Chapitre 8 : Dernières péripéties avant les vacances

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Dans le manga Ansatsu kyôshitsu de Matsui Yûsei, les examens étaient assimilés à des combats contre des créatures redoutables que les élèves devaient défaire à l’aide de leurs armes : leurs connaissances acquises en étudiant. Une métaphore que je trouvais approprié. Et visuellement, les planches étaient on ne peut plus intéressante. Tout ça pour dire que pour remporter des batailles, il fallait les préparer. Et la période des révisions était là pour nous le rappeler…

Juin débutait et on nous avait annoncé la date pour les examens, pour le 15 du mois. Et pour ne rien arranger, la chaleur estivale avait décidé, comme ça, de venir tâter la température avant de s’installer. Foutu réchauffement climatique…

Mais la chaleur était, du moins pour l’instant, le cadet de mes soucis. Pour l’heure, je devais me soucier de réussir ces examens. Et malgré ma personnalité studieuse, j’avais des doutes pour atteindre mon objectif. On m’avait prévenu que le niveau du lycée Hoshi était plus élevé par rapport à mon ancien lycée et c’était vrai ! Les professeurs étaient très exigeants car ils voulaient que leurs élèves puissent intégrer les meilleures universités du pays voire de bonnes universités étrangères. Et si ce n’était que ça… D’après Kinoshita, au sein de toutes les classes, une atmosphère de compétition flottait toujours pendant ces périodes où on ne jaugeait pas seulement le fruit de ton travail personnel. Non, non, ce serait trop simple. C’était aussi une occasion de voir qui était le meilleur dans les études. Parce que non seulement le lycée faisait un classement des notes des élèves dans chaque classe, mais il le faisait aussi sur l’ensemble de l’établissement. Autant dire que celui ou celle qui serait à la première place allait pouvoir se vanter pendant un moment…

Bref. En faisant l’état de mes derniers contrôles, j’allais surtout devoir travailler un peu plus l’Histoire et la Biologie. Pour le reste, je ne m’en faisais pas, surtout dans les matières littéraires, mais je ne devais pas me relâcher.

En discutant avec les autres garçons ce midi-là, Masauchi broyait du noir en disant qu’il était foutu. Il fallait dire qu’il était assez… irrégulier dans ses notes. Pareil pour Yagi.

-Ça n’arriverait pas si vous bossiez plus chez vous, lança insensiblement Ueda en mangeant son sandwich.

-La ferme ! cria Masauchi au bord des larmes. Les génies ne peuvent pas comprendre notre souffrance ! Hein, Yagi ?

-Oui…

-N’est-ce pas ? Alors vous trois, ne la ramenez pas !

-Hé, c’est ça, le talent…, dit Serizawa avec arrogance.

(Visiblement, Serizawa n’a pas de problèmes pour les études…)

-Délégué ! Je t’en prie ! Aide-nous, pauvres mortels que nous sommes ! supplia Masauchi.

-Ah, parce que maintenant, tu veux mon aide ?

Il me regardait comme un chien battu, prêt à renoncer à sa fierté pour réussir.

-Crève.

Court, net, précis. Simple, basique. Quelques filles qui nous avaient entendus ont un peu rigoler en le voyant tenter vainement de me faire changer d’avis. Kinoshita et Aoyama se joignirent à nous, tout en faisant mine d’ignorer Masauchi.

-Il n’empêche que c’est une période stressante pour tout le monde, fit Kinoshita.

-Oui, enfin, tu n’es pas vraiment concernée…, lui fit remarquer Aoyama. Toi, Saya, tu finis toujours première du classement de la classe à chaque examen.

-Ce n’est pas grand-chose. Il suffit de travailler régulièrement, tout simplement.

-Tu dis ça comme si c’était à la portée de tout le monde…, lui dit Masauchi.

-Pas à la portée des idiots comme toi, en tout cas, lança Aoyama en buvant sa brique de jus de fruit.

-Aoyama ! On avait dit quoi, sur les piques assassines gratuites ? lui ai-je demandé.

-Quoi ? C’était plutôt gentil, par rapport à d’habitude !

-Et venant de toi, ça fait un peu peur…, commenta Serizawa.

-Espèce de… !

Voyant une nouvelle dispute entre Serizawa et Aoyama sur le point d’éclater, je suis intervenu pour y mettre fin. Entre ces deux-là, l’animosité s’était un peu calmée mais ce n’était pas encore ça…

(Comme si j’avais le temps de jouer les médiateurs à longueur de journée, moi…)

Durant les cours, les professeurs nous rabâchaient sans cesse d’être attentif aux cours car cela pourrait finir dans les sujets d’examens. Et impossible de relâcher la pression dans les clubs, vu que tout le monde ne parlait que de ça. En fait, ce n’était que quand on quittait l’établissement qu’on avait un sentiment de paix. Du moins, l’illusion de paix… Car une fois à la maison, on devait encore réviser.

-Veux-tu que je t’aide ?

Kinoshita et moi étions dans le train pour rentrer chez nous.

-Pour réviser ? Heu… Je sais pas…

-Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as peur que Yuna se fâche ?

-Oui, c’est… Attends une minute… Pourquoi tu appelles ma copine par son prénom ?

-Nous discutons souvent, sur LINE. Nous nous entendons bien. Plus ou moins.

Le monde était-il devenu fou sans que je m’en rende compte ? Yuna, ma Yuna, amie avec Kinoshita ?

-Tu n’as pas répondu à ma question. Veux-tu que je t’aide ?

Nous étions sur le chemin de notre immeuble.

-… Je dirais pas non, si tu es forte en Histoire et en Biologie.

-Ce n'est pas un problème. Et n’oublie pas de prévenir Yuna pour ça.

-Je sais.

-D’ailleurs, je pensais que tu l’aiderais à réviser.

-C’est prévu. On doit juste convenir d’une date. De préférence quand elle n’a pas d’activités de club après les cours.

-Donc, samedi ou dimanche ?

-Plutôt dimanche. Elle m’a dit que son équipe commence à s’entraîner dur pour le tournoi qui a lieu en automne.

-Ah, Saeko en parlait aussi. Le tournoi inter-lycée qui détermine qui participera à celui d’hiver et qui décidera qui sera la meilleure équipe du Japon. Yuna y a participé, l’an dernier ?

-Oui. Son équipe a gagné le premier match mais elles sont tombées sur les tenantes du titre, au second.

-Ah, le lycée Hinata. Oui, Saeko m’avait expliqué que cela faisait cinq ans que leur équipe remporte ce tournoi.

-Tu penses que notre lycée a ses chances ?

-Là, il faudrait demander à Saeko. Sinon, tu veux venir travailler chez moi ou chez toi ?

J’ai… hésité. Me retrouver seul avec elle après la dernière fois… Mais si je voulais assurer mes notes et ne pas me retrouver coincé pour des cours supplémentaires en été…

-Tu préfères où ? ai-je demandé.

-Hmm… Puisque j’ai déjà été chez toi, tu pourrais venir chez moi. Non ?

-… Ok.

Avant de rentrer dans l’immeuble, j’ai préféré envoyer un message à Yuna pour lui dire que j’allais réviser chez Kinoshita. Quand l’ascenseur arriva à l’étage de Kinoshita, j’ai reçu ce message :

Tu peux toucher avec les yeux mais tu gardes tes mains chez toi !

Le pire était qu’elle était sérieuse.

Quand nous sommes arrivés devant la porte de l’appartement où vivait Kinoshita, alors qu’elle allait insérer sa clé dans la serrure, elle reçut un message sur son téléphone.

-C’est Yuna, m’a-t-elle dit.

-Elle dit quoi ? Si c’est pas indiscret.

Si tu tentes quelque chose avec Shûhei, prépare-toi aux conséquences. Je sais où tu habites… »

J’ai plongé mon visage dans ma main, consterné.

-Désolé…

-Ce n’est pas grave. Moi aussi, je défendrais ma propriété, si cela arrivait.

-Pourquoi vous, les filles, dîtes toujours que vos mecs vous appartiennent, comme si on était des objets ?

Elle ne m’a pas répondu et s’est contenté d’un petit rire alors qu’elle ouvrait la porte.

Elle m’a invité à entrer et de faire comme chez moi. Ce que j’ai fait. L’intérieur n’était pas si différent du mien, sauf qu’il y avait moins de meuble.

Je me suis installé au salon et pendant que je sortais mes affaires pour bosser, Kinoshita m’a dit qu’elle allait se changer d’abord. Je me suis de suite plongé dans une relecture des cours des matières à revoir. Kinoshita est revenue quelques minutes après, vêtue d’une jupe et d’un haut blanc, avec un gilet rouge par-dessus. Elle nous a préparé du thé anglais, avec quelques biscuits.

-J’y pense… Kinoshita, tes parents sont encore au travail ?

-Sans doute.

-Comment ça, « Sans doute » ? Tu ne sais pas ?

-Non. Je ne vis pas avec eux.

-Pardon ?

-Je vis seule, dans cet appartement. Mes parents vivent ailleurs, avec ma jeune sœur. Ma mère passe, de temps en temps, voir si tout va bien.

-Heu… Ça me regarde sans doute pas. Mais pourquoi ?

-Ils vivent trop loin du lycée Hoshi, où je voulais faire mes études. Et comme ils possèdent cet appartement qui n’est pas trop loin de l’établissement…

-Mais ils gagnent combien, pour pouvoir se payer un appartement de ce genre dans ce quartier ET vivre dans l’endroit où ils vivent ? Sans compter qu'ils doivent payer pour ta scolarité et celle de ta soeur !

-Assez.

...

Je ne sais pas pourquoi, mais j'imaginais bien le père de Kinoshita tremper dans des affaires louches pour gagner autant. Ou être dans l’immobilier. Quoique l’un n’empêchait pas l’autre…

Elle ne parla pas plus de sa famille et nous avons commencé à travailler.

Kinoshita était bonne pédagogue en m’expliquant les points sur lesquels je butais. Dommage qu’elle se soit mise en tête d’être assise assez près de moi pour ça ! C’était très gênant pour moi ! Ses cheveux sentaient bons… Elle avait un joli visage… Ses formes…

(Non, non, NON !)

Je me suis donné des baffes mentales pour me ressaisir ! Si Yuna avait été là et nous avait surpris, à l’heure qu’il est, je n'aurais très certainement plus d’yeux !

-Nishiyama.

-Oui !

-Reste concentré. Nous avons bientôt terminé…

-Oui…

-Et… arrête de me regarder comme ça. C’est très gênant.

Elle s’est mise à rougir subitement. J’ai alors compris qu’elle m’avait chopé en train de la regarder… bizarrement.

Je me suis platement excusé et nous avons repris…

Dans le calme. Sans que rien ne se passe.

Heureusement.

Ce samedi-là, nous avions cours le matin. L’après-midi, après que chacun soit passé rapidement à son club (soit moi et Aoyama), Masauchi, Yagi, Ueda (qui n’avait accepté de venir que pour aider son pote Yagi à réviser), moi, Kinoshita et Aoyama nous sommes donné rendez-vous dans un restaurant familial pour bosser. Serizawa, pour sa part, a décliné l’offre. Pour aller s’amuser.

-Nishiyama ! Tu peux vraiment rien faire le concernant ? me demanda Masauchi alors que nous étions en chemin.

-On va pas le forcer à réviser avec nous, non plus, lui ai-je dit.

-Non mais pourquoi est-ce qu’on serait les seuls à souffrir ?

-De quoi tu te plains ? Tu vas réviser avec des filles. Ça doit te rendre heureux, non ?

-Je l’aurais été, si l’une de ces filles n’était pas AoyamaAAAAAAAARG !

Aoyama, qui était derrière lui pendant que nous marchions, lui donna un coup de pied bien placé dans l’entrejambe. Même moi, j'ai eu mal en le voyant à terre.

(En même temps, il faut dire que tu l’as un peu cherché, celle-là…)

Ueda n’était pas avec nous. Comme il n’appartenait à aucun club, il était parti en éclaireur nous garder des places. Et puis, de ce qu'il m'avait dit, c’était un habitué de l’endroit.

En rentrant dans le restaurant, une serveuse nous demandait si nous voulions une table pour cinq, Kinoshita lui expliqua que nous devions rejoindre quelqu’un. J’ai alors aperçu Ueda assis à une table au fond et ai prévenu les autres. Quand nous l’avons rejoint, nous étions surpris de le voir… avec de la compagnie.

Une fille plus jeune que lui, une collégienne sans doute, en uniforme marin, avec ses cheveux coiffés en queue de cheval était assise devant lui en sirotant un jus d’orange, alors que lui dessinait. Nous… étions assez surpris. Surtout Masauchi et Yagi.

-Ah ! fit la collégienne. Vous êtes les amis de Senpai ? Je m’appelle Sasaki Rua, du collège Tôhô. Enchantée !

-UEDA ! cria subitement Masauchi. Depuis quand tu dragues les collégiennes ? Non, c’est pas la bonne question… Depuis quand tu dragues !

-Mais faîtes le taire…, soupira Ueda.

J’étais bien d’accord avec lui et ce fut avec plaisir que je calmai Masauchi avec une belle tape bien placée derrière la tête.

Sasaki nous a alors brièvement raconté sa rencontre avec Ueda et que depuis, quand cela était possible, elle venait le voir ici pour le regarder dessiner et lire son manga. Contre l’avis de l’auteur, si j’en croyais les regards furieux qu’il lui lançait. Après lui avoir expliqué que nous allions réviser pour nos examens, elle prit congé en disant qu’elle avait aussi les siens à préparer. Elle salua néanmoins son « Ueda-senpaï » chaleureusement avant de partir. Ce qui exaspéra le concerné.

Après avoir commandé de quoi boire, nous nous sommes répartis sur deux tables : d’abord, Kinoshita avec Ueda et Yagi, pour revoir la majorité des matières avec lui, et moi avec Aoyama, qui avait des soucis en maths, et Masauchi, avec qui il fallait revoir les matières littéraires. Dire qu'il était d'une nullité aberrante était le plus bel euphémisme de ce quart de siècle.

(Comment ce type a-t-il pu passer en deuxième année ? Comment ce type a-t-il pu entrer au lycée Hoshi ? Comment ce type a-t-il pu entrer au lycée !)

Après avoir donné des exercices à Masauchi, je me suis plus penché sur le cas d’Aoyama. Et décidément, elle et Yuna avaient plus de points communs que je ne l’imaginais : les maths n’étaient pas du tout leur point fort, à toutes les deux.

-Désolée d’être bête…, avait-elle lâché en me faisant la grimace.

-Excuse-toi en travaillant bien, alors !

Elle m’a donné un petit coup de pied sous la table pour ça. Au moins, elle faisait des efforts pour comprendre, quand je lui expliquai. Elle me lança que je n’étais pas aussi bon pédagogue que Kinoshita, mais qu’elle arrivait plus ou moins à suivre. C’était déjà ça. Et puis, j’étais un peu rôdé : j’avais déjà aidé des idiots dans leurs révisions, comme mon ami Yûji ou Yuna.

Lors de l’une de mes explications, j’ai senti qu’Aoyama n’était pas attentive. Quand j’ai voulu lui dire de se concentrer, nos regards se sont croisés. Elle a de suite tourné la tête, un peu rouge. Je me demandais bien pourquoi… Mais je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir plus que ça, Masauchi me disant qu’il voulait que je vérifie si ses exercices étaient bons.

(Ah, j’en peux déjà plus de ces révisions… Et demain, on y repart…)

Dimanche.

Nous avions prévu une séance de révisions en groupe chez moi, qui était un endroit spacieux. Si c’était juste pour ça, on aurait très bien pu le faire chez Kinoshita. Mais Masauchi voulait aussi qu’on s’accorde un moment détente après le travail et il comptait ramener de quoi faire un karaoké. Et comme Kinoshita n’avait pas de télévision chez elle…

Donc, à cette nouvelle séance de révision, nous avions comme participants moi, Kinoshita, Masauchi, Ueda, Yagi, Aoyama et Serizawa, qui a accepté de venir en sachant qu’il y aurait des filles du lycée Gekkô présentes. À savoir, Yuna et ses amies.

-Enchantée ! Je suis Nanahara Yuna et je suis la copine de Shûhei !

-Mimura Keiko. Je suis une amie de Yuna et sa coéquipière au club de basket…

-Taniguchi Suzune. Je suis aussi une amie de Yuna et une camarade de classe. Enchantée.

Malheureusement, nous avions aussi une « invitée imprévue ».

-Tanzaki Saki, en deuxième année au lycée Konan. Enchantée.

Les autres filles regardaient Tanzaki avec un air un peu… En fait, c’était un mélange de pleins de choses. Mais je me doutais que c’était surtout sa tenue un poil trop sexy qui dérangeait.

Sauf Masauchi, qui avait l’air d’aimer ce qu’il voyait.

(Sérieusement, avec une jupe aussi courte, elle a qu’à se baisser pour qu’on voit tout…)

Heureusement, Yuna n’avait pas essayé de tuer Tanzaki. Pour l’instant. Mais par précaution, j’ai fait en sorte qu’elles soient à bonne distance l’une de l’autre. Et j’ai chargé Serizawa de faire en sorte que son « amie » se tienne tranquille avec moi.

La séance (de révision) était à présent ouverte et j’ai pu voir ce qu’on exigeait des élèves de Gekkô par rapport à ceux de Hoshi. Yuna n’étant pas douée pour les études de manière générale, pas étonnant qu’elle galérait. Niveau exigence scolaire, les deux établissements étaient plus ou moins à égalité.

-Je vois que tu es toujours aussi nulle en maths..., ai-je dit en voyant son dernier devoir.

-Oh, ça va…, rétorqua-t-elle, vexée.

-Mais je vois que tu es devenue meilleure en anglais. L’an dernier, c’était une horreur…

-C’est parce que tu donnes de bon cours de langue, Shûhei.

-Eh ! Les tourtereaux… Si vous voulez flirter, allez le faire ailleurs, maugréa Masauchi pendant qu’il travaillait avec Taniguchi.

-Oh, vraiment ? Dans ce cas, Shûhei…

-Reste assise, toi ! Et bosse tes maths au lieu de dire des conneries ! lui ai-je dit sèchement.

-Méchant !

Mais elle ne protesta pas plus et se remit au travail.

Dans l’ensemble, nous étions assez sérieux et nous parlions que très peu de sujets qui ne concernaient pas nos révisions. Même Tanzaki semblait s’appliquer, entre deux flirts avec les garçons. Tous les garçons, Yagi compris.

D’ailleurs, maintenant que j’y pensais, c’était avec lui qu’elle discutait le plus. Elle ne m’avait pas oublié pour autant, malheureusement, mais son attention se portait plus sur mon camarade de classe. Honnêtement, je n’allais pas m’en plaindre mais en tant que délégué, je me faisais un peu de soucis pour celui qui était peut-être le plus sensible et le plus influençable du groupe…

J’aidais non seulement Yuna à travailler mais aussi Mimura, qui avait un peu de mal en Japonais. Taniguchi était studieuse comme moi, donc elle n’avait pas trop de problèmes. Tanzaki, par contre…

Selon Serizawa, le lycée où étudiait Tanzaki avait un niveau très bas et il n’était pas rare que ceux qui en sortaient arrêtent leurs études après avoir eu leur diplôme. Mais là, elle avait tout juste le niveau d’une collégienne en dernière année. Et encore, j’étais gentil ! Finalement, j’ai commencé à penser qu’elle était venue juste pour avoir une bonne excuse pour s’amuser ! D’un autre côté, quand je lui expliquais ce qu’elle ne comprenait pas, elle écoutait sagement et faisait les exercices que je lui proposais sans broncher. Ce n’était que lorsqu’elle avait terminé qu’elle revenait à la charge avec son attitude de séductrice. C’était dans ces moments que j’étais content que Yuna se dresse entre nous. Du moment que c’était sans violence…

Nous avions commencé à bosser vers treize heures et il était dix-sept heures quand nous avons estimé que ça irait pour aujourd’hui. Dès lors, Masauchi a pris les choses en main pour la partie détente et distraction. Il ne lui a pas fallu longtemps pour installer le matériel portable pour le karaoké et de commencer une session avec Tanzaki et Taniguchi. Pendant ce temps, alors que les autres s’amusaient, moi et Kinoshita sommes sortis faire quelques courses à la supérette, pour faire le plein de boissons et de trucs à grignoter.

-Je n’avais jamais fait ça, avant, m’avoua-t-elle sur le chemin du retour. C’est amusant.

-Les révisions en groupe ou se réunir chez quelqu’un pour s’amuser ?

-Les deux. Et toi ?

-Les révisions de groupe, pas chez quelqu’un. Et je n’invitais presque jamais des gens à la maison, même enfant.

-Pourquoi ?

-Tu sais que je suis du genre à aimer être tranquille. Et puis, quand j’étais gamin, mon père n’aimait pas l’idée que des gens viennent chez lui quand il n’était pas là. Et comme il n’était presque jamais à la maison…

-Je vois.

En rentrant chez moi, nous avons vu Ueda et Yagi chanter en duo :

Oretachi noooooo… kono chishiki… !»

Ce qui a surtout retenu mon attention, c’était Serizawa qui discutait avec Yuna. En tant normal, je n’aurais rien dit. Mais connaissant le bonhomme et ses manies, le fait qu’il parlait à ma copine, tout en se rapprochant d’elle, ne me plaisait pas du tout. Et le sang me montait à la tête. Bien sûr, Yuna faisait en sorte de maintenir une distance entre eux mais j’avais l’impression qu’elle n’était pas complètement insensible aux charmes de Serizawa.

En emmenant de quoi grignoter sur la table basse, je leur ai demandé ce qu’ils faisaient.

-On apprend juste à faire connaissance, rien de méchant.

« Rien de méchant ». Il l’avait dit tout en lui souriant et elle a rougi en détournant le regard dans ma direction. Décidément, je n’aimais pas ça…

-J’espère vraiment que c’est juste pour faire connaissance, Serizawa…

-Mais oui, délégué. Ne t’en fais pas pour…

Il s’est immédiatement tut et son sourire confiant avait disparu, quand il a croisé mon regard. Un regard que je n’avais pas ressorti depuis longtemps. Le genre qui annonçait que si celui que je regardais continuait sur cette voie…

-Parce que si tu essaies autre chose avec elle, je te tue.

Mes paroles avaient jeté un froid. Tout le monde m’avait entendu, tout le monde voyait à mon visage que ce n’était pas des mots en l’air. Tous semblaient un peu effrayé par moi, même Serizawa qui aimait jouer les durs. Tous, sauf Yuna, qui restait calme.

-Ni…Nishi…

Même Kinoshita avait pris peur en me voyant et en bonne déléguée, elle a sans doute voulu calmer la situation. Mais ce ne fut pas elle qui s’en chargea, mais Yuna.

-Allez, ça ira, Shûhei.

Elle s’est levée et m’a prise la main. Il m’a alors fallu quelques secondes pour me calmer puis Yuna m’a emmené sur la terrasse prendre un peu l’air, après avoir dit aux autres qu’on revenait dans un instant.

Dehors, nous ne nous sommes rien dit et elle s’est contentée de me câliner en silence. C’était un truc entre nous que nous avions découvert, l’hiver dernier. Avant que je n’explose de colère, elle me serrait dans ses bras pour m’apaiser. Et le plus étonnant était que ça marchait.

-Shûhei, mon chevalier en armure blanche…, marmonna-t-elle contre mon torse.

-J’ai pas aimé vous voir ensemble…

-Je sais. Il est charmeur mais je lui résisterai. Parce que je t’ai, toi.

-Vraiment ?

-Bien sûr, mon Shûhei qui sait m’envoyer au Septième Ciel…

-Sérieux ? On passe un moment mignon et tu arrives à le ramener au sexe ?

-Et alors ? Le sexe peut être une forme d’amour, non ? La connexion ultime !

-Où est-ce que t’a péché ça, encore ?

-Hein ? Mais c’était pas ce que ça voulait dire, dans The End of Evangelion ?

-Quand est-ce que tu as vu ce film ?!

-L’autre jour, je suis allé chez Keiko et on l’a regardé sur Netflix. C’est là qu’elle m’a expliqué pourquoi Rei était sur Shinji en train de…

-D’accord, d’accord…

Elle s’est remise à me câliner et nous n’avons plus rien dit pendant quelques minutes, avant de retourner avec les autres. Nous avons alors tous fait comme si rien ne s’était passé, en apparence. Je n’étais pas dupe. Je savais bien qu’ils garderaient ça dans un coin de leur tête un temps, mais ils ont jugé bon de ne pas en parler de suite. À la place, ils ont poursuivi la séance karaoké comme si de rien n’était. Tant mieux… Surtout que nous avons pu admirer Aoyama et sa manie de se dandiner en chantant. Même Serizawa, qui ne la supportait pas, n’en avait pas manqué une miette. Évidemment, elle nous a catalogué de « pervers » quand elle s’était rendu compte comment nous, les garçons, la regardions pendant sa performance.

La température montait. Littéralement. On commençait à avoir chaud et les courants d’air n’étaient plus suffisants pour nous rafraîchir, si bien que j’ai allumé la climatisation. Alors que Kinoshita nous faisait une démonstration de ses talents au chant avec son interprétation de la chanson Le Temps des cerises (en version originale, s’il vous plaît), je fermais un peu les yeux, la tête posée sur les cuisses de ma petite amie, qui discutait avec Aoyama. Je savais que ce n’était pas poli d’écouter les conversations comme ça, mais bon…

-Hé, Nanahara ? Tu as vu ça ?

-Quoi ?

-L’article de presse sur le club de basket du lycée Hinata. L’équipe féminine a une nouvelle joueuse apparemment très douée.

(Hinata ? C’est pas contre leur équipe que celle de Yuna a perdu, l’an dernier ?)

-Déjà qu’on dit que c’est des monstres avec un ballon…

-C’est bon, j’ai retrouvé la photo. Regarde…

-… C’est une étrangère ?

-Ouais. En échange scolaire, sans doute.

-A… my ? Amy Jones ? Originaire de Los Angeles, Californie. Fais voir la photo…Ah, une Afro-américaine ? Ou peut-être Mexicaine ? Quoique elle pourrait avoir des origines brésiliennes, non ?

-Ils disent dans l’article que son style de jeu est très atypique de celui pratiqué par les lycéennes japonaises, mais qui s’est montré efficace lors de leur dernier match amical.

-Tu as déjà joué contre eux ?

-Contre le lycée Hinata ? Jamais. Et toi ?

-L’an dernier, au dernier tournoi d’hiver. Elles nous ont éclatés au second tour.
-Aïe. Désolée de l’apprendre…

-Ouais…

Yuna s’est mise à jouer avec mes cheveux et je l’entendais ricaner.

-C’est bizarre…, dit Aoyama.

-Quoi ?

-Le voir comme ça, sans défense… En classe, il a toujours l’air d’être tendu ou sur ses gardes.

-Et encore, tu ne l’as pas connu quand il n’était pas sociable…

-Parce qu’aujourd’hui, il est sociable !?

-Je vous entends, vous savez…, ai-je lancé sur un ton irrité.

Voir leur visage se décomposer en m’entendant n’avait pas de prix.

Après la performance de Serizawa sur I WANNA CHANGE des Street Beats, tout le monde est rentré chez soi.

Nous avons encore révisé ensemble la semaine suivante, plus ou moins au complet en fonction des emplois du temps de chacun. Malgré une atmosphère qui aurait normalement dû être stressante, ces sessions permettaient aux autres de sympathiser, de mieux se connaître et former un groupe. J’aurais presque apprécié la situation, si le soleil avait daigné nous épargner avec la puissance de ses rayonnements…

Puis vinrent les jours fatidiques des examens. Une quasi-semaine de lutte en perspective pour tenter de décrocher les meilleures notes pour certains et des notes correctes afin de passer un été tranquille pour d’autre. Nos armes étaient affutées et nous nous étions préparés du mieux que nous le pouvions… Quand j’ai vu les premiers sujets, je me demandais si ce n’était une erreur ! C’était réellement destiné à des lycéens et des lycéennes, ce qu’ils nous ont donné ? Heureusement que nous ne nous étions pas contentés de revoir simplement les cours car ça n’aurait clairement pas suffit à avoir ne serait-ce que la moyenne ! Qui était le, la ou les sadiques qui avaient imaginés ces sujets !

Fin de la première journée d’examens. Bilan : la fatigue sur le visage de plusieurs élèves et le désespoir chez d’autres. Comme Masauchi.

Le deuxième jour n’était pas mieux. Nos méninges tournaient à plein régime et si nous n’avions pas eu la climatisation pour lutter contre la chaleur, il y aurait eu sans aucun doute une vague de pétage de plombs. Quoique, c’était encore possible malgré tout…

Troisième jour. Moi, Nishiyama Shûhei, pour la première fois de ma vie estudiantine, j’envisageais d’abandonner. Mon cerveau était mis à rude épreuve, bien plus qu’il en avait l’habitude. Ils ne plaisantaient vraiment pas avec les études, à Hoshi. Mes armes étaient ébréchées et menaçaient de céder à tout instant. La seule chose qui me donnait la force de continuer, c’était la vision de mes vacances d’été avec Yuna.

Quatrième et dernier jour d’examens. Enfin, la fin. Quand tout le monde a rendu sa copie du dernier examen, la pression s’est relâchée d’un coup et nous avons poussé des soupirs de soulagement tandis que d’autres voyaient leurs nerfs craquer en disant qu’elles étaient sûres qu’elles allaient se planter. Comment leur en vouloir… Moi-même, je n’étais pas sûr de m’en être bien sorti dans deux ou trois matières. Mais tout ce qu'il nous restait à faire, à présent, était d’attendre les résultats.

À la fin des cours, j’étais épuisé et en plus de mes obligations de délégué, il y avait la corvée de ménage à faire. Heureusement que la présidente de mon club a suspendu nos activités, le temps des examens. Sinon, je n’aurais pas tenu.

(Je veux rentrer chez moi pour dormir et ne jamais me réveiller…)

Fin de la semaine suivante, les résultats sont tombés. Au moins, les professeurs n’avaient pas trop traîné pour les corrections.

Dans notre classe, on avait affiché le classement des élèves. En haut du classement : Kinoshita Saya. Ses fans l’ont chaleureusement félicité, alors qu’elle restait modeste en affirmant qu’elle n’avait atteint ce résultat qu’à force de travail. Et moi ? Quatrième au classement, mais le meilleur parmi les garçons (les deux autres étant Serizawa et Ueda). Par contre, Masauchi et Yagi étaient assez bas dans le classement mais ça ne voulait rien dire. Ils n’allaient pas forcément suivre des cours supplémentaires.

Verdict en fin de journée : Masauchi et Yagi avaient ratés trop de matière et étaient bon pour les cours supplémentaires.

-Adieu, mon merveilleux été…, avait marmonné Masauchi, le regard tourné vers le soleil couchant.

(Quelle drama queen…)

J’ai ensuite contacté Yuna pour savoir si elle avait eu les résultats de ses examens :

J’ai eu la moyenne partout ! Même en maths ! Grâce aux cours de mon professeur particulier que j’aime ! Haha… Ça pourrait prêter à confusion, non ?

(À peine…)

Il faut qu’on fête la fin des examens ! Qu’on ait réussi ou pas ! Et si on se retrouvait tous quelque part avant le début des vacances ?

Yuna proposa l’idée dans notre groupe de discussion sur LINE et tous étaient partant, surtout les déprimés qui allaient devoir passer une partie de l’été à travailler.

Après autant d’efforts, le réconfort.

Le lendemain, je suis parti en rendez-vous seul avec Yuna. Il ne restait plus qu’une semaine de cours et nous serions enfin en vacances. Elle avait dit à son coach et à sa capitaine qu’elle serait absente deux semaines pendant l’été et qu’elle ne pourrait pas participer au camp d’entraînement prévu. Elles n’étaient pas ravies, bien sûr, mais en apprenant qu’elle serait en France, et surtout à Paris, pendant ce temps-là, étrangement, elles se sont montrées plus conciliantes.

(La magie de Paris, peut-être…)

Elle m’a aussi montré qu’un magazine de sport couvrant les favoris du tournoi d’hiver avait fait un petit encart sur l’équipe de son lycée et sur elle, ainsi que Mimura. C’était juste un petit carré dans un article mais l’auteur semblait avoir déjà remarqué Yuna lors du dernier tournoi. Il avait même repris le surnom qu’on lui donnait : « la Magicienne des trois points ». Je pouvais comprendre qu’elle en était fière, surtout qu’elle avait envisagé depuis peu de passer professionnel, après le lycée. Est-ce que j’allais l’encourager ? Évidemment ! Quel petit ami digne de ce nom ne le ferait pas ?

En fin de journée, je l’ai raccompagné à sa pension. Comme d’habitude, nous nous sommes embrassés devant l’entrée et comme d’habitude, ses colocataires nous avaient épiés !

(À force, on va les faire facturer !)

En repartant, je fus bousculé assez violemment, au point de tomber. La personne responsable : une étrangère, de mon âge, à la peau mate, en t-shirt et short court, quasiment étalée sur moi.

-I’m sorry ! s’exclama-t-elle. I wasn’t paying attention !

-Oh… Heu… Non, ce n’est pas grave… Enfin, je veux dire… No problem. I’m not hurt.

Elle parut un peu étonnée puis me sourit :

-Hey ! Your English is pretty good, actually. It’s rare, in Japan. Do you practice a lot ?

-Ah, thanks. And no, not really. I’m just a good learner.

-Okay… So, you’re not hurt. Thank God… Sorry again. My mind was elsewhere.

-It’s okay, really. And… you live in the neighborhood or… ?

-What ? Oh, no, no ! I was just looking for the local highschool because I planned to go there tomorrow. To see someone.

-Oh, I see… A friend ?

-Hmm… Not really. This will be our first meeting

-Oh…

-You’re a student in this highschool ? What's the name, again… Gekkô ! Yeah ! That’s it !

-What ? Oh, no ! I’m not ! I just took my girlfriend home.

-Oh... You have a girlfriend ? Too bad… You're my kind of guy...

J’ai un peu rougi, mal à l’aise. Elle s’est alors mise à rire un peu avant de poursuivre :

-Sorry for embarrassing you. Well, I better go home. Hope to see you again, handsome.

Sur un clin d’oeil à mon attention, elle partit alors. Confus, je ne savais que dire. En même temps, c’était la première fois qu’une étrangère flirtait avec moi…

-Tu as l’air de t’amuser…

J’ai sursauté et me suis retourné pour voir que Yuna était ressorti de la pension, l’air sévère et les poings sur ses hanches.

-De quoi tu parles ?

-J’ai entendu ta voix avec celle d’une fille et quand je sors pour voir, je te vois en regarder une qui s’éloigne…

-Attends, c’est pas… !

En une fraction de seconde, Yuna passa de la fille à la mine sévère à celle de la gamine qui faisait semblant d’être en colère et en disant que je la trompais sous son nez. Même si c’était pour rire, c’était pas terrible… Comme compensation pour mon « acte de trahison », elle a exigé un baiser. Ce que je lui ai donné. Avec langue. Elle était gênée qu’on fasse ça en pleine rue mais je savais aussi qu’elle ne dirait jamais non à un baiser de ma part. Tout comme je ne refuserais jamais un baiser d’elle...

(Vivement nos vacances en France…)

***

Première semaine de juillet et dernière semaine de cours avant les vacances.

Une semaine de souffrance à supporter et après, voyage avec mon chéri Shûhei ! J’avais vraiment hâte que les vacances commencent et visiblement, je n’étais pas la seule. Mes camarades de classes faisaient déjà leurs plans, à coup d’expéditions à la plage ou des projets de se trouver quelqu’un. Quoique certains et certaines avaient de drôles de façon de faire ces plans :

-Quoi ? T’as plaqué ton mec ?

-Que voulais-tu que je fasse ? Ce naze n’avait presque jamais d’argent et de toute façon, il était nul au pieu. Au moins, le nouveau, il a de quoi m’offrir de beaux trucs et au lit, je te raconte pas…

(Connasse…)

J’en avais déjà croisé quelques-unes et ça me filait toujours la nausée, ces filles qui se mettaient en couple que pour des raisons nulles comme le porte-monnaie de leur mec ou comment il couchait. Parmi mes connaissances, garçons comme filles, on me demandait souvent pourquoi j’avais choisi Shûhei comme petit-ami. Mais ils me demandaient ça comme s’il était un accessoire de mode que je pouvais changer à loisirs. Je me suis retenu de pas leur casser la figure…

(Je crois que Shûhei déteint un peu sur moi, niveau gestion de la colère…)

Durant le déjeuner, je discutais avec Suzu-nee de nos projets de l’été :

-J’ai trouvé un petit boulot dans une supérette, pas loin du lycée, m’a-t-elle dit. Ça me permettra de mettre de l’argent de côté, quand j’irais à l’université…

-Tu comptes bien t’amuser un peu aussi, rassure-moi !

-Mais oui… Une petite sortie par-ci, par-là. Et toi ? Tu vas passer deux semaines à Paris avec ton copain, c’est ça ?

-En fait, on va passer une semaine en amoureux à Paris et une semaine avec des amies à lui dans une ville qui s’appelle Le Havre, dans le nord de la France, près de la mer. Shûhei et moi, on s’est dit que ce serait plus sympa de visiter une ville avec quelqu’un qui la connaît.

-La chance.

-Suzu-nee, tu n’as jamais eu de copain ?

-Jamais. Ça ne m’intéresse pas. Par contre, j’aimerais bien voyager, comme tu vas le faire… Peut-être quand j’aurais les moyens…

-Oh.

-Les amies de ton copain… C’est des filles ?

-Oui. La déléguée fille de sa classe et son amie à elle.

-T’as pas peur qu’elles tentent un truc avec ton copain, pendant votre voyage ?

-Si. Surtout la déléguée…

-Pourquoi tu as accepté de passer une semaine avec elles, alors ?!

-Parce que même si je me méfie de la déléguée, qui traîne beaucoup avec Shûhei, elle est… sympa. Je discute beaucoup avec elle, sur LINE.

-Tu discutes avec la fille dont tu te méfies !?

-Pour la garder à l’œil.

-… YuYu, t’as une logique foireuse.

-Je sais...

Cet après-midi, durant l’entraînement.

J’en bavais ! Comme j’allais être absente les deux semaines suivantes, la coach m’a fait bosser deux voire trois fois plus que les autres. Je comprenais l’intention mais là, j’avais l’impression que j’allais mourir, à force !

-Hé ! Tu es sûre que ça va ? m’a demandé Keiko, pendant que j’étais allongé sur le dos, le temps de reprendre mon souffle.

-Ouais… Pas de soucis…

-Non mais je dis ça parce qu’on a l’impression que tu vas nous claquer entre les doigts, là.

-T’inquiète, je te dis. Donne-moi… une minute. Ou peut-être cinq… Cinquante.

On a rigolé toutes les deux, jusqu’à ce qu’on entende de l’agitation. En me redressant, j’ai aperçu deux filles portant… le survêtement de l’équipe de basket du lycée Hinata ! Et je les ai reconnus : peau mate, cheveux noirs coupés courts, jolie visage… Pas de doutes possibles : c’était Amy Jones, l’Américaine qui jouait dans l’équipe de basket féminine du lycée Hinata !

L’autre, teint clair et queue de cheval descendait jusqu’aux omoplates, c’était Ôtonashi Tomori, celle qui s’était imposé « as de l’équipe » dès sa première année à Hinata. Une joueuse polyvalente qui, selon les journalistes sportifs, pourraient passer pro très facilement, après ses études. Lorsque j’ai joué contre elle, l’an dernier, elle m’avait clairement montré qu’il y avait un fossé énorme entre nous, niveau capacité.

Bref, deux pointures du basket féminin lycéen s’étaient pointés chez nous !

La capitaine, qui ne semblait clairement pas ravie, accourut vers elles :

-Qu’est-ce que vous faîtes ici ?! Vous venez nous espionner ?

-Allons, allons, Enjô-senpai, fit Ôtonashi. Du calme… Tu vois le mal partout. Et puis, Amy voulait voir une certaine personne.

-Qui ?

Amy est rentrée dans le gymnase en balayant du regard les joueuses présentes, avec un regard à la fois dur et blasé, comme si elle s’attendait à apercevoir un être d’exception.

-Who’s Yuna Nanahara here ? demanda Amy, en anglais.

Des murmures se sont élevés parmi les joueuses à l’entente de mon nom.

(Qu’est-ce qu’elle me veut ?)

Je me suis approché d’elle, pour la saluer.

-Nanahara Yuna. Enchantée… Heu… Nice to… meet you ?

-Ah, c’est toi ? Et t’inquiète, tu peux me parler en japonais.

Nous étions toutes assez surprises. Amy Jones s’exprimait dans un japonais impeccable, sans accent. Et visiblement, notre surprise la fit sourire.

-Hum. Au moins, les photos des articles t’ont fait honneur, continua-t-elle.

-Ah… Ça…

J’étais un peu gênée mais aussi un peu flattée. Qu’une joueuse comme elle me remarque…

(… Une minute ! Cette silhouette…)

-Attends. Je t’ai déjà vu ! Y avait une fille qui te ressemblait qui traînait dans le quartier, hier !

-Ah… Oui. J’ai voulu voir à quoi ressemblait le lycée Gekkô avant de venir.

-Hé ! intervint subitement Ôtonashi. Je n’étais pas au courant de ça !

-Chill, Tomori. J’ai juste jeté un œil, rien de plus. Bon, je suis aussi tombé sur un type plutôt mignon qui…

-Attends ! suis-je intervenu. Ce garçon…

Ce qui s’était passé la veille me revint en tête lorsqu’elle a mentionné ce garçon. J’avais un doute. Petit mais quand même présent. En voulant en avoir le cœur net, je lui ai donné une description de Shûhei.

-Ah oui ! C’était lui ! Vraiment mignon, à mon goût. Dommage qu’il m’ait dit qu’il avait une petite amie. Pourquoi ? C’est un de tes amis ?

-… C’est mon petit copain.

Les murmures s’élevèrent de nouveau et Ôtonashi avait son visage plongé dans sa main, comprenant l’ampleur de la situation dans laquelle Amy se trouvait.

Mais cette dernière ne semblait pas décontenancée plus que ça d’être face à la copine du garçon sur lequel elle avait craqué. Au contraire, je la voyais sourire.

-Interesting…, fit-elle alors qu’elle s’avançait sur le parquet pour prendre un ballon.

Elle commença à le faire rebondir puis tira depuis l’extérieur de la raquette, faisant rentrer le ballon sans toucher l’arceau.

-Hé ! Nanahara ! Ça te tente, un petit 1v1 ? Rien que toutes les deux.

Encore des murmures qui s’élevèrent. Là, je pouvais comprendre : Amy Jones, une joueuse qui faisaient parler dans le monde du basket lycéen, qui me défiait, ce n’était pas rien. Surtout quand moi-même, je commençais à me faire une réputation.

-Pourquoi pas…

Alors que je la rejoignais sur le parquet, elle enleva son survêtement, qu’Ôtonashi vint récupérer, pour dévoiler le maillot de son équipe. Je l’ai laissé s’échauffer un petit instant puis nous sommes allés nous mettre en position en milieu de terrain. Pour ce 1v1, ma capitaine a accepté de faire l’arbitre. La première à marquer dix points gagnait.

-Boring… Un match sans enjeu, c’est pas drôle, me lança Amy avant qu’on ne commence. Que dirais-tu de pimenter un peu ça ?

-Comment ça ?

-Si tu gagnes… Disons que j’invite à manger un morceau après.

-Heu… Si tu veux. Et si c’est toi qui gagnes ?

Elle se mit alors à sourire. Un sourire différent de tout à l’heure. Comme si elle était ravie que je lui demande…

-If I win… Si je gagne… tu me laisses avoir un rendez-vous avec ton copain.

Des cris de stupeur et d’indignation se sont soulevés quand les autres ont entendu ça. Certaines ont même lancé une insulte ou deux à son attention, en disant que je n’allais jamais accepter ça.

Moi…

Je ne pouvais pas voir mon visage mais à la vue des expressions de terreur que j’inspirais à mes coéquipières, il devait être terrifiant, tellement il était déformé par la rage. Comment osait-elle me proposer une telle chose ! J’allais lui faire payer ! Et pas qu’un peu !

-D’accord ! ai-je hurlé. Mais après, je te ferais regretter ce que tu as dit !

Le sourire d’Amy s’élargit, heureuse que j’accepte son défi débile. Mais plus que de la joie, dans son regard, j’ai cru percevoir une petite lueur de folie.

Keiko a essayé de me faire reconsidérer la chose, mais rien à faire ! J’allais écraser Amy Jones, ici et maintenant !

Nous nous sommes mises en position et au coup d’envoi, j’ai attrapé le ballon la première en plein saut. Dès que nous avons atterrit sur nos pieds, Amy a commencé à reculer un peu tandis que moi, je tirais déjà, pour marquer facilement trois points. Les filles m’applaudirent et m’encouragèrent pour remporter la victoire. Amy, elle, était un peu surprise mais pas plus que ça…

À la reprise, je lui ai volé le ballon et tenté de marquer mais son jeu défensif était plutôt bon et elle m’a forcé à reculer, pour m’éloigner du panier. Manquant de peu de me reprendre le ballon, j’ai tiré et marqué de nouveau trois points. L’euphorie provoqué chez mes coéquipières me boostèrent et rapidement, je lui repris encore le ballon. Mais une fois de plus, elle me força à reculer. Il n’y avait pas à dire, niveau défense, elle était d’un tout autre niveau que les joueuses que j’avais rencontré jusqu’ici. Je ne trouvais jamais une ouverture pour la déborder. Mais en même temps, elle me poussait à user de mon point fort et ça, ça allait lui être fatal. Encore une fois, j’ai marqué un trois points. Ce qui faisait 9-0, en ma faveur. Un panier de plus et la victoire était mienne. Mes coéquipières m’encourageaient de plus belle, me disant de tenir bon.

Mais au milieu du brouhaha, on entendit alors Ôtonashi crier :

-Amy ! Arrête de t’amuser et joue sérieusement !

Les cris de joie et d’encouragements s’évanouirent alors, quand un large sourire se dessina sur le visage d’Amy Jones :

-Sorry, Tomori ! Mais je voulais lui laisser une petite chance…

Un frisson me parcourut l’échine. Je ne savais pas pourquoi mais quelque chose en moi me disait de me méfier.

Reprise du match. Sous le panier, je faisais barrage tout en essayant de lui reprendre le ballon.

-Bien, commençons…, déclara-t-elle.

D’une pirouette, elle me déborda pour s’éloigner du panier. Je me suis lancé à sa poursuite puis, sans se retourner, elle lança le ballon derrière elle, qui décrivit un bel arc de cercle… avant de rentrer dans le panier.

Je n’en croyais pas mes yeux, comme toutes les autres. Comment elle avait réussi à faire ça ! Mais en la regardant, calme comme si elle n’avait rien fait d’incroyable, je compris vite que la chance n’avait rien à voir dans tout cela.

Mise en jeu suivante, elle m’a piqué le ballon avec facilité, comme un pro s’emparerait facilement du ballon à un débutant, avant de tirer directement avec nonchalance et de marquer. La suivante encore, elle m'infligea un ankle breaker, me faisant tomber sur les fesses juste sous le panier, avant de marquer.

Durant tout le reste de cette fichue rencontre, cela s’est résumé à elle me volant le ballon avec facilité et à me faire tourner en bourrique quand j’essayais de lui reprendre, avant de marquer.

Résultat final : 9-11 pour elle, avec un trois points en guise de dernier panier, comme pour m’humilier.
Nos niveaux étaient vraiment incomparable. Tout du long, elle avait joué avec moi comme un chat jouerait avec une souris avant de la dévorer d’un coup. Une défaite totale…

(Merde…)

J’en aurais pleuré, si je ne m’étais pas retenu.

Après ce match, elle et moi sommes allés parler un instant dans un coin, seules.

-La victoire est mienne, dit Amy. J’espère que tu comptes tenir ta promesse…

Je rageais d’avoir perdu sous ses conditions mais j’avais accepté, comme une idiote, donc je ne pouvais que m’en prendre qu’à moi.

-Est-ce que… tu peux attendre ? ai-je presque supplié.

-Hein ?

-S… Shûhei et moi, on part en voyage ensemble, la semaine prochaine. C’est quelque chose qu’on attends depuis des jours ! Et je ne veux pas gâcher ça avec mes bêtises ! Est-ce que… Est-ce que tu peux attendre un peu, pour ce rendez-vous ?

C’était presque une supplication et c’était humiliant pour moi. Je redoutais aussi qu’elle refuse, se fichant de ce que je ressentais.

-Shûhei… Il s’appelle donc Shûhei…

Elle semblait réfléchir, en se grattant l’arrière de la tête, puis me répondit :

-D’accord, j’accepte. En fait, ça m’arrange même.

-Hein ?!

-Avec le camp d'entraînement entre autres, je vais être pas mal occupé durant les vacances. On fera ça pour la fin de l’été.

J’avais envie de la taper pour avoir dit ça en souriant mais encore une fois, je me suis retenu. À contre-cœur, nous avons échangé nos coordonnés pour nous tenir au courant, puis elle et Ôtonashi sont parties.

Je n’ai pas réussi à me concentrer sur le reste de l’entraînement après cela. C’était stupide de faire un tel pari ! Mais sur le coup de l’émotion, je n’ai pas réfléchi ! Même les autres semblaient compatir à ma situation…

Avant de rentrer, Keiko a tenté de me réconforter et de me convaincre de n’en parler avec Shûhei qu’après notre voyage. Mais je ne voulais pas cacher lui cacher ça. Je le redoutais mais j’ai décidé, en mon âme et conscience, de tout lui dire ce soir, après le dîner.

-T’AS FAIT QUOI !!?

Je n’avais jamais entendu Shûhei crier aussi fort ni être aussi en colère contre moi ! Et ça faisait peur…

-MAIS T’ES COMPLÈTEMENT CONNE OU QUOI !?

(Aïe ! S’il m’insulte, c’est qu’il doit vraiment être en colère…)

-Shûhei… Je suis désolée…

-J’ESPÈRE BIEN QUE TU SOIS DÉSOLÉE ! TU TE RENDS COMPTE DE CE QUE TU AS FAIT !?

-Pardon ! Pardon !

Je n’ai pas cessé de m’excuser jusqu’à ce qu’il se calme un peu. Ou du moins, jusqu’à ce qu’il arrête de crier. Mais au moins, il a accepté qu’on parle de ça. En restant en colère de son côté, mais au moins, on en a parlé. Bien sûr, il a dit que c’était ma faute pour avoir accepté ça (et il n’avait pas tort) et qu’on s’occuperait de ça quand nous rentrions de voyage. J’étais en partie soulagée et lui ai dit que j’étais prête à assumer les conséquences de mes actes. Et ça n’était pas tombé à l’oreille d’un sourd.

Les trois jours qui suivirent cependant, mon copain m’a fait la gueule. Une punition horrible pour moi, bien que mérité. Il ne m’a reparlé qu’au quatrième jours.

Pour le dernier week-end avant notre départ, il m’a invité à le passer chez lui. J’étais à la fois heureuse d’aller chez lui et en même temps, j’avais peur de lui faire face après ça. Heureusement, il n’était plus fâché contre moi. Enfin, juste un petit peu quand même… Mais en-dehors de ça, il se comportait de façon normale avec moi : des bisous, des câlins, des baisers, des mains aux…

Bref !

J’ai eu un peu peur pour rien. Rien n’avait changé.

Du moins, pour ce début d’été.

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