Chapitre 1
II
Adoption
Six mois plus tôt, sa mère avait déboulé dans sa chambre. Jamais elle ne dépassait la porte, tel était le pacte tacite. Elle avait franchi la frontière. Ça devait être grave.
— La voiture, hurla-t-elle, elle a disparu. Quand je pense que je te nourris midi et soir ! Qu’est-ce que je m’emmerde avec toi !
Un peu sonné, il tourna la tête. Elle semblait furieuse.
— Quoi, qu’est-ce qu’il y a, gémit Bastien d’une voix virant à l’aigu.
— Tu l’as garée où ?
— Garé quoi ?
— Fais pas comme si de rien était.
— Mais quoi !?
— Tu me prends pour une conne, hein. La voiture. Vous en avez fait quoi avec Hector ?
— Quoi la voiture ? J’y ai pas touché, plaida Bastien.
— Je te jure, ça va mal se passer si tu m’avoues pas où elle est ! Je dois aller travailler ! Dire que tu fous rien de ton temps et que je te nourris…
— C’est pas moi !
— Elle est où alors ?
— Mais je sais pas ! T’es sûre que tu l’avais garé là ?
— Merde ![[ De manière générale : discours trop long, trop plein de non-information. A abréger, en passant une partie en narration.]]
Elle claqua la porte. Depuis dix ans, ils jouaient le même dialogue, elle indignée, lui révolté. Il en avait entendu des insinuations absurdes — fenêtre laissée ouverte d’où seraient venus des pigeons, remise de bouteille vide dans le frigo, cendres sur le canapé, vol de maquillage même, une fois —, mais la voiture, c’était inédit. Il accusa le coup. Il n’avait pas bougé de sa chambre depuis trois jours, c’était parti pour durer. Il replongea dans les écrans, casque sur les oreilles pour s’isoler. Un FPS, Call Of, parfait, ça le défoulerait. Pendant le chargement, il envoya un message à Hector : « Bien ou bien ? »
Ils s’étaient connus au lycée, dans une voie de garage ; s’étaient parlé parce que personne ne leur parlait. Hector racontait des choses incompréhensibles, crack de wifi, dark net, il collait au cliché du geek asiatique, à part que c’était une brêle à l’école ! Les mangas les rassemblaient, ils discutaient de Naruto, One piece, à demi mots de hentaï.
Ils s’étaient rapprochés par les jeux vidéos, Hector lui avait donné des versions crackées. Ils avaient erré dans l’ennui. Une fois, Hector était arrivé triomphant : il avait récupéré des codes de carte bleue pour profiter des Vélib[[ après, tu parles de l’expérience voiture. Le vélib tue l’info et ne sert à rien.]] et des voitures électriques. Passé l’ivresse de la transgression, la vérité s’était révélée : c’était des sièges quelconques. [[ « c’était », c’est moche. Les sièges étaient quelconques, à la limite]]
Après que Bastien ait échoué au bac, il s’était replié dans la geekerie, trop honteux pour répondre aux SMS d’Hector. Si sa mère l’avait tanné pour se trouver un avenir, au bout de quelques mois, un statu quo s’était imposé : l’ignorance mutuelle. Avec Hector, ils s’étaient revus deux ans plus tard, pendant le COVID. Il avait retrouvé Bastien avec un cadeau, des LED fluo à coller sur son écran, qu’Hector avoua finalement avoir volées. Depuis, ils allaient régulièrement squatter la voiture de sa mère pour regarder One piece ensemble. Il fallait subir ses lubies, mais un contact, ça occupait.
En l’occurrence, c’était pratiquement les seules fois où vibrait son portable. Bastien reçut une capture d’écran. Un article titrait « Pour éviter la mort des femmes, faut-il tuer les hommes ? » Dessous, le commentaire d’Hector : « Encore un texte par une petite blanche chez ses parents se croyant subversive. » Il recommençait, à troller sur le féminisme et le privilège des hommes. Bastien afficha un sourire mauvais, il était assez d’accord : quel privilège[[ oui, quel privilège ? ni la capture d’écran ni le texto ne mentionnent ce mot.]] ? Il avait l’air privilégié, à se faire gueuler dessus au milieu de ses canettes ? Il envoya un smiley pour toute réponse. Le serveur se connecta, les gars en ligne, parfait.
— Je veux du sang ! clama-t-il en guise de salutation.
— T’inquiètes mec, le tien va couler, attaqua son casque.
— On en reparle à la fin, quand tu seras dernier.
D’habitude, les foudres d’un sniper suffisaient à le ravir, mais la fureur de ne plus penser l’amena à préférer le fusil d’assaut. À peine sur la map, on lui colla une balle dans la tête.
— Mais couvrez-moi ! hurla-t-il au micro.
Sur son téléphone, Hector bombardait en direct son escarmouche. « Quand on voit ce genre de messages, on se dit que la cause des femmes a du chemin à faire. » Inutile, s’agaça Bastien en jetant son portable. À l’écran, à peine repop, déjà remort.
— Putain, les gars, vous avez votre clavier dans le cul ? s’irrita-t-il en lançant le sien contre une canette.
— Mec, c’est toi qui fais de la merde, tança son casque.
D’autres vibrations, une autre mort, ras-le-bol, Alt F4. Sur son portable, Hector spammait la suite. « Encore un puceau en colère. Alors ça fait quoi d’avoir une petite bite ? », « C’est avec ce genre de commentaires qu’on se dit que le droit à l’avortement est nécessaire, ta mère aurait dû en faire usage. » Tous étaient rentrés dans sa provoc, que les gens étaient cons… Fin de la partie, le tableau des scores l’affichait bon dernier. Sa cage thoracique l’oppressa, il manquait d’air, où qu’il se tourne, le monde était verrouillé. Le regard perdu, les images dérivaient sur l’écran quand une illumination l’assaillit, il se précipita au salon. Sa mère orbitait autour de la table, au bord des larmes, verre vide en main.
— Maman ?
— Quoi ? s’agaça-t-elle.
— Appelle le travail, dis-leur que t’as un problème, on va la chercher. Ça se trouve, on l’a volé…
Ils errèrent dans le blafard du parking, sans rien repérer, le pâté de maisons, sans plus de succès. Il remontèrent. Sa mère engloutit un autre verre.
— Mais pourquoi on l’aurait volé ? Y en a de bien mieux…
— Je sais pas maman… Mais on devrait aller au commissariat.
Devant le bâtiment, Bastien s’étonna de la queue, une dizaine de personnes entassées sur le trottoir. Est-ce que tous patientaient pour une plainte ? Par delà les grilles, Bastien aperçut un policier. Il redoutait le costume, dès qu’il le voyait, il se sentait coupable, même en toute innocence, surtout en toute innocence. Son embarras lui coupait le souffle. Sa mère se dirigea vers le portail. Au moment de le franchir, un flic s’interposa.
— Bonjour, vous avez pris rendez-vous en ligne ? demanda-t-il d’une voix atone.
— Comment ça ? Je viens déposer plainte, argua sa mère, perdue devant l’autorité.
— Justement madame, c’est la procédure. S’il y a trop d’attente, on propose un service en visio. De toute façon, même en vrai, il faut prendre rendez-vous en ligne. Vous pourrez déposer un formulaire avant l’entretien. En ligne.
Sa mère le regarda avec des yeux absents. Bastien prit le relais.
— On s’est fait voler notre voiture.
— Oui monsieur. C’est bien pour ça que je vous dis de prendre rendez-vous en ligne. Si vous êtes blessé, allez aux urgences. Vous voyez bien qu’il y a déjà 25 personnes là, on ne pourra pas traiter votre requête dans l’immédiat.
La lassitude du policier contamina Bastien. Il avait l’impression d’un PNJ mal codé qui répéterait ses dialogues en boucle. Dans un jeu, on peut attendre une mise à jour, mais ici ? Son embarras augmentait, au point que sa poitrine se serre.
— Mais c’est un monde quand même, s’agaça sa mère.
— Madame, je vais vous demander de baisser d’un ton.
— Ah, c’est moi la méchante maintenant ?
Bastien sentait ses cotes se transformer en cage. Il n’aurait pas su dire s’il redoutait plus la colère du policier ou de sa mère. Autour, chacun regardait son smartphone, comme si s’arrêter sur la scène devait déjà les conduire en prison.
— Viens, on y va, murmura-t-il en lui prenant l’épaule.
— Je vous remercie, souffla le fonctionnaire. Est-ce que vous voulez une brochure pour la procédure à suivre ? Il suffit de scanner le QR code, tout sera expliqué.
Les deux tournèrent les talons sans une réponse.
De retour, Bastien tapa sur Google « dépôt plainte en ligne ». Après des pubs d’avocats, le lien apparut. Il cliqua. Sa mère se servait un verre. Il dut photographier sa carte d’identité et remplir le dossier pour qu’un appel se lance.
— Maman, reviens, ils nous mettent en contact.
Elle posa son verre, s’assit à ses côtés. Une image. Un policier en costume, képi dressé, plutôt souriant. Derrière, la Déclaration des droits de l’homme s’affichait au mur.
— Bonjour, avant toute chose, sachez que ce visio est enregistré, commença le fonctionnaire. Par ailleurs, un logiciel transcrit ce que nous disons. Vous pourrez tout relire à la fin. Alors, je vois que vous avez subi un vol. Quel type ? Vélo ? Trottinette ?
L’image, avec sa voix chaleureuse, paraissait moins à Bastien un PNJ que le flic de tout à l’heure.
— C’était une voiture…, corrigea Bastien.
— Ah, mais vous avez coché véhicule non motorisé, affirma le policier en consultant son terminal.
Il croisa le regard furieux de sa mère, lui trouva un air de Kratos obèse.
— Je suis spécialisé dans le vol de vélo et de trottinette, reprit l’écran. Normalement, je devrais clôturer le dossier et vous devriez recommencer la procédure en ligne.
— C’est pas possible, grommela la mère.
— Mais patientez, j’en parle à mon collègue à côté. Je vous mets en attente.
L’écran redevint noir. Il se ralluma après quelques minutes, mais occupé par un gars en sweat, casque sur les oreilles. Dans le fond, on apercevait une batterie d’hommes et de femmes voutés sur leurs bureaux.
— Bonjour, avant toute chose, ce visio est enregistré. Un logiciel transcrit nos propos, vous pourrez tout relire à la fin. Mon collègue me transmet qu’on vous a volé votre voiture.
— Vous êtes au même endroit ? s’étonna la mère.
— Oui madame, regarda-t-il son retour caméra, oh merde, je vous demande deux minutes. Putain, tu sais bien que ça bug quand on transfère les visios, entendirent-ils avant que l’écran ne se coupe.
Trente secondes après, il réapparut en costume, Déclaration des droits de l’homme en fond.
— Je suis désolé, on a remplacé les uniformes par des filtres, ça coûte moins cher. Mais des fois ça pose problème. Alors je vous écoute.
Le reste se déroula sans encombre. Le policier conseilla de contacter l’assurance avec plainte, facture, dernier contrôle technique, etc. De leur côté ils investigueraient.
— Est-ce que vous êtes satisfaits de votre appel, monsieur-dame ?
— Autant qu’on puisse d’un vol, s’agaça sa mère.
— Désolé madame, ça fait partie de la charte qualité, on est obligés de le dire. Bonne journée.
L’écran s’éteignit, sa mère récupéra son verre, le descendit d’un trait. Elle s’en servit un deuxième, de nouveau en orbite autour de la table.
— Je les connais les assurances, fulminait-elle, c’est des arnaqueurs. La voiture vaut rien à l’argus, on va pas pouvoir s’en payer une autre. Toi qui gâches ta vie devant ton pc, tu pourrais pas faire une fausse facture ?
Au troisième tour de sa mère, une idée apparut : demander à Hector. Sitôt dit sitôt fait, Bastien envoya un SMS, reçut une réponse dans la foulée. « T’as l’original ? » « Sûrement. Je te prends une photo. » Il n’eut pas le temps de solliciter sa mère qu’Hector le recadra. « Nan, mec, l’original numérique. » C’était une vieille voiture, ça n’avait aucun sens. « Y en a pas. » « Je regarde ce que je peux faire. Quand est-ce qu’on se capte ? »
Quelques jours et quelques invectives maternelles plus tard, ils adressèrent les documents à l’assurance. Elle semblait nerveuse depuis l’incident. À chaque passage dans la cuisine, elle lui sautait dessus. « T’as bien fermé la porte ? » S’il avait d’abord cru qu’elle parlait du frigo, il avait fini par comprendre qu’elle pensait à l’entrée, à force de la voir se lever pour vérifier le verrou. Elle le sermonnait sur les dangers du monde depuis toujours, mais là, ses angoisses empiraient. Parfois, il l’entendait maugréer. « Mais pourquoi ma voiture ? » Le soir, elle déroulait des catalogues de gens qui voudraient lui nuire. Plus la nuit avançait, plus la liste devenait étonnante. À minuit moins le quart de la bouteille, elle faisait le tour des collègues de travail. À 3 h du matin et autant de coca dilué, le facteur et Cindy qui l’avait harcelé en CM2 étaient les principaux suspects. Il avait plus appris sur sa vie par ces ruminations que de leurs discussions.
Un soir, aux toilettes, il l’entendit heurter le mur du couloir à plusieurs reprises. Les secousses avançaient dans sa direction. Il s’imagina une pierre ricochant, ou un étron rebondissant dans les canalisations. La porte trembla quand son corps s’arrêta dessus. Habituellement, elle ne lui adressait jamais la parole dans ces états-là. Encore moins en l’assiégeant dans les WC.
— On devrait acheter un chien, comprit-il à travers la porte. Enfin si t’es moins con que ton père pour t’en occuper. Il nous protégerait.
— Mais oui Maman. Je vais me recoucher là.
Qu’est-ce qui lui prenait de parler de chien ? Il eut du mal à s’endormir, perturbé par cette idée jaillie de nulle part. Ils avaient perdu le leur quand Bastien était enfant. Après le divorce, sa mère n’avait pas voulu le garder. L’animal avait échoué chez son père au prétexte d’un jardin. Du moins jusqu’à ce qu’il meure.
À leur séparation, sa mère était devenue étouffante. Elle empêchait Bastien de sortir, répétant sans cesse les dangers du monde, sa peur qu’il lui arrive quelque chose. Parfois elle l’autorisait quand même, pour acheter ses bouteilles de whisky. Il gardait la monnaie. Le premier mois, son père venait à l’école le chercher. Mais quand il lui avait demandé de se rendre en bus jusque chez lui, puis avait ajouté sur le ton de la menace « T’es assez grand. Tu le dis pas à ta mère. Sinon on se verra plus », il avait obéi. Jamais elle n’aurait autorisé les voyages en transport en commun. Pendant les trajets, les histoires d’horreur maternelles persistaient en tête. Souvent il s’imaginait qu’on allait le kidnapper, alors il mémorisait les immatriculations des voitures, pour les donner aux policiers qui viendraient le sauver. Il culpabilisait de son manque de courage, de ne pas correspondre au souhait paternel. Le reste du temps, il terminait ses devoirs, son père s’énervant facilement quand il étudiait avec lui.
Un jour, il l’aperçut à la sortie de l’école. Sacrée surprise ! Il fonça vers lui quand un professeur s’interposa.
— Tu connais ce monsieur, Bastien ?
— Je suis son père, affirma-t-il sèchement.
Bastien hocha la tête.
— Excusez-moi, reprit le prof, comme je vous ai jamais vu, je préfère demander…
— Allez, la voiture est pas loin, attrapa-t-il la main de Bastien.
Sur le périph, le trafic s’embourbait, provoquant d’abord de longues expirations paternelles, puis des insultes déchirant le silence. Bastien était partagé entre la difficulté de se concentrer sur ses devoirs et la joie de son père à ses côtés.
— Et voilà, des bouchons, rageait le paternel. C’est pour ça que je déteste venir te chercher. Mais bon, aujourd’hui, c’est spécial. Je dois t’annoncer quelque chose.
Bastien leva les yeux de ses cahiers, sans pouvoir imaginer ce dont il s’agissait.
— C’est Toby, il est mort ce matin, il a filé par le grillage et s’est fait écraser. Un voisin l’a ramené, on va l’enterrer dans le jardin en arrivant.
Trop d’informations. Des années plus tard, la scène conservait la même confusion, vue qui se brouille, respiration qui se coupe, main sur la portière pour s’enfuir. Le seul souvenir net, c’était son père promettant de réparer la clôture les semaines d’avant.
— Faut que tu sois un homme, hurlait le paternel, c’est toi qui vas l’enterrer.
La suite était discontinue, un brouillard de larmes, des cris pour rentrer chez sa mère au point que, de rage, son père cède, fasse demi-tour, les parents se disputant à travers les murs de sa chambre, à travers ses sanglots.
De ce jour, il ne l’avait plus revu. Il ne repensait jamais à ces instants. L’irruption du chien charriait sa lave de souvenirs. Faute de dormir, il lança des vidéos d’adoption. Il reconnut un parc à côté de chez lui. Il sombra dans le sommeil, saturé d’images.
Le lendemain, Hector insista pour le voir. En temps normal Bastien n’aimait pas aller dehors. Les clochards, les terrasses, les couples, les gens seuls, beaucoup de choses le mettaient mal à l’aise, comme si tout le monde avait légitimité à y être excepté lui. Hector forçait parfois pour qu’ils se retrouvent en vrai, ils allaient mater des animés dans la voiture de sa mère, se rejoignant devant chez lui pour s’enfoncer dans le parking. Il avait eu beau lui répéter qu’elle avait été volée, Hector avait insisté. En l’attendant, il tripotait l’écran de son téléphone, pour se donner une contenance, ne pas croiser de regards.
Hector le salua, spliff aux lèvres. Il avait une manière bien à lui de fumer. Il tirait deux lattes puis se coinçait le joint dans la paume pour le rallumer plus tard. Bastien relança le problème de voiture, repensa au parc canin de la vidéo, proposa d’y aller.
— Mais t’es chelou. Pourquoi ? demanda Hector.
— Je sais pas, j’ai envie. De toute façon, on n’a pas d’endroit où se poser, ma mère est là.
Hector haussa les épaules. Sur le chemin, ils parlèrent du vol, de la facture, d’où elle avait fini, heureux qu’un évènement troue leur ennui. La plupart de leurs scénarios ressemblaient aux quêtes de GTA. Une fois le sujet épuisé, ils repassèrent aux mangas puis avancèrent en silence.
— Whoa, c’est éclaté, s’arrêta Hector au bord du trottoir. « orange contribue à réduire l’impact environnemental de ses lives box. », on voit ça.
Devant l’air perdu de Bastien, il lui montra un carton dans le caniveau, c’était écrit dessus. Bastien finit par comprendre l’ironie qu’un détritus au sol fasse de la pub pour l’écologie. Il sourit. Hector retira une latte. Il notait toujours des trucs improbables.
Le parc se révélait une dalle de bitume où s’entassaient les animaux. Certains jouaient, d’autres restaient près de leurs maitres qui parlaient mollement. Ils s’assirent sur le premier banc venu. Un chien se planta devant eux, renifla leurs jambes.
— Salut toi, s’enthousiasma Bastien à coup de caresses.
— Je pourrais pas, un clebs, asséna Hector, c’est trop de taf en ville. Mais dans mon champ ça serait la classe. Ça apporterait de l’engrais et ça protégerait des voleurs.
Bastien l’avait tellement entendu rabâcher son projet de repartir avec sa mère au Vietnam, de leur future grande maison, de l’autonomie de la permaculture financée par des vidéos YouTube qu’il était lassé par avance. Hector radotait sur les fientes de poulet comme compost quand il s’arrêta, pris d’une révélation fumeuse.
— En fait c’est les plantes qui nous farment en nous fournissant de l’oxygène.
Le chien tourna en rond devant eux, s’accroupit et, tout en les regardant, lâcha une belle merde.
— C’est dégueulasse, déglutit Hector.
— Encore ? Mais t’es une usine aujourd’hui, s’approcha le propriétaire, sac aux aguets.
Le chien revint dans leurs jambes, Hector l’écarta, passablement dégouté, pendant que Bastien le caressa, trouva le geste apaisant.
— De la nourriture et des câlins, vous allez devenir son meilleur ami, s’amusa le maitre.
En rentrant, il rechercha les caractères selon les races, leurs besoins de balades. Un éducateur les recensait toutes. Son franc-parler plut à Bastien. Tony, il s’appelait. Il regarda sa série sur le sujet. Le croisement entre un Husky et un spitz le laissa perplexe sur leurs capacités à se reproduire ensemble… On aurait dit des fans de dragon ball Z s’amusant à fusionner des personnages improbables. En s’endormant, il s’imagina dans la rue, un chien comme celui de son enfance à ses côtés.
Quelques jours après, le songe le poursuivait. À travers les rafales d’AK de son casque, une porte claqua. Sa mère rentrait du travail, encore sobre donc, le moment parfait pour lui montrer qu’il avait mûri l’idée.
— J’ai parcouru un peu les races, lança-t-il. Y en a que tu préférerais toi ?
— De quoi tu me parles, s’agaça-t-elle.
— Bah du chien.
— Tu veux adopter un chien ? D’où ça sort ça ? Tu crois qu’on a l’espace ? Et qui va s’en occuper ? Tu penses que j’ai du temps pour ça ? Je me suis déjà assez soucié de toi, je m’en chargerais pas, je te préviens.
L’assaut d’agressivité assomma Bastien. Pire encore : elle ne se souvenait de rien. Il battit en retraite. Seul, il s’imagina hurler dessus, ne pas s’en occuper serait la meilleure chose qu’il puisse arriver à ce chien.
L’amertume l’immergea de nouveau dans un monde sans horizon. Il ne pourrait pas compter sur elle, mais quelle autre option ? Sauver un animal d’un refuge lui plaisait. Surtout, ça coûterait moins cher. En caleçon, sur son lit, il visita le site de la SPA. En plus des chiens et des chats, on proposait des lapins, des cochons d’Inde, des chevaux, même des porcs. L’image de sa mère dans son canapé se superposa à celle du cochon. Dans la région parisienne, c’était principalement des staffies, quelques chiens de vieux, rien de tentant. Beaucoup de gros chiens. Jamais elle n’en accepterait de cette taille. Sur les photos, ils arboraient tous un sourire. Les annonces laissaient plus perplexe. « plein d’énergie, recherche une famille sportive, un petit caractère. » « Sait ce qu’il veut et ne veut pas, il faudra des maitres patients. » Mais tous « rendraient l’amour donné. » À force d’images, il fondit devant certaines frimousses. Le formulaire d’adoption s’étala d’un bloc sur son écran. Après tout, ça ne coûtait rien de regarder.
Combien gagnez-vous ?
Est ce que vous n’avez pas et ne comptez pas avoir d’enfants sur les 15 prochaines années ?
Est-ce que vous n’avez pas de chat ?
Est-ce que vous avez eu un chien avant ? Actuellement ?
Est-ce que vous avez un jardin d’au moins 150 m2 ?
Pourrez-vous vous occuper de lui au moins 10 h par jour ?
Pouvez-vous venir le voir pendant 6 mois avant adoption pour qu’il vous connaisse ?
Avez-vous une formation d’éducation canine ?
Avez-vous fait des études vétérinaires en cas d’incident ? Où avez-vous un ami vétérinaire ?
Pourrez-vous lui cuisiner des repas tous les jours ?
Est-ce que vous avez assez de fenêtres ?
Veuillez joindre vos feuilles d’impôts de ces 5 dernières années.
Une fois adopté, les bénévoles pourront venir vérifier que le chien soit bien traité pendant deux années, concluait le document.
Il était sonné comme après un marathon gaming. Jamais il ne remplirait tous ces critères. Il hésita à fermer la page, mais quelques vidéos le poussèrent à continuer. Il mentit sur les mètres carrés, mit en avant sa disponibilité, le chien de son enfance. En appuyant sur « valider », il soupira en s’imaginant sa mère lui gueuler dessus. Au pire, il pourrait toujours refuser quand l’association le contacterait. Quelques minutes après, la lumière de son portable scintilla. Son cœur s’accéléra. On avait bien reçu sa demande, on allait la regarder attentivement. Un mail automatique. Les battements ralentirent, l’excitation laissa place à la déception.
En attendant la SPA, Bastien jouait, surveillant du coin de l’œil son téléphone. Faute de réponse, le temps s’étirait. Au bout d’une heure, il craqua, tapa sur Google « Adopter chien ». Le moteur de recherche renvoya des sites d’associations. On en importait de partout, Europe de l’Est, DOM-TOM. C’était des bâtards, parfois beaux, souvent fins. La tonalité des annonces différait : les refuges débordés, l’hiver glacial, les humains brutaux alors que les chiens ne demandaient que des câlins et un panier. Sur certaines photos, on apercevait des barreaux de cages. Il se serait cru dans le nord de game of throne. Sur d’autres, ils arboraient le même sourire qu’à la SPA. Apparaissait parfois dans le cadre une main tendant à manger, ce qui participait sûrement au sourire. Les questionnaires étaient tout aussi denses. Un point attira son regard : on pouvait devenir famille d’accueil, à savoir héberger les animaux rapatriés en attendant un futur propriétaire. Il médita l’idée, peut-être qu’une association lui en laisserait un s’il s’en occupait bien. Surtout, il pourrait peut-être appâter sa mère comme ça. Il cocha l’option. Il entendit du bruit dans le salon. Elle partait pour le travail, sûrement sobre, une fenêtre de tir. Il se leva en catastrophe.
— Attends, fallait que je te demande un truc, lança-t-il.
— Mais pourquoi c’est toujours quand je m’en vais que tu viens me parler ? Ça peut pas patienter ?
Il garda pour lui les raisons mystérieuses qui le poussaient à agir de la sorte.
— J’ai lu qu’on pouvait accueillir des chiens pour quelques mois, comme ça tu verrais que je peux m’en occuper.
— Mais c’est une bonne idée, tu te rendras compte que c’est beaucoup de boulot et que t’en veux pas.
Elle claqua la porte. Après tout, ce n’est pas un non… se consola-t-il en lançant une partie.
Les jours passaient, se ressemblaient, lumière sur le téléphone, deux pubs, un refus d’asso. Chaque minute le ramenait à la nullité de sa candidature. Son impuissance le démangeait. Il devait bien y avoir quelque chose à faire pour améliorer son dossier. Dans les prérequis, revenait souvent l’éducation canine. Il rechercha les termes sur YouTube. Au moins, il pourrait donner le change, s’il rencontrait une association. Il retomba sur Tony. Il oscillait entre le mépris face au bon sens, un chien avait des émotions, et l’admiration de ses connaissances. Qu’un pipi serve de communication le dégoutait un peu. Qu’il bâille pour signifier qu’il doive se détendre l’étonnait. Qu’il faille interdire une pièce pour apprendre la frustration le laissait perplexe. Dans ses souvenirs, ce n’était pas aussi compliqué d’éduquer un chien.
Les jours suivants, il conjura son attente à coup de vlog d’adoption. Une fois, son téléphone clignota, fausse joie, l’algorithme le prévenait d’une nouvelle vidéo de Tony. « Si vous ne voulez pas d’aboiements, c’est simple, ne prenez pas de chien. » Cette fois, l’émission se déroulait avec un autre type, dans une telle bonne humeur qu’il passa la journée avec eux. Bastien admira sa franchise, envia son aisance. Au bout de dix injonctions sur l’e-book gratuit si on s’inscrivait à leur newsletter, il s’exécuta. Le PDF compilait beaucoup de conseils, puis un lien vers « La méthode », sa formation payante qui promettait de ne plus jamais se sentir en défaut avec son chien.
Il s’impatientait, aucune réponse n’arrivait. Il tournait comme un oiseau de proie autour de son téléphone qui ne s’allumait jamais. Il saturait de vidéos. Il était prêt, connaissait les techniques d’apaisement, l’éducation positive, la gestion de l’excitation. Sa mère absente, il proposa à Hector de mater des One Piece. Il se pointa dans les dix minutes, toujours auréolé de son odeur de weed.
— J’ai fait des demandes d’adoption, affirma Bastien, triomphant.
— Ah ouais, tu vas vite mec. Attends, ça va t’intéresser.
Il fouilla son téléphone, lui tendit une annonce d’objets pour chien. La honte attrapa Bastien à la gorge. Il était tellement obnubilé par l’adoption et l’éducation qu’il n’avait pas songé au matériel. La voix de sa mère s’imposa à lui : « Comment tu pourrais t’occuper d’un chien si tu penses même pas à ça ? » C’était évident pourtant, il connaissait l’adage « Si t’es pas stuffé, t’es pas groupé. » Il changea de sujet pour fuir la discussion.
— Viens, on mate un one piece, coupa-t-il en rendant le portable.
Au bout deux épisodes, redescendu de la honte, il redemanda le téléphone. Sous l’annonce, des dizaines de personnes avaient assailli les commentaires. « Intéressé », « Je peux venir rapidement. », moins de cinq minutes après publication. La concurrence était rude.
— Mets les alertes, par contre, conseilla Hector. C’est des charo’ les gens.
Le lendemain, il fouilla le site d’Hector. On donnait beaucoup de vaisselle, parfois un four ou des placards. En regardant les archives, il comprit qu’on offrait rarement du matériel pour chien. Il s’arma, configura les alertes. Son téléphone clignota toute la nuit à cause des notifications, le réveillant une fois sur deux. Il aurait pu meubler un appartement sans difficulté, mais, pour son objectif, c’était juste des fausses joies. Quant au bout de la 25e, les mots « matériel pour chien » apparurent, il se précipita, « intéressé ! », puis réalisa qu’il était le premier. On le contacta peu après en lui donnant une adresse. « Je peux venir d’ici deux heures. » Enfin il avait réussi à aggro ! Ce n’était pas un chien, mais déjà une vague de bonheur le traversait, comme s’il récupérait une prise sur sa vie.
L’euphorie redescendit devant une nouvelle difficulté : il avait peur, quand il sortirait, que sa mère demande pourquoi, vigile surveillant la porte de ses rêves. Il passait son temps dans sa chambre, sortir serait forcément suspect. Que répondre ? De toute façon, il n’avait aucune raison d’aller dehors. En se faufilant à côté du salon senteur clope, il la vit parler à la télé. Elle était bien attaquée. Il ouvrit la porte avec sa meilleure imitation de nonchalance, c’est-à-dire en sifflant. Aucune question, et à vrai dire pas même un regard, ne vint de sa mère. Il soupira de soulagement, mêlé à un soupçon de déception.
Sur le pas, il se rendit compte que les difficultés débutaient seulement : le fourmillement des rues le terrorisait. Il présumait à chacun une existence saturée des jouissances qu’il lui manquait. Ceux dans le tram allaient travailler le matin, voir des amis le soir. Le pire était un homme et une femme côte à côte, ça lui en coupait le souffle d’angoisse, ces couples forcément heureux. Il marcha, l’œil rivé sur son portable. À des gens qui lui demanderaient de justifier sa présence dans la rue, il s’imagina montrer l’annonce. Une peur chassant l’autre, sur le chemin, il s’effraya de différents scénarios sur sa généreuse donatrice. Alors qu’il frappait à la porte, elle dirait qu’elle venait de les offrir à un autre. Ou exigerait de prouver qu’il avait un chien. Faute de pouvoir, elle refuserait. Est-ce qu’il devait télécharger des photos pour attester qu’il en avait un ? Ou peut-être qu’elle allait lui demander de l’argent ? C’était bizarre, après tout, de donner des choses sans contrepartie. Est-ce qu’il devait amener du liquide ? Ou proposer qu’elle l’appelle en cas de problème informatique ? Peut-être que c’était un guet-apens, trois racailles allaient le dépouiller ? Ou l’endormir et voler ses organes ? Son GPS indiqua une maison. Il sonna, stressé comme s’il lançait une finale des world tour. La porte s’ouvrit tandis qu’un peu de sueur perlait sous ses aisselles.
— Bastien ? Tenez, voilà les affaires, tendit-elle un sac.
— Je vous remercie. Si jamais vous…
— Je suis désolée, je suis pressée, je vous souhaite une bonne journée. Merci encore d’être venu.
La porte se referma avant que le moindre son ne sortît de la bouche de Bastien. La joie d’avoir décroché un trophée Stuff de niveau 1 se décolorait de l’absurdité des scénarios imaginés. Il rentra, sans angoisse, son sac comme bouclier.
Trop concentré sur une partie, il loupa deux annonces. En trois minutes, cinq personnes l’avaient devancé. Il réagit à temps pour la troisième et revint avec un deuxième butin. Certains objets le laissaient perplexe, lui évoquant plus des scènes pornos qu’un chien. Il se trouvait absurde avec ses sacs pour chien, sans chien. Il reçut un mail d’une association. On avait examiné sa candidature mais était au regret… Il retourna sur les sites d’adoption, la moitié des publications auxquelles il avait postulé avaient disparu. Pourtant, il n’avait reçu aucune réponse. Il se sentit trahi, victime d’une sentence silencieuse sur son incapacité à adopter. Il réfléchit à une autre solution : les annonces de particuliers. Sur leboncoin, elles s’étendaient au-delà de son écran, assez récentes, avec toutes les races. On trouvait même des donations, portées involontaires dont les gens voulaient se débarrasser. L’espoir revenait. Il envoya un mail à plusieurs.
Lumière. « Re : Adoption chien. » Une réponse ! Une heure après ! Cette rapidité l’agaça, pourquoi est-ce qu’il n’y avait pas pensé avant ? Il se sentait comme un troll dans un monde d’elfes. « Voici des photos des chiens que nous avons. Tokyo, Teuf-teuf et Titi. Trois bergers américains avec leurs yeux vairons. ». Il les fit défiler, Tokyo semblait calme. Ses doigts volèrent sur son clavier. « J’aime beaucoup Tokyo, est-ce que je pourrais passer le voir ? » Il trépignait, il devait se distraire. « Tu viens, ma mère est pas là, on se mate quelques épisodes ? », demanda-t-il à Hector. Ce dernier arriva en moins de 20 minutes.
— J’ai trouvé une annonce, exulta Bastien avant même un bonjour, je suis en contact avec eux.
— Trop bien, marmonna Hector les yeux rouges.
Ils se posèrent devant un épisode. Lumière, un mail, c’était eux. Sa respiration s’accéléra. « Nous sommes actuellement dans le sud de la France, en plein déménagement pour nous installer là-bas. Mais nous pouvons toutefois vous envoyer le chien. Nous sommes en lien avec un transporteur, vous aurez juste à payer le mandat, d’un montant de 300 euros. » Le chien arriverait vite, songea Bastien. Ça se trouve, d’ici une semaine, un compagnon à poil serait à ses côtés. Ce miracle lui donna le vertige. Il calcula rapidement les fonds à sa disposition, ce n’était pas brillant. Il jeta un œil sur Hector, affalé sur le canapé, après tout, il pouvait lui demander de l’avancer.
— Ils ont besoin des sous, tâtonna Bastien, pour le transport. Je vois pas encore comment je vais choper ça. Tu sais ce que c’est, un mandat ?
— Attends, ça pue. T’es sûr que c’est pas des brouteurs ?
L’agacement accabla Bastien. Il ne l’écoutait tellement pas qu’il lui parlait de moutons imaginaires… Il le dévisagea en silence.
— Mec, tu connais pas les brouteurs, s’indigna Hector. C’est des fils de putes, ils vivent en Afrique et font des fausses annonces. Ils t’ont demandé combien ?
Bastien connecta les informations, Hector ne parlait pas de sa ferme imaginaire, en fait. Arriva ensuite la colère, qu’un type à l’autre bout de la planète veuille l’escroquer l’accabla. Comme si, désormais, on devait se méfier du monde entier. L’autre le menaçait déjà dans la rue, maintenant aussi derrière son écran ?
— Chui deg, conclut Bastien en s’affalant sur le canapé.
— Y a tellement moyen de gagner des sous sans arnaque, regarde, moi avec les cryptos…
Quand ce n’était pas la permaculture, Hector l’abreuvait d’histoires de cryptomonnaie, ses cours du jour, comment certains étaient devenus millionnaires en quelques années. Les anecdotes revenaient d’une fois l’autre, ce qui donnait un air de prière. À force, Bastien n’écoutait plus qu’à moitié.
— Mais d’où tu connais ça toi ? l’interrompit-il.
— J’en ai croisé sur Tinder. J’en ai même piégé un une fois. Je lui ai fait croire que son ordinateur était hanté, il a fini par s’en débarrasser. Du coup, je les repère.
— T’es sur Tinder, je savais pas, s’étonna Bastien.
— Bah si, je discute avec une petite nana qu’a vla de l’humour, une geekette, elle adore one punch man. Je devrais la gérer, on va se rencontrer. Deux semaines, qu’on parle. Tiens, regarde les photos.
— Elle est super fraîche, siffla Bastien. J’aurais pas le courage, déjà je saurais pas quoi dire.
— J’ai un truc pour toi, dit Hector le doigt levé. Tu devrais essayer le nofap challenge. Faut pas se branler pendant un an. J’ai commencé y a un mois, je vois grave la différence. Le porno, ça te vole ta force intérieure. Moins tu te branles, plus tu gagnes en énergie. T’as vu l’efficacité à t’envoyer la facture ? C’est la preuve. Tinder, c’est pareil, j’aurais jamais fait sinon. Bon, en dehors d’elle, pour l’instant ça marche pas de fou, mais on doit pouvoir craquer l’algo. J’ai lu des trucs comme quoi si tu y allais juste un peu, ils mettraient ton profil en avant pour que tu reviennes. Tu peux acheter un abonnement et l’annuler, comme ça tu les niques pendant quelques jours.
Il n’y a pas que sur les crypto que les plans d’Hector ressemblaient à des prières.
Ils se quittèrent après quelques épisodes. L’amertume donnait à Bastien envie de fuir dans le sommeil. En lançant Call Of, il demanda à YouTube des arnaques de brouteurs. Plein de vidéastes les faisaient tourner en bourrique. Ça allait de pirater leur ordinateur, à un héritage fictif sans les moyens de payer le notaire. À chaque vidéo il avait l’impression de planter un clou dans une poupée vaudou. YouTube l’amena sur une vidéo « Je fais lui croire que son PC est hanté, il s’en débarrasse », qui lui rappela ce qu’Hector avait raconté. Combiné à sa joie mauvaise de sniper des joueurs, il finit par redescendre. Il s’endormit sur l’histoire d’un escroc qui se faisait passer pour un agent de la répression des fraudes. Dans les limbes du sommeil, se mélangèrent des scénarios où sa mère, ses camarades de Call Of ou Hector se révélaient des brouteurs.
Au réveil, lumière, une alerte de la SPA, un nouveau chien. Il se précipita pour la candidature, se rappela les résultats des précédentes, la lassitude l’emporta, il jeta son téléphone sur son lit. En ligne, ça ne servait à rien, y aller en vrai, court-circuiter ceux qui postulaient par le net, c’était ça, la clé. Sans compter qu’à force d’écran, de brouteurs et de disparition d’annonces, il finissait par se demander si ces chiens existaient vraiment. Ça serait l’occasion de vérifier. Ses voyages pour les donations l’avaient détendu des sorties. Il enfila son manteau, ivre de sa décision.
Au refuge, dix personnes attendaient l’ouverture. Un mercredi matin. Ça partait bien. Il se rassura, il y avait plein de chiens, ils ne siégeaient pas tous pour le sien. Il épia la conversation du couple devant lui, entendit le nom de l’animal, une maison, un jardin et du télétravail, ses chances s’amenuisaient… Dans le brouhaha, il crut capter d’autres le prononcer. Il les détesta, ils avaient tout pour eux, des prédateurs ne voulant pas laisser un seul bout de bonheur. Quand un couple se greffa derrière lui et lâcha de nouveau, le nom de l’animal, il eut du mal à réfréner une envie de fuir. Son tour arriva, il compléta le dossier, arrangeant encore une fois ses mètres carrés.
— On va l’étudier, conclut l’employé, sceptique, mais je vous cache pas qu’il y a quelques candidatures béton…
Une vague de dégout le submergea au retour. Il fallait être en couple, chômeur, riche et éducateur canin. Il ne remplissait que le tiers des critères, et pas le meilleur. Les chiens avaient droit à plus d’égards que les SDF, mais on ne pouvait pas en adopter, à priori. La réalité lui refusait même un chien ! Il cuva sa tristesse sur Call Of. Tous les headshots du monde ne valaient pas de jouer à la balle avec un chien…
Au bout d’une semaine, il n’avait reçu que deux réponses. On avait étudié attentivement sa candidature, mais… Cette impression d’un univers d’annonces uniquement pour les autres le rendait fou. Il fallait être lucide : il y aurait toujours de meilleurs dossiers. La seule option, c’était de l’acheter. Au moins on ne viendrait pas le recaler comme s’il postulait à une guilde de haut niveau. Le lendemain, alors qu’Hector traînait encore chez lui, il demanda comment avançaient ses arnaques.
— Je crois que je vais devoir le payer, se lamenta Bastien. J’ai regardé, ça vaut 1500 balles.
— Ah ouais, ils se mettent bien. Peut-être que je pourrais avoir un élevage dans ma ferme…
Bastien retourna à ses ruminations. D’ici quelque mois, il toucherait le RSA. Vingt cinq ans. Qu’est ce qu’il avait fait de ses six dernières années ? Lui même n’aurait su dire. Chaque journée disparaissait dans une transe d’écran. Le covid avait été le meilleur prétexte pour démissionner du monde. Mais trois années s’étaient écoulées, et depuis quoi ? Deux mises à jour de Call Off, trois arcs sur One piece. Jusque là, ses rêves se limitaient à un fauteuil gaming et une nouvelle carte graphique. Mais un chien … S’il économisait quatre mois, il pourrait se l’offrir. L’impatience le rendait fou au bout d’une semaine, quatre mois semblait la fin des temps.
— Faudrait que je trouve du pognon, s’agaça-t-il. Je sais pas, je pourrais postuler à un service civique ? Sinon, promener des chiens. Mais bon, dix euros les deux heures, quoi.
— Vla le taf d’esclave. C’est pété tous ces trucs. C’est pas là que ça se fait l’argent de nos jours. Si tu veux farmer la moula, ça passe par le net. Je sais pas moi, farm des golds pour vendre des jetons sur wow. Ou du détourage, y a des sites, c’est plié en 10 secondes et tu peux être payé 5 euros les 10.
— Super…
— Sinon un site où tu peux offrir tes services. Tu sais réparer des ordis nan ?
L’idée s’envisageait déjà plus. Hector lui montra. Là aussi, la concurrence semblait féroce. Même des ingénieurs proposaient de la maintenance de pc. Jamais les gens ne le choisiraient, ses expériences récentes en attestaient. Ça serait une Leroy Jenkins. Il rendit le portable à Hector.
— Tu pourrais pas me prêter des sous ? Je te les rembourse avec le RSA, dans quelques mois.
— Bah c’est que…. L’argent est pas disponible. Et si je retire de la crypto, le manque à gagner pour le futur est trop important…
Il passait son temps à parler d’ambition d’entrepreneur, de plus-value mais hors de question de lâcher un euro…
— Il me reste plus qu’à revendre des trucs de ton site, lança Bastien dépité. Ça vaut combien un frigo d’occasion ? Et une fourchette ?
Ils regardèrent un épisode en silence puis Hector s’en alla. Aucune réponse d’asso.
Quelques heures plus tard, sa mère rentra. Il fallait profiter de la fenêtre de tir avant qu’elle s’enfonce dans le canapé.
— T’as une idée pour gagner un peu d’argent ? Est-ce qu’ils recherchent du monde à l’hôpital ?
— Ah bah tiens, c’est nouveau ça. Me dis pas que c’est encore ces histoires de chien. Tu crois que j’ai pas vu les sacs dans ta chambre ? En tout cas c’est pas moi qui vais te le payer. Je suis déjà dans la merde avec le vol de la voiture.
Comme ça, elle venait dans sa chambre ? Il se révélait un puits sans fond de naïveté. Il ne tirerait rien d’elle s’il disait la vérité.
— Nan c’est juste mon PC qui va bientôt lâcher… mentit-il.
Les traits de sa mère se détendirent. Elle avait mordu au mensonge.
— Y a rien à l’hôpital, je sais pas, va poser des annonces, souffla-t-elle, d’un geste de dédain. Bon, par contre, pas le boucher ni le boulanger, ils sont désagréables. Oh, et au pressing aussi, une fois ils ont mal lavé une chemise et ont pas voulu me rembourser…
La liste de recommandation où ne pas aller dura encore cinq minutes. Il regagna sa chambre d’un pas léger. Il y aurait moins de concurrence dans le monde réel. Il imprima des annonces. Mais où les mettre ? Il ne connaissait pas trop le quartier. Les rares fois où il sortait, il se rendait au supermarché. Un tour de pâté de maisons, l’amenaà constater, qu’au final, sa mère lui avait déconseillé tous les commerces alentour. En se promenant, il vit un chien se faire tirer par le collier. Elle lui aurait rompu les vertèbres. Sa proprio avançait, au téléphone, sans aucun égard. Qu’elle possède un chien tandis qu’on lui refusait le dévora de l’intérieur. L’animal serait moins malheureux avec lui. Est-ce qu’elle s’en rendrait compte s’il le volait ? Il arriva devant la boulangerie, hésita à entrer, sa mère avait insisté sur leur mesquinerie, sans compter que rentrer dans une boutique pour ne rien acheter semblait absurde. Constatant qu’il avait l’air bizarre à rester sur le seuil, il franchit la porte le cœur battant. La vendeuse, lui montra un panneau où s’entassaient les annonces, cour de piano, garde d’enfant, voyance, le programme était varié. Il se sentit obligé de payer un pain au chocolat pour la remercier. En sortant, il était un peu déçu. Il s’était préparé à affronter le monde et on l’avait reçu normalement. Encore une preuve de l’absence de fiabilité de sa mère…
Au coin de la rue, il repéra la fromagerie. Devant, un groupe, sur le banc, au sol. Ils piochaient dans un grand bol de riz, étonnant ces clochards. Bastien se faufila à travers, entra, quasi sans hésitation, cette fois.
— C’est compliqué d’arriver jusqu’ici.
— Ils me rendent folle, soupira la commerçante. Ils squattent à cause du mac do à côté y a plein de livraison. Mais ils font peur aux clients.
— Mais… C’est des coursiers, c’est ça ?
— Oui… J’ai même appelé le service de réclamation Uber mais ils résident pas en France, je pense, ils disent qu’ils peuvent rien faire. La mairie non plus… Au moins avant, les dealeurs restaient dans leur coin… Pardon, je m’égare. Qu’est-ce que je peux pour vous ?
Elle aussi possédait un tableau d’annonces. Cette fois, il promit seulement d’acheter des fromages. En sortant, il vit les vélos empilés sur le côté, des Vélibs, principalement.
Il s’étonna que le coiffeur ait fermé. Il l’aimait bien, il ne forçait pas la discussion pas pendant la coupe. Un an qu’il n’y avait pas été. À la place, un comptoir où des livreurs passaient sans cesse. Il s’approcha, reconnut l’enseigne, Hector y commandait parfois, mais manifestement, pas de restaurant, juste une cuisine.
Le boucher l’accueillit avec chaleur, il en parlerait à ses clients, des vieux en difficulté avec l’informatique. Au pressing, personne, tout était automatisé. Il posa son annonce avec les autres, à même la vitrine. Il jugea qu’il en avait assez mis, rentra en scrutant compulsivement son portable. Zéro message d’association, un grille-pain et deux fauteuils. Zéro appel de dépannage. Un maitre de chien attira son regard, plongé dans son téléphone, casque sur les oreilles, absorbé dans une série. L’animal fixait le proprio qui fixait son écran. Il s’étonna du nombre de chiens dans les rues. Est-ce qu’il ne les apercevait pas avant ? Ou la réalité avait décidé de le narguer ? Il avait entendu qu’on en avait acheté plein pendant le COVID, mais quand même, les voir l’agaçait.
À peine parvenu chez lui, vibrations dans sa poche, une alerte donation. « Intéressé ! » Ça devenait presque un jeu. Une ivresse le traversa d’être le premier à répondre, mais surtout des autres se battant derrière. C’était le troisième panier, mais, comme ça, son chien en aurait dans chaque pièce… Ils convinrent d’un rendez-vous le lendemain.
Il arriva devant un appartement à l’air vétuste. Un homme ouvrit. Un museau surgit entre ses jambes. Les conseils de Tony résonnaient dans ses oreilles, il se baissa pour ne pas paraitre menaçant. L’animal s’approcha.
— Il est trop mignon, s’enthousiasma Bastien. Il s’appelle comment ?
— Dingo, répondit son interlocuteur. Il appartenait à ma mère, elle est décédée, on débarrasse ses affaires. On l’avait pris comme compagnie. C’est un crève-cœur, on va aller le mettre au refuge cet après-midi.
— Ah, mais moi je l’adopte direct !
La phrase fusa comme on clique sur un jet de besoin quand du loot tombe. Pour un peu, il aurait crié Need ! comme en ligne. Il se faisait du mal, à rêver stérilement.
— Je pensais que vous en aviez un…
— C’est la phase préparatoire ! Mais je l’adopte sans souci ! Je peux vous montrer des photos de mon appartement !
Le type le regarda sans comprendre, prit un air songeur.
— Il semble bien vous aimer. En plus si vous récupérez ses objets avec, il sera pas trop dépaysé. Ça sera toujours mieux que le refuge.
Bastien crut à une blague. Il la trouvait cruelle.
— Il est bien dressé, vous savez, insista l’autre. On voulait pas que maman ait des problèmes, on a même payé des cours d’éducation canine.
Il n’avait pas l’air de rigoler finalement. C’était inespéré. Il pensa à sa furie probable de sa mère, mit dans la balance les refus, les brouteurs, les 1500 euros absents, l’humiliation générale qu’était sa vie. Il réfréna une envie de dire non.
— Ça serait avec joie, arracha Bastien à son indécision.
— Attendez, je vais vous chercher ses papiers. Il faudra une demande en ligne pour le mettre à votre nom.
Une fois seul dans la rue, le chien le suivait, le regardait, reniflait, comme si tout était normal. Bastien accéléra le pas, au cas où le type change d’avis. L’animal battait la queue, selon Tony, un signe de gaieté. C’était assez irréel. Au bout de sa laisse, un chien. Son chien. Il hésita à bloquer ses anciens proprios de peur qu’ils lui reprennent.
Désormais hors de vue, il récupéra ses esprits sur un banc. Dingo examinait on ne sait quelle odeur. Il le caressa, moins par plaisir que pour vérifier la matérialité de l’animal. Il était bien réel, chaud, son poil dur sous la main. Ils étaient courts, marrons comme le parquet du salon, ça ferait un argument pour sa mère, moins de ménage. Une rage de l’enserrer dans les bras s’empara de lui. Il s’effraya de sa force, se contenta de tapoter sa tête. Il avait un chien, un de ces bâtards, fuselé comme si toutes les tentatives de la nature tendaient vers cet aérodynamisme, comme on affine, d’une alpha vers la finale. Dingo le dévisagea, lui sourit. Impossible de résister, il l’attrapa, ivre, pour le coller contre lui. Le chien voulut le lécher, Bastien, dégouté, le reposa au sol. Il se remit en route, vibrant de l’envie d’apostropher les passants, leur dire qu’il avait un chien.
Dans l’immeuble, Dingo s’arrêta devant sa porte comme s’il savait que c’était sa nouvelle maison. Bastien ouvrit. La télé l’accueillit. « Moi, tous les jours, pour prendre de la hauteur sur ce monde de compétition, je prends ZenX. Attention, ZenX est disponible uniquement sur ordonnance. Un drone peut vous livrer dans les 2 h si vous ne pouvez pas sortir de chez vous. ZenX, pour le zénith du zen. » Le chien tirait sur la laisse, reniflait partout.
— Salut m’man.
Aucune réponse. Il fila dans sa chambre, déposa le sac. Il y avait tout le nécessaire, des gamelles, de la nourriture, un panier, des jouets… Il disposa de l’eau et des croquettes. Et maintenant ? L’idée de présenter Dingo à sa mère le terrorisait. Il décida qu’installer le chien était plus important, aménagea le panier sous son bureau, s’imagina qu’il pourrait le cacher là et ne jamais être découvert. Après tout, entre le travail et son imitation du zombie devant l’écran, ça laissait assez de fenêtres pour le sortir sans être vu. Il enleva les canettes et les vêtements sales qui décoraient sa chambre, enferma le chien derrière lui pour éviter toute mauvaise surprise. Il entendit des pleurs à travers la porte. La télé les couvrait, se rassura Bastien. Il prétexta un coca pour observer sa mère, statique à l’ordinaire, aucun soupçon. Au retour, Dingo lui sauta dessus comme s’il était parti deux jours. Des larmes surprirent Bastien, une telle joie de le voir, il n’avait pas l’habitude. Au bout de dix minutes, le chien se faufila sous le lit. Bastien lança Call Of.
— Ça va les mecs ? J’suis trop content, je viens d’avoir un chien.
Le silence répondit. Ils étaient pourtant bien en ligne. Il se sentit seul dans son univers virtuel, se plongea dans sa partie. Au bout d’une demi-heure, il s’inquiéta : la boule de poils ne bougeait pas. Et s’il était mort ? Le premier soir ? Ça serait terrible… Il s’allongea au sol, tout en se demandant comment on se débarrasse d’un corps de chien. La pensée le dégouta, mais elle suivit son chemin et dériva vers la manière dont il devrait s’y prendre pour un humain.
— Dingo !, clama-t-il pour se rassurer.
Le chien reprit vie, lécha son visage puis retourna sous le lit. Tout allait bien.
Une demi-heure après, Bastien entendit du bruit à travers le mur. La chasse d’eau. Dingo dressa les oreilles. Sa mère devait être aux toilettes. Il aboya, il allait se faire repérer ce con. Bastien pressa son museau. La colère l’emporta, il serra un peu trop fort, le chien couina, Bastien regretta aussitôt.
— C’est quoi ça ? beugla sa mère en ouvrant la porte.
Dingo sursauta, grogna de plus belle. Elle semblait furieuse, bouteille de whisky en main. Impossible de dire la vérité, elle l’aurait assassiné. Il fallait gagner du temps, il prouverait qu’il savait s’en occuper.
— Un chien qu’on m’a confié en famille d’accueil, broda-t-il.
— Est-ce qu’on a l’air accueillant ici ? rétorqua sa mère vacillante.
— Mais tu voulais bien, pour tester.
— Tu comprends ce que tu veux hein, souffla-t-elle une main sur le mur. T’es comme ton père, toujours des coups dans le dos.
Elle l’évoquait uniquement quand quelque chose lui déplaisait, un coup bas auquel Bastien ne s’était jamais habitué. Il cligna des yeux pour chasser les larmes.
— De toute façon quand je serai morte tu seras libre, mais sous mon toit, j’ai mon mot à dire.
Elle voulut lui attraper l’épaule, Bastien recula. Confrontée à l’absence de prise, elle vacilla, chuta comme au ralenti. La bouteille de whisky roula sur le parquet. Le chien, jusque là en retrait, approcha d’elle, lécha son visage.
— Il va pas me mordre, bredouilla sa mère.
— Mais non…
Du moins il l’espérait. Il l’aida à se relever. Ses traits paraissaient flasques d’aussi près.
— Une semaine d’essai, grinça-t-elle, mais si ça va pas, il dégage.
Elle repartit en titubant, sans qu’il discerne si elle souffrait ou si c’était l’ivresse. Dans les éclairs de l’écran, elle semblait braver une tempête. Une fois sa mère arrivée à bon port, Bastien se détendit. Il visita l’appartement avec Dingo. Au salon, sa mère grommelait devant la télé. « Pénurie de personnel à l’hôpital : les hôtes d’accueil seront formés aux urgences. Ils pourront recoudre les plaies. On espère les entraîner aux greffes assistées par ordinateur dès 2030. » Dingo garda ses distances avec le canapé. De nouveau dans la chambre, ils jouèrent à la balle, puis le chien retourna sous le sommier, Bastien devant son pc.
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