06h30
Linda est encore assise à son bureau dans la bibliothèque. Elle écrit avec calme, tandis que son regard me laisse voir cela.
/Tu es un petit insecte, allongé sur trois centimètres, et les scientifiques t’appellent, furimia. Mais c’est tellement plus facile, quand on dit furimi. Même si tu scintilles, ton exosquelette brille aussi noir que tes yeux. Avec tes huit pattes, dans nos champs et villages, proche de la surface, c’est là que tu vis, toujours en colonie. Comme une seule entité, sans meneur direct, tu te déplaces à la recherche de proies. Avec ta paire pointue de petites aiguilles fines, produisant un poison de brillante couleur bleue. Tu chasses les insectes nuisibles pour nous, qui sont une nourriture pour toi. Enfin, à cela s’ajoute que, même à forte dose, et bien qu’il provoque des plaques très irritantes, chez nous, il n’est pas mortel. Ton site de reproduction, les femelles l’établissent, tandis que les mâles, eux, s’occupent de l’éclosion, en ingérant les œufs juste après la ponte pour faire fondre l’enveloppe des larves. Et avant que je n’oublie, il faut que j’ajoute que de toi je me méfie./
La furimi reste très utile sur le plan écologique et cela me rappelle l’une des phrases de Mirina.
La nature est une condition innegociable pour notre survie, quelle que soit notre technologie.
(Quand j’ai vu passer Murad, sa main était vraiment enflée et il avait l’air de souffrir.)
Linda observe la pièce pendant que ses pensées continuent. Son regard fixe les nombreuses étagères déjà pleines qui couvrent les murs de la bibliothèque.
(J’aimerais faire entrer de nouveaux livres, mais il va me falloir des étagères plus hautes.)
Elle réfléchit avec calme.
(Serge pourrait sûrement en fabriquer, mais il me faut de quoi le payer.)
Les sens de Linda laissent place à ceux de Paul.
*** *** ***
Il aide Murad à soulever une large dalle plate en pierre de la charrette. La route principale qui mène au moulin sur la colline, est vieillissante.
(Je me demande pourquoi Murad a toujours eu la peau foncée.)
Visiblement, il ne sait pas que Murad est seulement son demi-frère.
« Ok, Paul ! Prêt ? »
Les sens de Murad prennent le relais sur mes perceptions.
*** *** ***
Il observe le regard bleu de Paul avec attention, tandis que ce dernier pense encore.
(Mes cheveux me cachent un peu la vue, j'irai voir Annie dans l'après-midi.)
Tous deux portent la dalle, dont le poids est imposant.
« On pose à trois, Murad ! »
Les pensées de Murad s’expriment malgré la charge soutenue qu’il porte.
(On dirait que Paul supporte bien le poids maintenant qu’il s’est musclé.)
« Un, deux… Trois ! »
Les sens de Paul reprennent le relais.
*** *** ***
Il observe le moulin rustique situé en haut de la colline, tout en respirant fortement.
(Une base en pierre de taille. Son ossature est en chêne et ses pales en peuplier.)
Murad aussi pense, alors qu'il reprend son souffle et regarde sa main.
(La douleur a un peu diminué.)
« Il en reste encore combien à mettre pour refaire cette route, Paul ? »
« Dix ! Mais, allons-y tranquillement, il n’y a pas d’urgence. »
« Au fait, qu’est-ce qu’Amélia nous a préparé pour midi ? »
« Tiens-toi bien, car elle nous a fait du bœuf wagyu. »
« Sérieux ! Ta femme est vraiment la meilleure, on va se régaler ! »
« Murad, je sais qu’Amélia m’a épousé parce que tu lui as dit que ce serait mieux. »
« Elle t’en a parlé alors ? J’aurais préféré qu’elle ne dise rien, mais bon. »
« C’est de toi qu’elle était amoureuse, mais tu l’as convaincue de me choisir. »
« Cela ne change rien au fait que vous êtes un couple solide aujourd’hui ! »
« Je sais, mais je voulais juste te remercier ! Après tout, tu l’aimais aussi. »
« C’est compliqué, Amélia a un caractère très différent du mien. »
« J’avais l’impression que vous vous entendiez bien pourtant. »
« En public, oui, mais en privé on s’engueulait souvent et je pense qu’on aurait fini par se séparer. »
« Je vois, mais j’espère que tu trouveras bientôt la personne qui te convient. »
« Moi aussi ! Allez, on s’y remet ! »
La sueur coule lentement sur leurs visages alors qu’ils reprennent leurs activités. Les sens de Michel m’offre mes perceptions cette fois.
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