Chapitre 20.1

3 minutes de lecture

Nantes, Février 2011.

 Je souffle sur mon café trop chaud. Je profite du peu de silence qui me reste. J'entends déjà ses pas rapides dans le couloir. Il ouvre ma porte à la volée et se dirige sans hésitations vers le bureau qui fait face au mien.

  • Bonjour, Alix.
  • Bonjour, Arnaud. Vous allez bien ?
  • Parfaitement. Je suis horriblement en retard, j'en suis désolé. Je ne m'attendais pas à ce que Nantes rivalise avec Paris sur la question des embouteillages.
  • Vous n'avez pas l'apanage des emmerdes, il faut croire.

 Il rit.

  • Vous êtes drôle, Alix. Au moins, on s'amuse bien avec vous. Je n'aurais pas parié dessus en venant en mission ici.
  • Ça sonne si moche que ça, Nantes ?
  • Oh, la Bretagne... La grisaille, la pluie, le vent, les odeurs de poisson et de vache... Bof. Je préfère vivre avec mon siècle.

 Eh bien, au moins c'est franc. Je ne lui retournerai pas le compliment sur l'humour, personnellement.

  • Heureusement qu'il y a de charmantes choses à contempler pour égayer le séjour.
  • Ah ? Vous avez visité le centre-ville, un peu ?
  • De ?

 Il me regarde, interloqué.

  • Vous parliez de contempler de belles choses ?

 Un sourire se dessine sur sa belle gueule. Oui, Arnaud Barthelemy possède une belle gueule, et il le sait. Il est plutôt grand, bien proportionné. Il a des cheveux d’un noir de jais dont la mèche est travaillée avec minutie, des yeux d’une espèce de vert bleu qui interpelle derrière ses lunettes à épaisses montures noires. Il porte un genre de bouc à la Robert Downey Junior qui frémit régulièrement en un sourire enjôleur. Il se pointe chaque matin en pantalon foncé, polos de marque et richelieus cirés à la perfection. Je suis certaine que rien n’est laissé au hasard dans son apparence. En face de lui, je suis rarement coiffée, sapée de travers, maquillée à la va-vite et mes chaussures n’ont jamais été lavées depuis deux ans que je les use. Deux côtés de bureau, deux ambiances.

  • Non, je n'ai pas visité le centre-ville, non. Je ne suis pas très friand de patrimoine.
  • Ah...

 Il me fixe au-dessus de ses lunettes, risée toujours vissé au visage. Je ne sais pas tellement quoi lui dire. Enfin, il m'affirme sans sourciller.

  • Je parlais de vous, Alix.

 Ah. Ma doué ! Il me drague, ce con ?! Il baisse les yeux sur son ordinateur. Et il sourit toujours. Pourquoi il se marre, au juste ? Comme une idiote, je ne réponds pas. Il semble se concentrer sur son écran, puis m'annonce solennellement :

  • Désolé, Alix. J'ai un call.

 Je le regarde quitter la pièce avec son I-phone dernier cri. «Un call». Pfeuh. Jusqu'à vendredi à partager mon bureau riquiqui avec le commercial parisien play-boy, puis je retrouverai mon calme et ma solitude de travail pendant qu’il remontera à sa capitale chérie.

 Il revient au bout de vingt minutes, rigolard. Il doit avoir mal aux zygomatiques à la fin de la journée.

  • On déjeune ensemble ce midi, Alix ?

 Eh bien, franc ET droit au but ! Je me laisse tomber dans le fond de mon siège.

  • Vous n'y allez pas par quatre chemins, Monsieur Barthelemy.
  • Ce n'est pas comme s'il ne me restait qu'une poignée de jours pour attirer votre attention avant de rentrer chez moi.
  • Au moins c'est clair : votre objectif ne vise pas au-delà de vendredi. N’avez-vous pas peur que vos draps sentent le poisson et la vache, après mon misérable passage ?

 Son sourire s'étire davantage.

  • Oh oh ! Belle répartie. Qui a parlé d'un seul ?
  • Avec la fin de semaine comme dead-line ? Quel genre de performances héroïques êtes-vous en train de sous-entendre ? Je préviens, j’ai relativement peu de sympathie pour les crâneurs.

 Il pouffe derrière son ordinateur.

  • Vous vous enflammez, Alix. Je répète mes mots : « attirer votre attention ». Si j’y parviens… j’envisage d’égrainer les passages bien plus loin que votre échéance

 Regard brûlant, moue charmeuse, tête sur le côté : Barthelemy a endossé son rutilant costume de super-séducteur, et prépare son attaque emballé-c’est-pesé. Et le pire… c’est qu’elle flaire le redoutable.

  • Vous vivez à Paris, moi à Nantes, argumenté-je.
  • Et alors ?

 Je secoue mon index en sa direction.

  • Non, non, non. Je ne suis pas une adepte des relations à distance. Disons... que ça ne me réussit pas.
  • Il ne faut jamais rester sur un échec.
  • Facile à dire..., grommellé-je. Vous ne savez pas ce qui...

 Je me coupe. Je ne vais quand même pas narrer ma vie à ce mec sorti de nulle part ?! Il tapote frénétiquement sur son clavier, puis, sans même lever les yeux, m'affirme :

  • Commençons par le déjeuner, Alix. Vous me raconterez tout ça. Je vous laisse choisir le restaurant, c'est ma boite qui paye. Et pitié, épargnez-nous les galettes saucisses.

Annotations

Vous aimez lire Anaëlle N ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0