Payer pour exister
Avant-propos : Il est essentiel de reconnaître que l'argent occupe une place centrale dans notre existence. Indispensable à notre quotidien, il façonne nos choix, nos relations et nos aspirations sûrement de façon excessive et déraisonnée parfois. Cet essai se propose de questionner les dérives du capitalisme contemporain et les excès de la société de consommation.
Depuis le début de l'humanité, les hommes ont toujours fait preuve d'une grande ingéniosité et ont redoublé d'efforts pour trouver des moyens d'échanger des denrées entre eux. Tout a commencé avec le troc, la monnaie métallique, puis l'argent.
L'argent, c'est cette infime poussière, cette pièce reluisante, ce minuscule firmament doré qui pourtant régit le monde entier. Nos vies s'orchestrent autour de ce bout de papier ; certains s'en foutent plein les fouilles grâce à lui et en profitent pour nous enrôler. Pour l'argent, les humains sont prêts à tout : tuer, voler, tant de motifs justifiés par la quête constante de ce bien doré qui fait tant rêver et qui fait perdre la raison.
Sans lui, c'est la misère. On crève, on rampe, on mène une lutte sans fin, à prier, pleurer, s'arracher les cheveux et la rétine des yeux pour espérer récolter, ne serait-ce qu'une infinitésimale quantité, de quoi payer son bout de pain.
On passe nos vies à lutter, courir après lui sans jamais s'arrêter, une course contre la montre, un élan de vie effréné. Sans lui, c'est la crise, le néant, l'indigence, la déchéance et la perte de sens. Il a le pouvoir de nous contrôler, de nous déshumaniser, de nous ôter toute humanité.
Argent et humanité ne riment pas : deux mots qui se repoussent, se battent, se crachent à la tronche les pires ignominies qui portent l'entièreté de la haine humaine entre eux.
Sans lui, c'est la noirceur, les pleurs, la frayeur et la rancœur. Être sans argent, c'est être plongé dans l'obscurité la plus profonde, le soleil nocturne de la vie et être submergé par un flot de pensées qui vous happent l'âme, vous détruisent, vous rongent de l'intérieur et vous perforent le cœur de coups lancinants, impérissables et inarrêtables.
Tout le monde s'entretue, les hommes s'éteignent, la lueur de l'humanité s'étiole, la guerre éradique et ravage le monde, des flux d'âmes dégueulent des mers et des continents...
Mais on continue de se voiler la face, de se camoufler derrière la douce tenture du déni, et on clame, avec une voix mielleuse, dégoulinante de sucre et de paroles onctueuses, à s'égosiller :
« Tout va bien, on a de l'argent, tout ira bien, le monde va bien. Si on a de l'argent, le reste, c'est de la littérature. »
Tout s'achète : ton identité, ton existence, tes origines, tes vêtements, ta scolarité... Et ta vie, tu la payes !
Rien ne t'appartient vraiment.
À peine au berceau, on ingurgite déjà la notion d'argent. Les taxes, les impôts : ce sont les monstres de notre enfance, ce bout de papier qui te suit à la trace, qui s'insinue au fond de ton âme et qui donne envie de tout envoyer valser.
À l'école, on ne cesse de te répéter : « Travaille bien, comme ça tu seras riche », antiphrase pour te dire que l'argent ne coulera jamais à flot et que tout ça ce sont des leurres. Le billet dictera les moindres recoins de ta vie et de la même manière qu'une petite fourmi. Tu dois déjà commencer à te préparer à ton futur sinistre.
L'argent fait partie intégrante de l'humanité, il coule dans nos veines comme un deuxième sang dont on ne parvient pas à se défaire, et qui nous emplira jusqu'à notre dernier souffle, notre infime soupir.
Pour lui, on se frotte les mains, on se déshabille, on se déguise et on se sacrifie.
L'argent, c'est nos vies.
Nous ne sommes pas des humains mais des appâts, des futurs produits de consommation. Nous n'existons pas réellement : nous sommes juste le maillon de cette terrible machine qui régit le monde.
"Je suis cet objet que vous convoitez, pour lequel vous bavez, languissez, trépignez, peu importe votre âge.
Je vous contrôle et je deviens indispensable.
Je suis votre désir inassouvi, votre convoitise de la nuit, votre dopamine.
Je prends possession de vous jusqu'à ce que vous m'achetiez dans une pulsion de désir et de faiblesse.
Je suis votre vide portefeuille et votre ruine inconsciente.
Mais irrésistible et impuissant, vous finissez toujours par céder et recommencer indéfiniment.
Votre insatiabilité me nourrit."
C'est donc ça, le bonheur ?
Vouloir sans jamais s'arrêter, être insatiable et courir constamment après ce que l'on ne possédera jamais...
L'argent, c'est avant tout les prémices de notre déchéance individuelle.
À travers ce court essai, il s'agira alors de s'interroger sur les fondements du capitalisme, de la consommation de masse et des faiblesses de l'être humain qui semble se jeter à bras ouverts et à corps perdu dans cette terrible machination.
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