Pauline

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Voilà. J'ai envie d'en parler. De quoi ? Des violences entre frères et sœurs au sein même du foyer familial. Souvent, le silence ou le déni des parents est la chose la plus douloureuse à vivre. L'autre chose difficile à supporter, c'est de devoir faire semblant pour éviter le regard des autres.

Aujourd'hui, je vais vous parler du cas de Pauline[1]. Pour elle, les violences au sein de la fratrie, c'est tabou pour le reste du monde. Elle pense que personne n'en parle. Actuellement, elle a bientôt 24 ans. Au début, elle avait une vie tout à fait normale, la vie d'une petite fille ordinaire. Son père était un pilote de chasse et sa maman, plutôt mère poule, restait à la maison pour s'occuper des enfants. A cause de la profession de son père, sa famille déménageait sans cesse, jusqu'à 1996. Cette année-là, son grand-père paternel décède. Son père venait de quitter l'armée, et la mort du seul membre de la famille qui lui restait l'a décidé « à ramener toute la petite famille dans son village natal. ». Une fois installé, sa mère a repris le travail et à confier sa garde à son frère de 10 ans à l'époque, et à sa sœur de 8 ans entre la fin de l'école et la fin du travail de ses parents, vers 20h. Dès le début, son frère la gifle de colère avant de jeter la tête de sa sœur par l'angle de la porte parce qu'elle avait essayé de la défendre. Son frère alors âgé de 10 ans, faisait déjà 1m65 et 50kg de muscles étant rugbyman. Ces gestes ont continué ponctuellement pendant environ 5 ans. « Pourtant on n’en parlait pas avec ma sœur, ni avec personne d'ailleurs. La seule explication que j'ai, c'est que les 'violences' filles/garçons étaient assez courantes à l'époque, et je crois que dans ma tête cela me semblait normal que ce soit pareil à la maison. ». Son frère adolescent devient accro aux jeux vidéo et finit en échec scolaire. En dernier recours, son père l'avait inscrit dans un collège professionnel. Il n'y a jamais mis les pieds : « Mes parents étaient pas mal débordés par le travail, et je crois qu'ils n'ont pas su comment gérer mon frère. Ils ont abandonné en se disant qu'après la crise d'ado, tout rentrerait dans l'ordre. ». Quand Pauline a 9 ans (sa sœur 13 et lui 15), tout dérape : son frère passe d'1m65 à 1m80, se droguait déjà et buvait énormément. Les gifles sont devenues « des coups, des prises de karaté, et sa combinaison préférée : des coups de poings dans l'estomac, avant de me jeter au sol et de me mettre de grands coups de pied dans le bas-ventre. ». Aucune trace visible. Pauline allait souvent à l'hôpital : le médecin décide alors de faire venir une assistante sociale, alors persuadée que ces blessures ne peuvent provenir que de violences de la part des parents … Finalement, ça n'allait pas plus loin. Son frère était aussi très violent avec sa sœur, car elle la défendait mais c'est quand même Pauline qui finissait à l'hôpital à cause d'un « petit gabarit par rapport au reste de la famille ». Un jour, la vérité éclate : lorsque son frère a 18 ans et elle 12, et qu'il vivait tout le temps au domicile familial, Pauline était allé se brosser les dents. A ce moment-là, pour « s'amuser », il est rentré dans la salle de bain et lui a « balancé une droite dans les côtes ». Mais son père venait de rentrer et avait tout vu. Il l'a frappé puis mis à la porte avant de s'adresser à Pauline pour qu'elle lui raconte ses 8 années de cauchemar. Après ça, son frère quitta le domicile familial, et eu de nombreux déboires dû à la drogue et à sa santé (prison et AVC). Après son AVC, sa mère décida de ramener son frère à la maison. Sa sœur décida alors de partir vivre dans l'Est du pays car elle ne tolérait pas cette « acceptation » de la part de leur mère. Entre elle et sa mère, la relation est assez compliquée et imprécise. Leur caractère sont mêmes contraires et très forts. En plus de cela, elle a toujours eu une relation très fusionnelle avec son unique fils « voulant à tout prix le protéger et le garder près d'elle. Elle l'a eu très jeune, et peu après sa naissance mon père a été envoyé loin pour son travail. Elle s'est retrouvée toute seule avec mon frère pendant plusieurs mois, ça a scellé leur relation. ». Quand sa sœur est partie, Pauline s'est retrouvé toute seule avec son frère et cette peur qu'elle connaissait trop bien. Quand elle a voulu parler de ses craintes à sa mère, cette dernière lui a dit un « ça va, c'était il y a longtemps, passe à autre chose. ». Quand elle a voulu en parler à un psy, ce dernier lui a dit qu'elle « affronterai des problèmes bien plus importants en grandissant. ». Elle a fini par se dire que ça venait peut-être d'elle, que ce n'était rien de grave. Elle s'en ai même convaincu, et a fini par rompre tout contact avec sa sœur pendant des années, devenant même amie avec son frère malgré les insultes qui continuaient. Un jour, sur un coup de colère, son frère la coince contre la porte d'entrée et l'a étranglée. Elle avait 17 ans. Pauline est allée à la gendarmerie, qui l'a renvoyé chez elle, arguant : « Au pire il ne te reste que trois mois à tenir avant d'être majeure, ne te lance pas là-dedans ... ». Elle n'a rien dit à ses parents. Psychologiquement, ça à commencer à débloquer : Pauline devient violente, autant verbalement que physiquement. Les résultats scolaires dégringolent, et elle répondait souvent. Elle vomissait sur le chemin du retour du lycée, et à commencer à beaucoup boire. Pauline obtient quand même le bac, et part de chez elle étudier la sociologie. Malheureusement, elle doit arrêter car elle fait une dépression, lui valant 3 ans de traitement, en secret, craignant des moqueries de la part de sa famille. Elle tente quand même d'avancer, n'arrivant même pas à dormir correctement, à vivre « normalement » jusqu'à ce qu'un ami lui dise cette phrase : « Tu ne crois pas que si tu faisais ce que tu aimes au lieu de vouloir impressionner les autres, ça irait mieux ? ». Aujourd'hui, Pauline a retrouvé un certain équilibre et vis au Pays de Galles. Elle a retrouvé le sommeil et a perdu les 17kg qu'elle avait en trop … Mais elle garde de nombreuses séquelles. Elle apprend par son gynécologue qu'elle ne pourra peut-être pas porter d'enfant. Elle a une vingtaine de fractures au total, elle fait des cauchemars encore toutes les nuits et elle ne fait plus confiance aux hommes. Avec sa famille, elle essaye de ne pas se prendre la tête, et a renoué avec sa sœur. Avec le recul, elle a réussi à distinguer le bien du mal. Encore maintenant, elle se souvient du début où elle revenait chez elle : « ce dernier continuait à m'insulter et ma mère à minimiser son comportement. ». Depuis deux ans en revanche, ses retours se font sous conditions que son frère ne soit pas présent. Pour elle, la morale de l'histoire « ce n'est pas que j'ai souffert et que je mérite une statue ou une école à mon nom ; c'est qu'à part mes amis proches qui me soutiennent à mort, personne ne semble considérer la violence entre frères et sœurs comme une chose sérieuse. Les psys décrivent même généralement cela comme une rivalité saine. ».

Voilà l'histoire de Pauline. Cette histoire-là, elle fait peut-être écho avec votre vécu … ou elle vous choque juste. Certains réagiront peut-être en étant du côté des parents, en se disant que Pauline, comme moi, on en fait des tonnes. Ici, les violences physiques sont tellement importantes que cette dernière finit régulièrement à l'hôpital. Mais il faut savoir que la violence psychologique ne fait pas moins de dégâts. Au contraire. Aujourd'hui, Pauline n'arrive même plus à faire confiance aux hommes, et fait encore des cauchemars toutes les nuits. Malheureusement, souvent dans ce genre de cas, le fait d'aller voir un psy ne sert à rien car comme elle le décrit, il ne se fixe comme limite que celle que leur école leur a apprises. Or, entre la théorie et la pratique, il y a une énorme différence. Les insultes sont assez fréquentes, mais elles ne doivent pas dépasser un certain stade. Les parents ne doivent pas laisser un climat de tension s'installer entre leurs enfants, surtout si en dehors de ces crises, la tension est toujours palpable entre eux. Il est du devoir des parents de veiller à ne pas laisser ça s'installer, et il est également de leur devoir de ne pas protéger l'agresseur et de dénigrer l’agresser. Dans la rue, cette situation les scandaliserait probablement, ils doivent donc faire abstraction du fait qu'il s'agisse de leur enfant.

[1]Nom d'emprunt

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