07h31
Alors que j'entends la voix de Kenji depuis l'ouïe de Mizuki, une question me taraude, qui suis-je ? Peut-être, Noran, mais je ne peux pas encore l’affirmer.
« Mizuki ? Est-ce que je peux entrer ? »
(Sa chanson ressemblait à celle du festival du renouveau.)
« Laisse-moi un instant, Papa ! »
Mizuki marche calmement vers sa commode, puis ouvre le second tiroir. Elle choisit plusieurs vêtements d’une sombre couleur verte proche du noir et les enfile rapidement. Enfin, d’un geste assuré, elle se tourne vers la porte avec un grand sourire.
« Tu peux entrer, Papa ! »
Kenji entre calmement, tout en observant attentivement Mizuki qui fait de même.
« Tu es très jolie ! Etsuko s’est surpassée cette fois, mais ce pantalon est un peu large. »
« Oui, mais j’aime bien ! Au fait, tu sais que Michel s’est levé tôt ce matin ? »
Kenji s’assied lentement sur le lit, puis regarde le miroir. Mizuki l’imite rapidement.
(Mizuki a toujours eu les joues un peu roses.)
« Ton frère sait assumer ses responsabilités. »
« C’est quelqu’un de sérieux et on peut toujours compter sur lui. »
« Exact, mais est-ce que je t’ai déjà dit qu’Émilie passait des heures devant ce miroir ? »
« Tu me le répètes à chaque fois que tu viens dans ma chambre. »
« En effet… Mais t’ai-je dit que ce n’était pas pour s’admirer ? »
« Hi hi… Oui, son but était d’être une experte en négociation, mais… était-elle plus forte que toi ? »
« Bien sûr ! Son talent, couplé avec ses entraînements, faisait d’elle la meilleure !
Kenji se met à regarder Mizuki dans les yeux, tandis qu’elle fait de même.
(Papa a vraiment les mêmes yeux que Michel, mais moi je suis tellement unique.)
« Par contre, tu ne m’as jamais dit pourquoi tu as insisté pour conserver sa chambre à l’identique ? »
« Eh bien… C'est parce que chaque fois que tu viens, je peux voir ton regard chargé de souvenirs. »
« Tu sais, tu as le droit de la redécorer sans penser à mes souvenirs. »
« Mais j’aime que tu aies un endroit qui te rappelle, Émilie ! »
« Vouloir me faire plaisir est bien, mais pense aussi à tes besoins. »
« Pas de souci, car cet agencement pratique et simpliste me convient parfaitement. »
(Cette veste sans manches lui va bien, et son maillot a l’air léger.)
« D’accord, si ça te va ! »
Kenji fixe le miroir et son regard montre une certaine nostalgie.
« C’est vrai que j’ai beaucoup de souvenirs de cette chambre, d’ailleurs c’est sur ce lit que… »
Kenji s’arrête de parler, tandis que Mizuki le regarde avec des yeux pétillants de curiosité.
(Mince, il s’arrête au moment le plus intéressant !)
« Que quoi, Papa ? »
« Euh… Ce n’est pas une chose dont je devrais te parler. Alors, qu’as-tu prévu aujourd’hui ? »
(Dommage, papa ne veut pas en parler.)
« Je vais aller cueillir des médicinas pour Yumi. »
(Je me suis laissé aller, mais je ne peux pas parler de mes relations sexuelles avec Émilie à Mizuki.)
Observer sans agir est reposant, je commence à mieux maîtriser.
« Au fait, est-ce que tu m’as entendu chanter ? »
Mizuki regarde Kenji avec un amour sincère qui est réciproque.
« J’ai beaucoup aimé ta chanson, mais les paroles étaient différentes. »
« Je l’ai légèrement modifiée, car je n’aurai quinze ans qu’une seule fois. »
(Mizuki n’a pas l’air d’insister, tant mieux.)
« Peux-tu me parler des médicina ? »
La curiosité de Mizuki est perceptible, mais aussi son envie de juste discuter.
« Bien sûr ! Ses feuilles vertes ont la couleur d’une olive foncée. »
« Belle couleur. Tu l'aimes bien, n’est-ce pas ? »
« Oui ! Oh, et elles sont couvertes de poils argentés qui forment une fine couche de givre ! »
« Où est cette couche de givre ? »
« Sur ses fleurs blanches, Papa, et chacunes des cinq pétales étoilés est légèrement translucide. »
« Une très belle plante. »
« Exact ! Mais elle a son côté capricieux ! Elle ne pousse qu’aux endroits qu’elle aime. »
« Eh bien, elle ne nous facilite pas les choses. »
« Yumi m’a dit, du printemps où elle éclot jusqu’au début des premières neiges, pour disparaître. »
« J’arrive parfaitement à la visualiser avec ta description, tu as l’air de bien la connaître. »
« Oui, car c’est une des plantes que Yumi préfère. »
« Si je ne me trompe pas, tu vas aller non loin de l’autel du dernier sacrifice ? »
« C’est vrai que ce n’est pas très loin, mais je ne m’en approcherai pas, promis ! »
« Bien ! Cet endroit n’est pas sain et il vaut mieux en rester éloigné. »
« Je sais, Papa, tu me l’as bien expliqué ! »
« Parfait ! Au fait, tu sais que je dois partir pour Ardentia aujourd’hui. »
« Tu vas faire des choses compliquées ? »
« Il faut que je règle les impôts annuels du village et que je récupère l’argent de nos ventes. »
« Qu’en est-il de l’officialisation de notre apprentissage ? »
(Mizuki est devenue une belle jeune femme.)
« Je m’en occuperai également, ne t’en fais pas. »
« Ce n’est pas trop difficile pour toi de faire un tel trajet chaque année ? »
« Ce n’est pas un problème, n’oublie pas que j’étais un aventurier autrefois. »
« C’est vrai que tu m’en as déjà parlé. »
(Même s’il n’entre jamais dans les détails.)
« J’ai l’habitude des longs voyages et je serai rentré dans la soirée. »
« J’y pense ! Tu n’as jamais eu envie de redevenir un aventurier ? »
« Pas depuis que j’ai mon plus grand trésor. »
(Je peux voir son regard curieux.)
(Papa sent la fleur d’oranger.)
« Ton plus grand trésor ? Qu’est-ce que c’est ? »
D’une main ferme, Kenji caresse quelques secondes les cheveux de Mizuki puis lui sourit.
« Ce sont mes enfants, bien sûr ! Toi et ton frère, vous êtes ce que j’ai de plus important ! »
Mizuki enlace tendrement Kenji, qui lui rend une étreinte chaleureuse.
(J’ai envie de pleurer de joie.)
« Je t’aime, papa ! Michel et toi êtes aussi mes plus grands trésors ! »
« Je t’aime aussi, mais je dois y aller. »
(Ses yeux sont humides, mais son sourire est magnifique.)
« D’accord, Papa ! Passe une bonne journée ! »
(On dirait que j’ai ébouriffé un peu ses cheveux soyeux.)
« Merci, toi aussi, Mizuki. »
Le cœur de Mizuki bat rapidement en cet instant, c’est un contraste intéressant. Kenji se lève avec calme, puis quitte la chambre, tandis que Mizuki se laisse tomber en arrière sur son lit.
(Si je réfléchis à ce que papa a failli dire… C’est peut-être dans mon lit qu’ils ont conçu Michel !)
Mes perceptions glissent sur les sens de Shana, tandis que ceux de Mizuki s’estompent.
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