Une fêlure dans le marbre

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Après l'avis de ce pédopsychiatre, je me sens quelque peu atterrée. Et pour cause. Pour lui, les violences frères et sœurs comme l'a vécu Pauline n'ont pas l'air d'exister. Il faut donc « laisser le temps faire », comme aimait à se répéter la mère de Pauline. Je ne vois également pas comment la vision d'un seul homme, aussi pédopsychiatre soit-il, peut se permettre de donner la définition d’une fratrie réussie. Pour suivre, nous allons consulter l'avis d'Edwige Antier, pédiatre, dans une interview au magazine Psychologie. « L’agressivité des enfants laisse démunis de nombreux parents. Dans son essai L’Agressivité (Bayard, 2002), la pédiatre Edwige Antier tente de montrer comment répondre à cette violence.

Psychologie : La violence entre frères et sœurs peut-elle laisser des traces ?
Edwige Antier : Les rapports entre frères et sœurs sont des rapports souvent cruels qui laissent des blessures profondes, des peurs de l’autre qui perdurent dans la vie d’adulte : une femme battue par son compagnon peut porter en elle les marques laissées par un frère aîné violent. Le maltraitant comme le maltraité reproduiront, toute leur vie, ce qu’ils ont vécu enfant.


Psychologie : Qu’est-ce qu’une bagarre “normale” entre frères et sœurs ?
Edwige Antier : C’est la bagarre déclenchée pour attirer l’attention des parents, pour envahir leur espace. Ce n’est pas un rapport entre eux, c’est un rapport à vous. Vous avez envie de lire, téléphoner à une amie, préparer le dîner : ils s’immiscent pour vous en empêcher. Proposez un dérivatif : un jeu, une émission de télé, une balade… Ne laissez surtout pas la bagarre s’installer. Parce que, lorsque la tension aura monté, vous rentrerez dans cette violence. Vous crierez, vous frapperez. Et vous ancrerez chez l’enfant le sentiment que la violence est un mode de communication comme un autre. Si les dérivatifs ne fonctionnent pas, séparez les enfants. Chacun dans une pièce différente, si possible fermée à clef. De cette manière, c’est vous qui fixez les limites, qui ouvrez et fermez la porte. Beaucoup de parents s’offusquent à l’idée de ce geste qu’ils jugent agressif. C’est toujours moins agressif qu’une gifle, qui tombe sous le coup de l’exaspération et qui n’est jamais un bon moyen de poser des limites.


Psychologie : Où commence la bagarre malsaine ?
Edwige Antier : Lorsqu’il y a domination de l’un des enfants sur l’autre, lorsque la violence est récurrente, prolongée et répétée sur le même enfant. Il faut prêter attention à la domination et à la cruauté qui se dégagent des jeux. On fait boire la tasse au petit frère dans la piscine, on l’étouffe, on l’écrase en se couchant sur lui… à la limite de la maltraitance. Les parents doivent alors essayer de mettre des mots sur ces actes : « Faire boire la tasse à quelqu’un, ce n’est pas un jeu, c’est dangereux. » Mais surtout, ils ne doivent pas avoir peur de consulter un pédiatre ou un pédopsychiatre. En tête à tête avec l’enfant, les professionnels peuvent lui demander pourquoi il a envie de tordre le cou à son frère ou à sa sœur, lui expliquer l’ambivalence normale de ses sentiments, entendre qu’il a envie de le voir mourir… Les parents, non.
(Propos recueillis par Violaine Gelly)

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