Alexandra

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L’imposante berline allemande, aux vitres arrières teintées, se gara le long du trottoir. Aussitôt, la porte avant du passager s’ouvrit en grand et Mikanovic en sortit précipitamment pour ouvrir la porte arrière du véhicule.

Deux longues et fines jambes, étroitement moulées dans un pantalon en cuir, apparurent et Alexandra Bajnic déplia son mètre soixante dix pour cinquante huit kilos avec autant de grâce et de souplesse qu’une chatte sortant de sa boite en carton.

Elle était vêtue d’un ensemble en cuir noir et brillant à faire bander un curé de campagne. Elle prit la direction de la boite de nuit toute proche en marchant tel un mannequin, suivi de près par son garde du corps Mika, pour les intimes.

Les videurs s’écartèrent poliment à l’arrivée de la jeune femme devant l’établissement et lui adressèrent un signe de tête en guise de bienvenue. La belle entra dans les lieux un sourire énigmatique aux lèvres.

La salle était pleine de monde qui se déhanchait sur des rythmes discos des années 70 à 80. Alexandra, toujours suivi par Mika, fendit la foule comme un brise-glace en direction de la zone VIP.

Un empaffé de première, visiblement éméché, lui barra le passage.

Alexandra le toisa immédiatement d’un regard froid et glacial.

- Hé ! Putain que t’es belle, toi…tu sors d’où ?

- Du même trou que toi, connard ! Répliqua Alexandra un sourire mauvais aux lèvres.

- J’te paye un verre ? Continua l’individu, à moitié débraillé et à la verve alcoolisée, sans relever l’insulte et le ton rageur.

- Tu peux te le carrer où je pense ton verre. Dégage, pauv’type !

Visiblement, l’homme n’apprécia pas la réponse de la jeune femme, il se sentit vexé dans sa virilité.

- Comment tu m’parles sale pétasse, s’écria-t’il. J’veux juste de payer un truc à boire et toi tu m’fais ton cinoche ! Tu t’prends pour qui !?

- Dégage de mon passage, s’énerva Alexandra, ou ça va mal finir, pauvre con !

- Sale pute ! Répliqua l’énergumène en tentant d’agripper Alexandra par l’épaule.

La jeune femme attrapa la main droite du lascar et plongea rapidement sous son bras tel un ninja en faisant une rapide rotation à 180 degrés sur elle-même, avant de lui décocher un coup de coude d’une extrême violence au creux du plexus solaire. L’individu se plia en deux de douleur, juste à temps pour voir la bottine en cuir et rivets acier de la demoiselle remonter vers lui pour lui exploser la tronche. Il tomba à genoux sur le sol, le nez et la bouche en sang en se tordant de douleur. Il leva les yeux vers Alexandra pour l’injurier mais ne vit que son poing venir l’achever comme un torero son bestiau, il s’effondra lamentablement au sol comme une daube, KO.

Le tout n’avait duré que deux secondes et le peu de personnes s’étant aperçu de l’altercation reprenaient déjà leur danse. C’était des habitués et ils connaissaient Alexandra, pas comme le pauvre type gisant sur la piste de danse. Ils savaient aussi qu’il fallait mieux ne pas se mêler de ses affaires.

La belle reprit son chemin l’air de rien, suivi par Mika resté à distance, qui n’avait pas bronché. Le videur préposé à la zone VIP de la boîte de nuit, salua Alexandra Bajnic, la patronne des lieux, d’un signe de tête. Il libéra le passage de son imposante carcasse à la demoiselle suivi de son garde du corps à la mine renfrognée.

Alexandra traversa la zone de son allure féline et arriva devant une porte en bois massif où était écrit “Direction”.

Elle tapota, du bout de son index droit, son code d’accès sur le boîtier électronique en commandant l'ouverture. Elle entra et se retourna sur le seuil vers Mika.

- Tu restes là pour l’instant, lui intima-t-elle.

- Bien Mademoiselle, répondit Mika du bout des lèvres.

- Tu demanderas à DD de balancer le corps de l’autre connard dans la ruelle de derrière, vers les poubelles du resto chinois, il sera à sa place.

- Ça sera fait, répondit Mika d’un ton laconique.

Alexandra referma la porte et alla directement dans les toilettes de son bureau privé. Elle regarda son reflet dans le miroir et vérifia qu’aucunes mèches de sa splendide chevelure, n’avaient bougé. Sa frange était toujours parfaitement droite, parfaitement rectiligne et coupée à 1,62 cm au-dessus de ses fins sourcils. Une coupe dégradée partait des bords de son front en direction de sa nuque et encadrait son visage. Le reste de ses cheveux, raide et d’une noirceur absolue, tombait droit jusqu’à la chute de ses reins. Son adorable minois était ainsi mis en évidence par sa coupe de cheveux originale.

Ses yeux étaient légèrement surlignés d’un trait noir et un gloss ébène profond et très flashy habillait ses fines lèvres délicates.

Elle passa rapidement ses mains sous l’eau froide, des traces de sang ornaient les phalanges de sa main droite.

Un sourire s’esquissa sur ses lèvres, elle aurait adoré s’occuper de l’emmerdeur de service dans un coin discret et tranquille. Le pauvre en aurait chié.

Elle retourna dans la pièce principale et ouvrit un tiroir secret de son imposant bureau en chêne massif de couleur sombre. Elle en sortit une très longue clé et traversa la pièce en direction d’un coffre-fort de bonne facture. Elle y inséra la clé, fit jouer la molette numérotée, tourna la clé pour déverrouiller les pênes et bascula la poignée. La porte s’ouvrit, elle en sortit une grosse boîte rouge vif qu’elle déposa sur son bureau.

Elle posa délicatement ses fesses rebondies sur son fauteuil de ministre et entra un code sur la serrure électronique de la boîte.

Le couvercle se déverrouilla, Alexandra l’ouvrit délicatement.

Elle contenait cinq cents petites fioles au bouchon rouge bien rangées les unes à côté des autres dans leur alvéole respective. Un très grand nombre était vide. Alexandra prit la première encore pleine et en ôta le capuchon qu’elle déposa sur son bureau. Puis, elle se cala profondément dans son siège et ingurgita le contenu de la fiole en une seule fois. Sa tête partit aussitôt en arrière, ses yeux se révulsèrent et son corps fut parcouru par des convulsions et d’importants spasmes nerveux. On aurait dit qu’elle était possédée. Puis, d’un coup, tout son corps se relâcha et ses bras retombèrent mollement de chaque coté d’elle, la tête toujours en arrière. Elle ressemblait à une morte ou un pantin désarticulé qu’on aurait balancé là.

Quelques instants plus tard, elle rouvrit ses yeux bleus azurs et redressa sa tête. Elle corrigea sa position sur son siège et ramassa la fiole vide que sa main avait laissé échapper sur le sol. Elle la ferma avec le capuchon resté sur son bureau et la remit vide dans la boite rouge.

Un sourire de satisfaction se dessina sur ses lèvres, suivi rapidement par une moue dubitative.

Elle jaugea d’un regard le nombre de fioles restantes et évalua qu’il en restait seulement une petite vingtaine.

Alexandra décrocha son téléphone et appela un numéro enregistré dans l’appareil.

- Oui, fit une voix d’homme jeune à l’autre bout de la ligne.

- C’est Alexandra.

- Oui ma..ma…demoiselle ! Reprit la voix avec une tonalité affolée.

- Passe-moi, Victor, répondit Alexandra.

- Il n’est pas dans son bureau.

- J’en ai rien à foutre ! Pas..ses… moi… Vic…tor, répondit Alexandra en détachant bien chaque syllabe sur un ton ne souffrant aucune excuse.

- Oui, madame…heu mademoiselle…, répondit la voix tremblotante, je vais le chercher.

Alexandra entendit son jeune interlocuteur crier à la volée :

- Où est Victor ! C’est mademoiselle au téléphone.

S’ensuivit un grand remue-ménage, des chaises raclèrent le sol, des éclats de voix se firent entendre, des portes claquèrent.

- Il est aux toilettes, entendit-elle au loin dans le combiné.

- Il est…occupé, reprit le jeune homme d’une voix blanche et tremblotante.

- Je te demande de me passer Victor, pas de me raconter sa vie. J’en ai rien à foutre qu’il soit en train de chier ou de se palucher, s’énerva Alexandra, tu me le passes maintenant où ça va mal se passer ! Tu comprends ?

- Je vais le chercher…vous attendez ?

- Bouges-ton cul avant que je m’en occupe personnellement.

Elle entendit son interlocuteur poser le combiné et se mettre à courir comme un dératé à la recherche de Victor.

Elle tapota son bureau du bout de ses très longs ongles au vernis noir intense. La patience n’était pas son fort. Elle posa le combiné et mit le haut parleur. C’était la panique générale à l’autre bout, des cris fusaient de toutes parts. Faut dire que les toilettes étaient assez loin du laboratoire et le personnel plus habitué à avoir le cul sur une chaise qu’à courir.

Elle entendit finalement la voix de Victor en train de râler et d’engueuler vertement tout le monde.

- Alex ? fit-il un brin essoufflé.

- J’ai failli attendre…

- Je sais, mais bon…j’étais occupé. J’allais pas courir la merde au cul non plus.

- Tes problèmes ne m’intéressent pas ! S’amusa Alexandra.

- Tu veux quoi ?

- Il me reste moins de 25 fioles. Je veux que tu m’envoies une nouvelle boite pour demain.

- Pas de problème, elle est déjà prête.

- T’en es où ?

- J’ai 250 rouges en préparation, environ 4000 jaunes en stock et j’attends un arrivage la semaine prochaine de 10.000 unités de bleus direct d’où tu sais.

- J’me tape des autres, je veux savoir combien tu disposes de rouges en tout.

- Tes 500 et 250 en prépa, c’est tout !

- Tu glandes mon ami, ton stock tampon ne doit pas passer en dessous de mille unités. J’te paye pour ça non !

- Va falloir me fournir de la nouvelle marchandise si tu veux remonter ton stock de pure rapidement, s’excusa Victor.

- Combien t’en veut ?

- Ben…au moins trois ou quatre et en bonne santé, je veux pas des résidus de basse-cour.

- Je vais te trouver ça pour la fin de la semaine. Autre chose ?

- Non…

- Tu seras prêt pour le raout le mois prochain ?

- Je m’occupe de ça, t’inquiètes pas.

- Je m’inquiète pas. Si ça merde, c’est toi qui devras commencer à t’inquiéter !

Victor avala un peu plus difficilement sa salive.

- Livre-moi la marchandise rapidement et je me mets au taf.

- Mika t’apporteras tout ça rapidement mais tu aurais dû me prévenir que tu rencontrais des difficultés. J’aime pas lancer ma meute à la chasse au dernier moment, c’est toujours plus compliqué.

- Désolé Alex, mais j’allais t’appeler. En fait…

- Blablabla, fermes ta gueule ! Brailla Alexandra, et envoie-moi ma boîte. Je la veux sur mon bureau à mon hôtel privé demain matin ! Sinon, je passerai te botter le cul à toi et tes équipes d’endormis. Asham produit plus que toi avec dix fois moins de moyen.

- Tu peux pas comparer Asham et nous ! Ça n’a rien à voir. Il a toute la matière première qu’il veut et il ne respecte même pas la procédure de scission, il fait de la merde ! Si tu veux que je fasse comme lui c’est pas un problème pour moi, tu le sais ! Je perds un temps fou avec ta méthodologie, je pourrai produire dix fois plus sans toutes ses conneries que tu m’imposes.

Alexandra bondit littéralement sur ses pieds, envoyant valser son fauteuil un mètre plus loin.

- Ose ne pas respecter la procédure, hurla-t-elle, et je te jure que je t’arrache tes tripes et que je te les fais bouffer avant que t'aies le temps de crever !

Victor se passa la main sur le front, des gouttes de transpiration venaient d’apparaître.

- Je fais tout comme tu l’exiges, expliqua-t-il, mais si tu veux de la rouge de qualité…il me faut plus de temps ou plus de matière première de qualité. C’est tout. Et ne me compare pas à Asham où n’importe qui d’autres.

- Les process doivent être respectés à la lettre, par TOUS !

- Ben, vérifie et tu verras que c’est pas le cas…

- Comment tu le sais ?

Victor hésita un petit moment venant de s’apercevoir, trop tard, qu’il venait de tendre le bâton qui allait le battre.

- C’est juste des échos que j’ai eus…

- Tu es en charge de leurs formations et de leurs suivis, non ?

Victor sentit ses jambes ramollirent sous lui, il attrapa un tabouret afin de les soulager.

- Je suis pas derrière eux tout le temps, Alex. Ils connaissent les techniques d’extraction et de scission mais veulent se faire un max de fric le plus vite possible. Alors, ils sautent des étapes.

- Depuis quand tu sais ça ! Hurla Alexandra Bajnic.

- Quelques mois…

- Tu te rends compte de ce que cela signifie, espèce de taré. Tu vas régler ça tout de suite. Démerdes-toi comme tu veux mais faut que tout cesse immédiatement et que tout le monde applique mes procédures à la LETTRE et MAINTENANT ! Tu vas me le payer fils de pute, vous allez tous me le payer, vociféra-t-elle le visage rouge de colère. Et elle coupa nette la communication.

Elle attrapa cinq fioles pleines se trouvant dans la boîte restée ouverte sur son bureau et les enfouit dans l’une des poches de son pantalon. Puis, elle en prit cinq autres et en ôta rageusement les capuchons qu’elle balança à travers la pièce. Puis, elle se dirigea vers une bibliothèque tapissant le mur du fond de la pièce et en fit pivoter une partie servant de porte secrète à la salle dissimulée derrière. Elle referma le panneau. La pièce était plongée dans le noir le plus total. Alexandra sortit un briquet de l’une des poches de sa combinaison et alluma une série de bougies noires placées en cercle sur le sol. Des motifs ésotériques et incompréhensibles pour le commun des mortels ornaient les murs, le plafond et le sol.

Elle se plaça au centre du cercle et avala d’un trait le contenu des cinq fioles en même temps, folle de rage.

Victor reposa le combiné de téléphone le cœur battant la chamade et le teint blanc comme la neige. Il aurait été croyant, il aurait fait le signe de croix illico.

Alexandra Bajnic était dans tout ses états et il savait qu’il avait merdé. Il chercha dans sa tête une solution pour tenter de rester en vie et la trouva rapidement. Mais, il n'en était pas pour autant tiré d'affaire.

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