08 : Chez lui ?

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 Riley ouvrit difficilement les paupières, un mal de crâne violent l'accueillant.

 Elle se trouvait dans une position allongée, complètement dans le noir. Pas même une petite lumière d'ambiance pour se repérer aux environs.


 L'avait-on ramené chez elle ? Ou était-elle encore dans la salle, plus précisément les vestiaires ?

 Sa réaction première fut de toucher ses vêtements. Ils étaient secs. C'étaient les mêmes que la veille, donc, on ne l'avait pas changé.

 Ensuite, elle tendit un bras. Elle ne toucha rien du bout de ses doigts, alors elle se décida, et se leva prudemment.

 Elle remarqua se trouver sur un canapé. Une couverture avait été placée sur elle. Bizarrement, l'odeur était différente de chez elle. Ca ne sentait pas le renfermé, l'endroit avait l'air d'être aéré régulièrement, vu l'odeur de fraîcheur qui émanait de la pièce.

 Une fois debout, elle fit un pas, mais un étourdissement lui fit perdre l'équilibre et elle trébucha, avant de tomber sur le sol dans un bruit assourdissant. Elle lâcha un juron étouffé, tout en heurtant un objet dur.


 Elle s'abaissa à hauteur du meuble, une table basse. Elle tâtonna dans l'ombre, d'une main, et trouva un autre objet, rectangulaire. Elle chercha un bouton et un écran s'alluma. C'était son téléphone.


 "Okay..." chuchotait-elle, tout en cherchant la lampe.


 Elle l'activa, et prit son téléphone d'une main avant de faire le tour sur soi-même afin de repérer le lieu.


 Elle était en plein milieu d'un salon, qui n'était pas le sien. Cet espace n'était ni trop grand, ni trop petit, et les meubles était parfaitement bien disposés, il n'y en avait ni trop, ni pas assez, rendant le lieu chaleureux et convivial.

 A hauteur de ses jambes, se trouvait la table basse, posée en plein centre d'un tapis sombre. En face, un meuble pas plus grand accueillait une console de jeu, voire deux : une PS4 ainsi qu'une Xbox. Des boîtes de jeux vidéos étaient empilés les uns sur les autres à côté des consoles de jeu. Une autre boîte qu'elle distinguait comme étant la fibre était raccordée à la télé, qui, elle, était d'un écran assez plat, et accrochée au mur tel un tableau de grande valeur. Les manettes de jeux figuraient en-dessous, sur une étagère du meuble.


 Bougeant la lampe vers soi, elle remarqua sur la table basse la télécommande non loin de là où s'était trouvé son téléphone deux minutes plus tôt. Elle réalisa aussi la présence d'un verre vide, d'une bouteille d'alcool, d'un second téléphone, d'une boîte de mouchoirs avec un mouchoir posé en chiffon sur le côté, ainsi qu'une trousse de premiers soins.

 A la vue de la trousse, elle haussa un sourcil. Qui était blessé ?


 "J'suis où bordel ?" commençait-elle à dire, quelque peu paniquée.


 Se tournant complètement, elle regarda le canapé sur lequel elle s'était réveillée. Il y avait assez de place pour trois personnes. Il était en cuir, et assez confortable.


 Une chose était certaine, Riley ne se trouvait pas dans son appartement. Tout était différent, depuis la position des pièces, des meubles, jusqu'aux couleurs, à l'odeur. Rien ne débordait, tout était subtilement bien rangé à sa place. La personne qui habitait ici devait sûrement être du genre à faire attention aux détails.

 Se tournant de nouveau d'un quart sur la gauche, elle vit un fauteuil en cuir noir, semblant tout aussi confortable que le canapé, qui d'ailleurs était de la même couleur.

 Et sur ce fauteuil, quelqu'un était affalé, dans une position à demi allongée. L'individu avait la tête qui reposait lourdement sur un poignet plié. Il était vêtu d'un t-shirt ample, foncé, avec une petite inscription illisible grise, accompagné d'un short un peu plus clair, laissant voir quelques poils blonds parsemés le long des jambes du jeune homme.


 Riley ne mit que quelques secondes pour comprendre où elle se trouvait. Elle en sursauta, et frissonna. Pourquoi avait-il fait ça ? Elle n'était jamais allée chez personne. Elle ne connaissait que son chez soi. Alors comment se faisait-il qu'on ne l'avait tout simplement pas ramené chez elle ?


 Prise d'un millier de questions, elle se laissa retomber sur le canapé, lampe toujours allumée. Elle parcourut rapidement le reste de la pièce et ne vit qu'une porte fermée, un trou qui menait dans une autre pièce à sa droite, et à sa gauche, un fil à linge, un petit couloir qui devait mener à la porte d'entrée, et un autre complètement à gauche qui devait rassembler les dernières pièces de l'appartement. Ou de la maison, soit dit en passant. Parce que jusqu'à présent, tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était chez lui.


 "Putain de merde", lâcha-t-elle, stupéfaite.


 Plus les questions s'entremêlaient dans son esprit, plus son mal de tête s'intensifiait. Rapidement, elle ressentit le besoin de changer d'air, et de boire.


 La première chose qu'elle voulut faire, c'était partir. Mais était-ce poli de sa part si elle mettait cette idée à exécution ? Tout de même, quelqu'un l'avait accueilli chez soi sans se poser de questions. Elle pourrait faire n'importe quoi, mais non, ce geste était sûrement... Un signe de confiance ? Non, on ne pouvait pas lui faire confiance, pas à elle.

 Elle pouvait tout à fait fuir et reprendre le cours de sa vie, ignorer totalement cet Evan, ne plus penser à la salle de boxe, et prendre un train pour se venger de sa première harceleuse. Comme elle l'avait prévu.


 Encore une fois, son inconscient la forçait à faire le contraire.

 Perturbée, elle secoua la tête, chose qu'elle n'aurait sûrement pas du faire. Un étourdissement arriva, et Riley se sentit partir en avant. Elle se rattrapa en se collant au coin du premier mur qu'elle trouva, avant de reprendre son souffle et de se diriger à pas lents dans le couloir, ouvrant chaque porte à la recherche d'eau.


 Bientôt, longeant le mur de gauche, elle trouva une porte. Elle l'ouvrit, et une légère odeur d'humidité, suivi d'un léger bruit de goutte à goutte permettait à la demoiselle de deviner qu'elle avait atterri dans la salle de bain.

 Plongeant sa main dans sa poche afin de ressortir son téléphone pour allumer la lampe, elle trouva directement à sa droite le lavabo. Elle s'avança, posa son téléphone à côté, le mettant côté écran pour que la lampe puisse éclairer le plafond.

 Elle ouvra avec délicatesse le robinet pour ne pas faire de bruit, quand, d'un coup, la lumière de la salle de bain s'alluma toute seule.


  • Tu sais, tu pouvais utiliser l'interrupteur. Dit une voix douce, masculine et un peu endormie.

 Surprise, Riley sursauta et éclaboussa autour d'elle, avant de faire face à Evan.


  • Bon sang. Préviens nan ? Tu m'as fait flipper.

 Ouvrant à demi la bouche, le jeune homme tourna la tête.


  • Scuse. Tu n'arrives pas à dormir ?
  • Je peux savoir ce que je fais chez toi au juste ? Demanda Riley du tac au tac, lui coupant presque la parole.

 Surpris, Evan ne sut réellement quoi dire.


  • Hum... On pourrait en reparler demain ? Je pense que tu as besoin de te reposer.

 Riley souffla, et insista. Evan darda son regard sur la demoiselle qui finit par abdiquer et se mouiller le visage.

 Un silence lourd s'installa entre les deux jeunes. Le garçon n'osa pas demander à nouveau si elle se sentait bien, préférant la laisser dans ses pensées. Il songea qu'elle ne devait pas encore être bien remise de son lot d'émotions de la fin du cours, quelques heures auparavant. Il lui adressa alors un vague "bonne nuit", auquel Riley répondit en marmonnant, et Evan retourna s'allonger dans le salon, cette fois sur le canapé.


 Roulant des yeux, Riley finit de se débarbouiller le visage avant de se désaltérer. Une légère tension à son poignet droit se fit ressentir. Elle prit son poignet dans sa main gauche et le tourna doucement. Un craquèlement s'entendit légèrement, et elle grimaça. Elle avait sûrement du taper un peu fort sur le pauvre ado tout à l'heure.

 En repensant à ces images, elle se sentit coupable d'avoir dégainé sa colère sur un innocent. Elle revit ses harceleurs et se demanda si elle ne devenait pas comme eux, à force. Car ses idées de vengeance étaient presque au niveau de ce qu'ils lui avaient fait subir, plus ou moins à un degré différent. N'était-ce pas trop violent, ce genre de justice ? Et pourquoi devrait-elle se positionner à leur niveau, cela changerait-il quelque chose, réellement ? Certains avaient peut-être déjà du l'oublier.


 Ignorant le reflet du miroir d'en face, elle se sécha les mains et inspira longuement pour éviter toute nouvelle crise. Ressentant une nouvelle fatigue, elle ne prit pas la peine de revenir dans le salon, et se dirigea vers la porte qui se trouvait pile en face de la salle de bain.


 Elle l'ouvrit. C'était une chambre.

 Sa chambre.

 Etait-ce judicieux ?


 Marre de toutes ces questions, elle s'insulta elle-même, une fois de plus. Au final, tant pis ? Il avait peut-être laissé la place pour elle. Et puis bon, elle ne voulait même pas savoir. Elle voulait juste dormir.


 Une chose qu'elle fit au moment où elle posa la tête sur l'oreiller, dans un lit moelleux et reposant.


                    ***



 C'est tout doucement que Riley se réveilla le lendemain matin. S'étirant en bâillant, la couette s'enleva toute seule lorsqu'elle prit une position assise.

 Elle prit un moment pour reprendre conscience qu'elle n'était pas chez elle, mais bien chez lui. Même ses draps avait une bonne odeur de lessive fraîche, contrairement aux siens, qui en plus étaient assez vieux et délavés.


 "Sérieux, on dirait une nana..." se disait-elle.


 Il était vraiment à l'opposé de tous les stéréotypes qu'elle connaissait quand on parlait des hommes. Si l'on en croyait les plus classiques, cela ne viendrait jamais à l'idée chez un gars de faire le ménage, le repassage, ou simplement de prendre soin de ses propres affaires. Mais ce Evan battait tous les records, pulvérisant les étiquettes apposées sur la gente masculine. Elle se rendit compte qu'elle aussi, elle n'était pas l'idéal féminin que la société voulait bien montrer au travers des magasines.


 Prise d'une nouvelle flopée de questions, centrées sur le comportement du jeune homme, elle balaya ses pensées et s'extirpa hors du lit.

 Si ça se trouve, tout ça n'était que façade. Tout le monde avait fini par lui tourner le dos, en la pourrissant jusqu'à la moelle. A force, il finirait par faire pareil. Elle en était persuadée.

 Néanmoins, une petite lueur d'espoir cachée dans son subconscient portait à croire le contraire. Riley n'écouta pas cette version, et préféra se résoudre à ce qu'elle avait toujours fait : une méfiance telle qu'elle posait des barrières même au plus gentil soit-il en apparence.


 Ouvrant les rideaux, puis les volets, elle se tourna pour contempler la pièce assez vive. Des murs d'un gris simple, un lit aux draps gris et bleu, un bureau, qui se situait sur sa gauche, où se trouvaient des bouquins et des manuels de cours, tout aussi bien rangés que les jeux vidéos, le tout organisé dans des ranges-vues et des serre-livres. Les tiroirs du bureau étaient tous fermés, et elle aurait parié que même à l'intérieur de ceux-ci, rien ne dépassait. L'ordinateur portable trônait au centre du bureau, et la chaise était alignée sous ce dernier.


 En se tournant, elle fit face à une immense armoire aux portes coulissantes. A moitié ouverte, elle put distinguer les vêtements du jeune homme, alignés sur les cintres et pliés sur les étagères, dans un ordre bien défini.

 Elle fit ensuite un tour sur elle-même afin de découvrir les quelques posters accrochés sur les murs, des personnalités célèbres, ainsi que des croquis. Avait-il une âme de dessinateur ? En tout cas, elle n'aurait su faire mieux.

 Il y avait également une grande affiche représentant des boxeurs, sûrement une ancienne annonce de combat vu que la date écrite en bas affichait "2018". Elle comprit un peu mieux l'ambition d'Evan, surtout lorsqu'elle s'approcha de l'étagère qui se trouvait au-dessus du bureau, à gauche de la fenêtre.

 De nombreux trophées et de médailles, ainsi que quelques cadres-photos où étaient représentés Evan et son coach, Ryan, souriants, étaient disposées sur les deux étagères. C'était sûrement un champion à en devenir, et Riley avait vu à quel point il s'entraînait dur. Elle ne savait pas depuis combien de temps il pratiquait, mais il avait un très bon niveau. Enfin, elle ne s'y connaissait pas du tout, puis, faut le dire, elle débutait à peine. Alors c'était impressionnant de son point de vue.

 En s'approchant, elle écarquilla les yeux à la vue d'une magnifique coupe or et argent, représentant deux boxeurs qui s'affrontaient. Un instant, elle s'imaginait brandir un trophée similaire. Dieu qu'elle en rêvait.

 Tendant une main, un bruit sourd la stoppa net. Alerte, elle revint à la réalité, et sortit de la pièce, le ventre gargouillant.


 En arrivant dans le salon, elle ne vit personne. C'était d'un silence pesant.


 "Eh oh", héla-t-elle.


 Aucune réponse.


 Elle posa ses mains sur ses hanches. Elle n'était pas folle, elle avait bien entendu un bruit ?

 Secouant la tête, elle s'avança vers le creux qu'elle avait repéré la veille, passant devant une bibliothèque remplie de livres.

 Trouvant enfin la cuisine, elle commença à se jeter sur les étagères, quand un petit bout de papier blanc attira son attention.

 Posé sur une petite table, sûrement celle pour déjeuner, elle prit le papier en main et en lut le contenu.


 "Je suis parti m'entraîner.

Quand tu te lèves, sers-toi. Manges ce que tu veux et à ta faim. Il y a tout ce qu'il faut.

Ne me remercie pas. Et promis, la nourriture n'est pas empoisonnée, au cas où tu te méfierais encore.

Je te conseille de te reposer, ne viens pas à la salle aujourd'hui. Rentre chez toi directement. J'ai laissé la porte ouverte pour que tu puisses partir.

Je t'ai à l'œil.

A bientôt,


Evan"


 Un message plutôt simple, accentué de trop de bienveillance au goût de la demoiselle. Sans le vouloir, elle s'était mise à esquisser un sourire minuscule.

 Posant le papier, elle se dirigea vers les étagères et prit un peu de tout pour se rassasier.


 Les questions ne cessaient d'aller et venir dans sa conscience. Dans tout ça, elle se disait : pourquoi ? Pourquoi ce geste ? Pourquoi se prenait-il autant la peine pour elle ? Il n'y avait rien à sauver chez elle, alors que manigançait-il ? Pour elle, c'était sûr, il y avait une mauvaise intention derrière tout ce semblant d'affection.


 Après avoir mangé de quoi tenir jusqu'à midi, voire plus, elle alla automatiquement vers la salle de bain. Elle ferma la porte, et commença à se déshabiller, avant de se stopper.


 "Ah oui, et mes vêtements ? J'ai rien à me mettre, super ça." disait-elle dans son esprit.


 En effet, elle portait toujours les mêmes vêtements que la veille, empestant la transpiration. Un flash de mémoire lui rappela que son sac de sport était resté aux vestiaires.

 A moins que...


 "Ah non, me dis pas qu'il a fait ça aussi ?"


 Remettant rapidement ses sous-vêtements, elle se précipita à grandes enjambées vers l'entrée. Elle chercha partout, avant de tomber sur un objet sombre, non loin d'un porte-manteau, posé à côté d'un range-chaussures.


 "Il l'a fait."


 Elle s'avança et prit la sangle. C'était bien son sac de sport. Elle soupira, de plus en plus surprise.

 Elle embarqua le sac sur son épaule et retourna dans la salle de bain, afin de mettre des vêtements propres.


 Une fois fraîchement habillée, et lavée, elle retourna dans le couloir, observa une dernière fois le lieu, jurant de ne plus y revenir. Une hospitalité certes qui partait bien, mais elle s'était sentie de trop. Ce n'était pas sa place, et elle n'avait pas besoin de la gentillesse d'Evan. Elle ne profitait jamais de la bienveillance de certaines personnes, pour éviter de finir déçue.

 Ayant soudain une envie folle de cigarette, elle ouvrit la porte et referma derrière elle, son sac sur l'épaule, avant de se diriger vers le premier bar-tabac qu'elle trouverait sur son chemin.

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