Chapitre 22.2

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 Les derniers jours d’Août, j'avais posé une nouvelle fois mes valises chez Oscar pour retrouver Andreas et le ramener en France à l'aube de la rentrée scolaire. Masha avait lourdement insisté pour que je sois logée sur place, estimant que c'était la moindre des choses que d'accueillir "la maman du Loulou". J'avais fini par céder devant ses courbettes, d'autant plus qu'Emilia avait rendu les clés de son appartement pour s'installer définitivement avec son cher et tendre, à l'extérieur d'Oviedo : je n'avais plus ma piaule bien pratique.

  Mon fils avait vécu les « meilleures vacances de toute toute toute ma vie ! » et pour cause : Oscar l'avait embarqué plusieurs fois à l'école de voile où il avait ses contacts. Notre fils avait ainsi navigué en compagnie de son père et son grand-père, dans une aventure à trois générations qui avait vissé des sourires durables sur leurs visages et des souvenirs merveilleux dans leurs esprits.

  • Il faut que j'apprenne la voile, Maman !
  • Euh, mon Chéri, tu fais déjà du tennis, c'est pas mal non ?

 Et puis la voile, à Paris, ça va pas être pratique...

  • Mais alleeeeez !

 Oscar et Masha nous regardaient avec amusement.

  • Tu sais, Andreas, j'ai appris à faire de la voile à mes dix-huit ans, moi... T'as encore le temps. On verra plus tard.

 Ce samedi, je reste seule avec Masha, alors qu'Oscar et Andreas sont partis taper dans la balle une dernière fois avant notre départ. La belle blonde se prélasse au soleil en mini bikini, offrant une fois encore son corps de rêve à ma vision. Il faut bien avouer qu'Arnaud a raison : Masha est carrément canon, et même moi je ne peux m'empêcher de la reluquer.

  • Ah ! Tu vas bien, Alix ?
  • Euh, oui, super.
  • Tu ne te mets pas en maillot de bain ? Il fait vachement chaud !
  • Euh... Non mais en short, c'est bien aussi.
  • Ok... Moi d'habitude je fais du top-less, mais là avec Andreas, je m'abstiens.
  • Ah. Oui. Merci pour lui.

 Et pour moi aussi, par la même occasion. Je me passerai de constater l'absolue perfection de ses seins, en harmonie avec tout le reste.

  • Alors, la Grèce, vous avez kiffé ? C'est chouette, hein ! J'y suis déjà allée deux fois.

 J'allais raconter, mais la poupée Barbie me fauche la parole en étalant ses voyages passés, à grand renfort de détails féériques. J'attends patiemment, guettant le moment où elle aura la politesse de me porter attention de nouveau. Rêve. Partie comme elle est, pipelette s'écoute parler.

 Elle se tait soudainement, sourire aux lèvres.

  • Ça te laisse songeuse, on dirait.
  • Euh, oui...

 Je suis décédée sous ton tsunami verbal, déso.

  • Dans le genre magnifique, t'as déjà fait Malte, Alix ? Moi oui, l'an dernier, et...
  • AH ! J'ai soif !

 Je n'écoute pas la fin de sa phrase, et rentre à la maison fouiller dans le frigo et dégoter une limonade rafraîchissante. Je boude un peu. Bon, ouai, je suis vexée. C'est peut-être un peu puéril, d'ailleurs, mais Instagram-Masha m'a pompé l'air.

 Je reviens vers elle, une deuxième limonade en main, et la lui propose. Elle refuse.

  • Non merci, je n'aime pas les trucs gazeux.

 Bon, tant pis. Je m'allonge dans un transat à ses côtés, et bois tranquillement en observant la vue sur Oviedo au loin.

  • Ça se passe bien avec ton mec ?

 Je me tourne vers elle. Lors de notre saut de puce ici en début de mois, Arnaud et Masha n'avaient pas tellement communiqué puisqu'aucune langue ne leur était commune. Oscar et moi avions un peu joué aux traducteurs m'enfin, vu l'hostilité permanente d'Arnaud, nous avions surtout fait bande à part.

  • Euh, oui, très bien.
  • Tant mieux.
  • Pourquoi ?
  • Il est un peu... séducteur, non ?
  • Pourquoi tu dis ça ?!

 Sa question me pique au vif.

  • Quand il est venu, il m'a fait comprendre qu'il pouvait me mettre ma crème solaire, si j'avais besoin d'aide. C'est un peu naze, comme technique. Vu et revu.

 Je ne trouve pas quoi répondre. C'est carrément naze comme approche, on est d'accord, mais je ne veux pas croire qu'il a tenté la moindre approche, justement. Il est en couple, Masha est en couple, nous étions tous sous le même toit : non, c'est inimaginable. Cependant, je n'arrive pas non plus à me convaincre qu'il lui a proposé cela par pure charité.

  • T'es sûre de ce que tu as compris ?
  • Oh que oui ! Ton mec, même s'il ne parle pas la langue, il sait se faire comprendre !

 Oui. Je l'ai constaté en Grèce, effectivement.

  • Bon, bon... Je m'excuse pour lui si tu as trouvé cela déplacé.

 Elle me regarde de nouveau par-dessus ses lunettes, sourcils froncés et mine sérieuse.

  • C'est plutôt à toi qu'il doit des excuses.

 Mon orgueil commence à protester sérieusement, là. Je relève la tête dignement, et réponds dans le plus grand des calmes :

  • Ça va. Je ne suis pas jalouse pour si peu. C'est juste de la crème sur un dos, hein.
  • Ah. Comme tu veux. Vous gérez votre couple à votre manière.

 Elle se réinstalle dans le fond de son bain de soleil et réajuste sa position en remuant des hanches lascivement. Non, là, vraiment, elle me chauffe les oreilles. J'ai envie de lui vider la limonade sur son corps parfait, qu'elle soit poisseuse et collante et qu'un essaim de guêpes la poursuive. Mais vu comme elle est, elle se jetterait dans la piscine avec une élégance de sirène et nagerait suavement un crawl parfait. Pfeuh. Cette fille est légèrement énervante.

 Je n'ai pas beaucoup ré-adressé la parole à Masha. Cette histoire de crème me gonfle, et j'ai envie d'éclaircir cela avec Arnaud en face-à-face, donc je ne pourrais pas avant le week-end d'après.

 Pour leur dernière soirée ensemble, Oscar et Andreas ont voulu s'affaler devant la télévision avec pizzas, pop-corn et dessin animé. Ils nous ont invités à nous joindre à eux : j'ai accepté avec plaisir, mais Masha a décliné : « Mon p'tit Loulou, les dessins animés, c'est pas trop mon truc, tu sais... Je vais plutôt profiter de la piscine. Mais avant, je peux vous faire un coulis de chocolat pour napper vos pop-corns ! ». Andreas a sauté de joie. Y'a pas à dire, Masha a réussi à le conquérir haut la main, ce qui n'est pas une mince affaire avec mon petit hérisson. J'aime beaucoup cette image qui lui va parfaitement bien : au premier abord, Andreas se roule en boule et présente ses piquants, mais lorsqu'on sait l'apprivoiser, on découvre un gamin adorable et vraiment bonne patte. Masha est dompteuse de hérissons, il faut croire.

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