Arthur Rimbaud

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Ce fou rire a le mérite de briser la glace entre nous. Je me sens à présent beaucoup mieux. Et je pense que c’est pareil pour Pierre, même s’il semblait plus assuré que moi, en venant ici. Il a sûrement davantage d’expérience dans ce domaine.

Je ne vois pas l’heure suivante passer. Soudainement, nous avons plein de choses à nous dire (qui l’aurait cru ?). Je suis davantage moi-même et lui aussi. Il n’arrête pas de me faire rire et de me faire des compliments. Je suis très sympathique et beau. Mon physique à la Arthur Rimbaud est absolument charmant. Je dégage une onde de mystère, avec un sourire naturel, contrairement au portrait du poète un peu triste que tout le monde connaît. Il ne manquerait plus que je te regrette ! me dit-il en plaisantant. Il finit alors par suggérer que nous pourrions continuer nos parties ludiques nocturnes comme si de rien n’était. Je rougis, car je trouve ça couillu de sa part et en même temps terriblement excitant. Me voyant hésiter, il précise que ce petit arrangement entre amis n’est valable tant que nous n’avons pas trouvé, lui comme moi, chaussure à notre pied. Finalement, il arrive à me convaincre facilement, je trouve ça… honnête ! Nous scellons notre accord en commandant un deuxième café.

Pierre finit par regarder l’heure et s’exclame qu’il doit partir. Il a un rendez-vous qu'il ne peut pas se permettre de rater, sans en dire davantage. Je propose de régler pour nous deux. La prochaine, c’est pour moi me dit-il avant de me faire, cette fois, la bise (c’est plus clair, comme ça). Je ne m’attarde pas plus longtemps et vais régler directement au bar. J’attends que la serveuse finisse de s’occuper d’un client à la table voisine, lorsqu’un mec arrive au comptoir, avec un gros sac à dos. Musclé, mais pas trop, bronzé, les cheveux bruns ébouriffés, avec t-shirt évasé (histoire qu’on voit bien le haut de ses putains de beaux trapèzes), et jean troué large mais pas dégueulasse. J’envierai presque son style négligé mais bien étudié en vrai, qui se donne l’air du mec cool, genre aventurier ou surfeur, au choix. On se toise mutuellement l’air de rien. J’ai l’air évidemment minable à côté, mais pour une fois, je sens que je prends de l’assurance (merci Pierre). Je rougis même pas. En tout cas, il sait qu’il est beau et doit être habitué à ce que l’on bave devant lui. Je ne veux pas lui donner ce plaisir, aussi je détourne le regard, fièrement. Et toc ! Julien tu es beau, toi aussi (allez, on y croi, on y croit fort)! La serveuse vient m’encaisser.

— Merci Julien. C’est bien Julien, n’est-ce pas ?

— Heu, oui, tout à fait, Marie, dis-je, d’une voix assurée, me permettant de l’appeler par son prénom et ravi qu’elle sache déjà le mien.

— Bienvenue au Petit Marcel. Tu es le champion du mime, m’a-t-on raconté !

Et merde ! Moi qui me demandais pourquoi elle avait retenu mon prénom, j’ai compris. Je suis déjà la risée des habitués : regardez-le, c’est l’autre débile qui s’est foutu la honte l’autre soir. Qu’est-ce qu’il a l’air con, ce mec ! (mon niveau d’assurance vient de chuter drastiquement).

— Heu…si l’on veut ! dis-je en riant.

— Et modeste avec ça ! C’est bien ce que m’avait dit Lucas.

Hein, quoi ? Là, c’est sûr, elle doit voir que je viens de rougir.

— Bon et bien, à plus tard… Et merci pour le café, il est délicieux, dis-je sincèrement.

— À plus tard, champion ! me dit-elle avant de se tourner vers le nouvel arrivant.

Alors que je m’apprête à sortir, je l’entends lui demander :

— Excusez-moi, est-ce qu’un certain Lucas travaille ici ? Je vous ai entendu malgré moi et…

— Oui, tout à fait. Mais c’est son jour de repos aujourd’hui.

Je me retourne discrètement.

— Ah ok. Tant pis pour moi. Je repasserai à l’occasion. Vous pourrez lui dire que Florian est passé ? Je ne sais pas s’il se souviendra de moi.

Il a beau se la jouer, je le sens déçu.

— Ça vous embête de lui laisser un message ?

— Bien sûr que non !

— Dites-lui alors que le glacier est venu lui rendre une petite visite surprise. Il comprendra, finit-il par dire, avec un brin de sourire aux lèvres.

— Ok, je lui dirais sans faute !

— Merci à vous, dit-il, avant d’hésiter à partir. Oh, puis, après tout, je vais prendre un café, s’il vous plaît.

— Ça marche !

Le mec pose son sac et s’installe sur un tabouret. Je ne m’attarde pas et sort pour de bon cette fois-ci.

Je ne peux pas m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie à son encontre. Je sais, c'est ridicule. Quant à ce que vient de me dire Marie concernant Lucas, je ne sais pas trop quoi en penser. Aurais-je réussi à retenir véritablement son attention avec mon jeu de sirène ?

Je regagne mon appartement et retrouve avec joie la chaleur amicale d’Alice et ce débile de chat qui s’empresse de se mettre dans mes pattes, à peine arrivé. Regarde comment il vient se frotter à toi, il finit par t’apprécier, on dirait ! me dit ma colocataire. Mouais, si on veut. Étonnement, je ne peux m’empêcher de faire un sourire à cette petite boule de poils, la faute à ma bonne humeur. Alice le remarque et en profite, à peine ai-je posé mon manteau, pour me demander comment s’est passé mon rendez-vous avec Pierre.

— Ah, tu vois, ça s’est bien passé finalement ! Et vous allez pouvoir continuer à jouer du pipeau ensemble, elle est pas belle la vie ?

Je me fous à rire, elle m’éclate cette fille !

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