Sacré coquin

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— Bah oui, c'est moi.

— Désolé, Fred, je ne t'avais pas reconnu avec ton blouson en cuir.

— Ah oui, je comprends, ça doit te changer de ma salopette bleue. Moi, je t'ai tout de suite reconnu ! Toujours la même chemise à ce que je vois.

Soudain, un grand moment de solitude s'empare de moi. J’ai envie de disparaître.

Mais que fait Fred ici ? Je l'ai rencontré cet été en colonie de vacances, dans le Cantal, où j’étais animateur, alors que lui, était responsable de l'infirmerie et de la logistique. Je me suis super bien entendu avec lui. Il est très sympa et ne manque pas d'humour. Le retrouver ici me fait à la fois chaud au cœur et soudainement chaud dans mon... Jamais je n'aurais imaginé que lui aussi était… Oh mon Dieu ! C'est énorme.

— Je ne t'ai jamais vu au Petit Marcel, tu viens souvent ?

— Ouais, carrément. Enfin, quelques fois.

N'importe quoi. Pourquoi tu mens, Julien ?

— C'est fou ça que nous nous soyons jamais vu. Si j'avais su !

Et moi donc !

— J'imagine que tu n’es pas venu avec Alice.

— Carrément pas, t'es fou !

Vraiment, n'importe quoi. Arrête de mentir, idiot. Il va s'en rendre compte.

— Alice et Julien, le couple le plus populaire de la colo ! C'est du sérieux alors vous deux ?

Nous avons eu beau expliquer à tout le monde pendant un mois que nous étions juste amis, personne n'a voulu nous croire.

— Heu… Pas vraiment.

— Ah, ok, j'ai compris. Je m'en doutais. T'es un sacré coquin, dis-moi.

Pardon ? Voyant que j'ai du mal à trouver quelque chose d'intelligent à lui répondre, Fred a l'amabilité d'enchaîner. Merci Fred, je savais que je pouvais compter sur toi.

— Alice ne sait pas que… dit-il à voix basse, en mimant une fellation d'un air lubrique.

Fred, je savais que je ne pouvais pas compter sur toi en fait. Je suis choqué par son geste. Non, je déconne. J'ai surtout envie de pouffer, comme cet été, quand il n'arrêtait pas de faire le pitre, en me faisant mourir de rire. Comme le garçon qui vient de passer devant nous, en assistant à la scène malgré lui.

— Hé, les mecs, allez vous soulager ailleurs, je viens de libérer un chiotte, si vous voulez !

Je pique un fard direct. Fred se marre, et en me voyant me dandiner sur mes deux pieds, se rappelle pourquoi je suis venu ici. Dans deux secondes, ma vessie va exploser.

— Oh pardon Julien, on parle, on parle, et si ça continue, tu vas te pisser dessus, mon vieux. Bon écoute, trop content de te revoir ici, enfin pas ici, dit-il en regardant autour de lui. Je suis venu avec des amis. Viens te joindre à nous. Je te présenterai. Et ça tombe bien, il nous manque un joueur.

— Ça roule, je vous rejoins, dis-je dans un ultime effort.

Un joueur ? Mais de quoi parle-t-il ? Mon cerveau turbine à cent à l'heure pour trouver une réponse à ce mystère, mais rien ne me vient. Je préfère pousser un soupir de bien-être devant l'urinoir.

Je ferme les yeux quelques instants pour enregistrer la dernière information capitale que je viens d'apprendre. Fred est lui aussi un gros pédé. Enfin, je crois. Non, j'en suis sûr. Mais oui, c'est évident maintenant quand j'y pense. Je le vois différemment à présent. C'est vrai qu'il est plus que pas mal physiquement, avec son petit blouson en cuir. Parce qu'en salopette, il faut bien avouer que c'était autre chose. Cela ne m'a pourtant pas empêché d'avoir eu, une fois ou deux, envie de la lui arracher, pour abuser de lui. Et dire que les indices étaient là, sous mes yeux (C’est fou comment nous sommes les rois du camouflage !). C'est seulement ce soir qu'ils me sautent à la figure. Il n'y a que lui et moi qui n'avions pas de blagues hétérosexuelles salaces à raconter en réunion. Le seul qui ne s'est pas foutu de ma gueule quand il a vu dans ma chambrée mon livre de poésie d'Arthur Rimbaud. Le seul avec qui je pouvais parler sérieusement certains soirs après avoir foutu les gosses au lit. Plusieurs conversations me reviennent en mémoire, celles où nous parlions de nos vies de manière à la fois très vague et très intime, par détournements et allusions. Plusieurs fois, j'ai supposé qu'il aimait les garçons, avant de me persuader que je me faisais un film une fois de plus. Si j'avais été moins timide, me serais-je peut-être autorisé à venir le voir à l'infirmerie, prétextant un mal de crâne ou une fatigue passagère afin qu'il s'occupe de moi. Et espérer que ça dérape dans un arrachage en règle de vêtements pour une partie de jambes en l’air ? Soudain, une autre image me vient à l'esprit et me glace le sang. Fred est aussi malheureusement le seul à m'avoir vu complètement à poil dans une situation que je n'envie à personne.

Je me revois, ce fameux dimanche soir où, après avoir vomi mes tripes suite à une gastro foudroyante, il m'a aidé à me déshabiller entièrement et à me mettre sous la douche, incapable de le faire tout seul. J'ai même dû rester à l'infirmerie toute une nuit, épuisé, sans aucune force. Je le revois s'occuper de moi très gentiment. Oh, mon Dieu, Julien, n'essaye même pas d'imaginer quoi que ce soit avec lui. T'es grillé. Tu n'as plus aucune chance avec lui.

En ouvrant les yeux, je réalise que j’ai un voisin de chaque côté alors que j'ai fini de pisser depuis un bon moment, toujours en train de tenir ma… Qui a doublé de volume. La faute à Fred. Je sens un drôle de regard à gauche et bientôt un autre à droite. Non, c'est pas vrai, ils ne sont pas en train de regarder mon service trois pièces quand même ! Est-ce un réflexe automatique ou mon côté lubrique qui ressort, lorsque je me sens obligé de faire de même afin d’apercevoir, durant une micro seconde qui semble se prolonger, le sexe fièrement dressé de mon voisin de droite ? Et de constater également, à ma grande stupeur, que mon voisin de gauche est un sale copieur. Mince, c'est ballot. Décidément, cette soirée part vraiment en couille. Désolé pour le jeu de mots.

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