Toute la pluie tombe sur moi...
Assise sur le large rebord de ma fenêtre, un livre dans une main nonchalament posée sur mon genou, je regarde la pluie qui tape à mon carreau. Elle a commencé à tomber il y a quelques minutes et le ciel bleu a viré au gris. Tout mon jardin semble terni alors qu'il est arrosé naturellement. Il devrait être plus gai que jamais et pourtant on dirait que la nature est triste.
J'aime regarder la pluie. Voir les gouttes faire la course sur les vitres, entendre les "plics" et les "plocs" qui jouent une musique différente selon la surface où les gouttes s'écrasent, sentir l'eau ruisseler sur la main que je sors par la fenêtre et le vent caresser ma peau,... Cela m'hypnotise et me ravit.
Je sais que la nature a besoin de cette eau qui tombe du ciel et la nourrit, remplit les nappes phréatiques et les puits, permet aux animaux errants de se doucher et de boire de l'eau fraîche, et j'en oublie.
Cela me fait aussi penser à certains poèmes de Hugo, Verlaine, Rimbaud... Je ne lis leurs spleens que lors des jours de pluie. Cela me met dans l'ambiance. Les mots coulent comme l'eau, la tristesse s'accorde au gris du ciel et mon humeur aussi change ces jours-là. Des souvenirs pas très joyeux remontent à la surface comme les vers de terre que je vois ramper sur les trottoirs.
La pluie est musicienne, poète, porteuse de vie et d'espoir. Elle est indispensable à la Terre comme à l'Homme et pourtant nous râlons quand il pleut. Ce cycle de l'eau qu'on nous apprend dès le collège me revient en tête et je m'imagine tout ce qu'on m'a expliqué plus jeune. Comment l'évaporation de l'eau permet la formation des nuages, comment le vent et les températures font que les nuages chargés d'eau se déchargent sur le sol pour le nourrir avant que l'eau s'évapore avec la chaleur et voilà un cycle infini et éternel. Un cycle parfait.
Je suis là à regarder la pluie et à dessiner sur la buée des carreaux avec mon doigt pour dessiner une piste de course pour les gouttes. Je décerne des médailles virtuelles à ces marathoniennes fugaces. J'essaye même de les compter parfois. Le poème de Verlaine me revient. "Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur ma ville". C'est vrai. J'ai été plaquée ce matin. La pluie a caché mes larmes et abîmé mon brushing. Je m'étais faite belle, il m'avait invitée à prendre le petit déjeuner en ville. Je pensais que nous allions passer la journée ensemble, il a préféré rompre et partir directement avec sa nouvelle copine.
"Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur ma ville"... Un poème qui ne parle ni de rupture, ni de trahison. Pourtant c'est lui qui me revient en tête, comme une litanie qu'on répète. "Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur ma ville"...
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