Innocent ?

3 minutes de lecture

- Kenny l'égorgeur ? Vous voulez dire le fameux tueur en série qui a fini par devenir le chef des divisions centrales des brigades spéciales ? demandé-je à mon caporal.

- Exactement.

- Et qu'est-ce qui vous fait dire avec autant de certitude qu'il est notre coupable ? s'enquiert Hitch.

- Un meurtre orchestré par les divisions centrales, un tueur professionnel qui égorge ses victimes avec beaucoup de précision . . . Trop de points convergent vers lui et ça ne peut pas être une coïncidence.

- Oui, vous avez raison. Mais Kenny est mort alors impossible d'en apprendre plus de lui.

- Je sais. Hitch, il faut absolument que tu enquêtes sur ce Lord Edel, c'est notre seule piste pour l'instant.

- Pas de souci, je m'en charge !

Hitch quitte la pièce après un salut militaire.

- Si Kenny est le meurtrier, alors l'enfant est innocent, remarqué-je.

- Non.

- Pourtant, vous . . .

- J'ai dit que Kenny est l'assassin, c'est vrai, mais ça ne veut pas dire que le gamin est innocent.

- Je ne comprends pas . . .

- Kenny était bourré de défauts et c'était loin d'être le type le plus malin du monde mais il ne serait jamais assez stupide pour laisser son arme sur la scène du crime. Ce n'est pas son style. C'est donc un autre couteau qu'avait le gamin, un couteau qui a servi dans la pièce où nous l'avons trouvé.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Tu n'as pas remarqué qu'il y avait du sang dans l'un des coins de la pièce ?

- Non, l'endroit était très sombre.

- Eh bien il y avait du sang dans cette pièce, la même où le petit se trouvait avec un couteau ensanglanté. Tu penses vraiment que c'est une simple coïncidence ?

- Eh bien, non, mais . . .

- Je sais que tu t'es attachée à ce gamin et qu'il est difficile pour toi d'admettre qu'il ait pu commettre un meurtre mais s'il a vraiment tué quelqu'un, tu ne peux pas le nier. Et puis, le fait qu'il se soit servi de ce couteau ne veut pas forcément dire qu'il est un assassin . . .

- C'est bon, l'interrompé-je, attendons juste que Hitch revienne avec les résultats de ses recherches sur Lord Edel.

- Oui, tu as raison. Il ne faut surtout pas tirer de conclusions hâtives.

Nous restons immobiles pendant quelques secondes, sans rien dire, mais cette situation devenant de plus en plus malaisante, j'y mets fin :

- Je vais voir comment va le petit.

- Oui.

Je tourne les talons et quitte la pièce.

*

Je trouve l'enfant dans la chambre où je l'ai laissé, sur le lit, un livre entre les mains. Je m'assieds près de lui :

- Tu lis ? lui demandé-je.

Il lève la tête vers moi et la hoche de haut en bas.

- C'est bien, déclaré-je en caressant ses cheveux.

Il me laisse faire. Il est confiant avec moi, mais j'ai remarqué qu'il évite les autres. Je ne pense pas qu'il ait peur d'eux, si c'était le cas, il n'aurait pas accepté ce livre qu'Armin lui a offert hier soir. Je pense plutôt qu'il a peur de sympathiser. Il ne parle absolument pas et personne ne peut le toucher si ce n'est moi. Quand Eren, mon frère, a tenté de lui caresser les cheveux comme je le fais actuellement, le garçon s'est aussitôt éloigné de lui, n'attendant même pas que la main d'Eren se pose sur ses cheveux. Pourquoi a-t-il aussi peur de se lier aux autres ? Je l'ignore. Seul lui peut nous le dire, mais il ne veut pas.

- Tu ne veux vraiment pas me dire ton nom ? Ce serait tout de même mieux que de t'appeler "le petit garçon blond de la ferme".

À peine ma phrase terminée, il se met à trembler. Je me mords la lèvre, je n'aurai pas dû évoquer le mot "ferme", cela lui rappelle d'horribles souvenirs ! Je tente de rattraper ma bêtise en le serrant dans mes bras :

- Excuse-moi.

Il se blottit contre moi en silence, comme toujours. Je le berce, et au bout de quelques minutes, il s'endort. Je l'allonge alors sur le lit pour le laisser se reposer. J'en profite pour contempler son visage. Il a retrouvé des couleurs, ses joues sont maintenant roses. Ses grands yeux verts sont cachés derrière ses paupières aux longs cils blonds. Ses cheveux viennent entourer son visage blanc d'un cadre doré. Il est si mignon ! Comment peut-on penser une seule seconde qu'un enfant aussi adorable soit l'auteur d'un acte si abominable ? !

Mais en y repensant, j'ai déjà commis cette erreur de nombreuses fois dans ma vie : ne pas voir le mal se cachant derrière le voile d'innocence de l'enfance.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Ystorienne Histoire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0