettent à jouer avec fougue. Rochambault fut subjugué par la prestation de la chanteuse.

— Celle-là, il me la faut absolument !

— Il vous faudra voir avec ses parents Senor, elle n’a que dix-sept ans ! plaisanta Gato Negro.

— Elle a un passeport ?

— Oui, je crois, mais de toute façon ça peut s’arranger facilement.

— Très bien, pas la peine d’aller plus loin. C’est ceux là que je veux. Ils peuvent être libres à la fin de la semaine ? Je pense pouvoir décrocher un créneau sur quelques chaines de télévision à Miami.

— Je vais voir avec eux, mais je pense que ça pourra se faire. Je prépare un contrat ?

— Vous me l’envoyez par mail et je vous recontacte ce soir.

Avant de rejoindre son hôtel, Rochambault prit le temps de déjeuner dans une taverne proche du studio. Le serveur lui proposa la bandera dominicana, le plat traditionnel du pays. Rentré dans sa chambre, il appela Mick Brown.

— J’ai trouvé les musiciens. Ils sont jeunes et n’ont jamais enregistré. Ils ne devraient pas être trop gourmands. La chanteuse est une vraie bombe, même si elle est mineure, elle ferait bander un homo comme toi.

— Très drôle, grogna Mick.

— Je vais voir le fournisseur ce soir. On peut essayer d’organiser le transfert jeudi ? Les pilotes peuvent faire l’aller et le retour dans la journée ?

— Ils ne bossent pas pour Delta !

— OK, tu prévois les caisses pour le transport, pas trop volumineuses quand même. Des flight cases pour guitares acoustiques.

— Ne t’inquiète pas, je connais la musique !

— Tu peux faire le voyage ?

— C’est toi le boss. Si c’est ce que tu veux, je peux le faire.

— Attends mon feu vert, ce soir assez tard ou demain matin à la première heure.


N’ayant plus rien à faire avant son rendez-vous avec le trafiquant dominicain, Rochambault décida d’aller se balader sur le front de mer et qui sait trouver une femme peu farouche pour passer un moment. La jeune chanteuse avait réveillé son appétit sexuel. Il partit à pied en direction du Malecon. La promenade aurait été plaisante s’il n’y avait pas eu autant de détritus sur la plage, dissuadant toute envie de farniente. Il passa au pied de l’obélisque de Saint-Domingue et s’arrêta à l’hôtel Crown Plaza. Il se laissa aller à perdre quelques dollars au casino avant de se diriger vers le bar. Il avait à peine commandé qu’une jeune femme vint s’asseoir sur le tabouret voisin.

— Bonjour, je m’appelle Conception, tu m’offres un verre ?

L’américain examina la personne qui venait de l’interpeler. C’était une métisse au physique plaisant, vêtue d’un haut laissant clairement deviner sa poitrine et d’un short de jean minimaliste. Elle était chaussée de talons hauts.

— Qu’est-ce que tu bois ? demanda Will.

— Un Morir Sonando. Tu ne préfères pas que l’on aille dans un coin un peu plus tranquille ?

Rochambault se laissa entraîner vers un canapé situé dans un coin un peu isolé du bar. La jeune femme vint se coller contre lui et posa une main sur sa cuisse. Quand le serveur eut déposé les boissons, Conception prit sa main et l’amena sur sa poitrine ?

— Tu aimes mes seins ? Ils sont vrais, tu sais.

Will caressa la poitrine offerte sachant déjà où cela le menait. Il était venu pour ça et il aimait la chair fraiche. Sans perdre plus de temps il s’enquit des tarifs.

— Combien ?

— Cinquante dollars pour une fellation, pour cent tu peux me baiser, le double pour mon cul.

— Quatre-vingt pour ta chatte !

— Tu ne veux pas me prendre par derrière ? les gringos aiment ça d’habitude, cent cinquante.

— Une autre fois peut-être, à moins que je change d’avis si tu es vraiment très bonne.

— Tu ne seras pas déçu.

— On prend le temps de finir nos verres d’abord ?


À l’heure convenue, l’homme se présenta à la réception des Casas del XVI et demanda le Senor Rochambault. Will monta dans le Range Rover et se laissa conduire jusqu’au lieu de rendez-vous. Après les vérifications d’usage, il fut conduit jusqu’à la pièce où l’attendait Juan Pablo.

— Bienvenue chez moi ! J’espère que vous vous plaisez à Saint-Domingue. C’est un peu moins glamour que Punta Cana, mais on finit par se lasser des touristes.

— Vous avez de très jolies filles sur le Malecon.

— Ah, je vois. Vous êtes joueur Senor Rochambault ?

— J’ai fait un petit passage par le casino.

— Vous avez perdu beaucoup ?

— Cent cinquante dollars, mais ce n’était pas de l’argent perdu. Elle avait un cul très accueillant.

— Vous voilà donc de bonne humeur pour conclure notre affaire. Voulez-vous un verre de rhum ? Un cigare ?

— Je ne fume toujours pas, mais je me doute que vous avez d’excellents rhums par ici.

— Alors, quand voulez-vous être livré ?

— Jeudi matin, c’est possible ?

— Où voulez-vous la marchandise ?

— Au studio d’enregistrement Rondon, dans le quartier colonial.

— Pas de problème pour moi, mais je vous rappelle qu’il n’y aura pas de livraison tant que je n’aurai pas confirmation du virement en bitcoin.

— Vous m’enverrez les coordonnées du compte.

— Ne perdons pas de temps, voici les codes, répondit le dominicain en lui tendant un bordereau.

— Très bien, alors nous avons un deal. Levons nos verres à la poursuite de notre collaboration.

— Volontiers, mais n’oubliez pas que je tiens avant tout à la discrétion. Si j’apprends que quelque chose a mal tourné et qu’un lien a pu être établi entre vous et moi, j’en serais très fâché, ce qui n’est généralement pas très plaisant pour ceux qui m’ont mis de mauvaise humeur.

— C’est bien noté.

Peu après minuit, de retour à l’hôtel, Will envoya un texto à Mick Brown pour lui confirmer l’opération.

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