06h26
Shana regarde l’installation rudimentaire du lavoir, puis lâche le panier au sol.
(Je vais y passer des heures si je dois tout laver à la main !)
Son regard me montre des tonneaux, puis des cordes suspendues horizontalement.
(Je pensais qu’il y avait au moins une machine de lavage ! Je n’ai pas envie de frotter.)
Les sens de Tom prennent le relais sur mes perceptions.
*** *** ***
Il entre dans le lavoir en sifflotant un air nonchalant. Son regard se pose sur le panier, tandis que Shana se retourne pour le regarder.
(C’est la culotte de Mizuki dans le panier ?)
« Bonjour, je m’appelle Tom Johnson et toi ? »
« Bonjour, Shana Elliot. »
« Tu es la fille qui était avec Mizuki, hier ? »
« En effet. »
(Il est tellement petit et chétif, pourtant il doit avoir presque mon âge.)
« Je peux laver le linge pour toi si tu veux ! »
« Merci, mais ce serait bizarre qu’un garçon lave des sous-vêtements féminins ? »
« Tu n’as pas à t’en faire, regarde, je lave aussi ceux de ma sœur. »
(Il ne regarde même pas ma poitrine.)
« D’accord, je te laisse le panier ici, Tom. »
« Cool, je m’en occupe. »
(Je veux sentir l’odeur de Mizuki, même si ce n’est pas correct.)
(Remarque : c’est peut-être une fille, qui s’habille en garçon vu sa voix aiguë.)
« Tu devrais aller faire un tour à la boulangerie en attendant. »
(Mizuki m’a dit que tout le monde était gentil ici. Je vais faire confiance à Tom.)
« Tu es sûr ? »
« Oui, ne t’en fais pas j’ai l’habitude de laver le linge ! »
« Très bien ! »
(Super, j’évite la corvée, mais en fait il est peut-être juste homosexuel !)
Shana quitte tranquillement le lavoir, tandis que Tom s’approche des tonneaux. Il met tremper les vêtements, tandis que les aquinas s’empressent de les coller dans un clapotis joyeux.
(Bon, j’ai plus qu’à les laisser travailler pour profiter de l’odeur de Mizuki.)
Il porte la culotte à son visage et hume l’odeur légèrement sucrée, mais aussi un peu acide.
(Mizuki est la seule personne avec qui je me sens timide, car elle est trop bien pour moi.)
Les sens de Tom laissent place à ceux de Mizuki.
*** *** ***
Elle se tient dans la cour extérieure, devant un mannequin d’entraînement en bois. Mizuki entame une intense série de coups de poing rapides, qui s’abattent sur le mannequin alors que ses pensées défilent.
(Je suis contente que Serge m’ait fabriqué ce mannequin il y a trois ans. Dire que j’ai cassé celui de papa, en frappant trop fort.)
La force des coups est contrôlée, et le son de ses frappes résonne dans l’air.
(Je vais simuler le combat d’hier et le reproduire pour voir comment j’aurais dû réagir.)
Elle fait pivoter ses hanches pour ajouter de la puissance à chaque coup.
(Plus vite, moins appuyer, ce mouvement est superflu.)
Les sens de Shana prennent le pas sur mes perceptions.
*** *** ***
Elle est sur la place centrale d’Hanakaze et regarde Tomo s’entraîner aux arts martiaux avec difficulté.
(Ce garçon s’entraîne durement, mais il débute.)
« Bonjour, je m’appelle Shana Elliot. »
Tomo incline la tête, puis fixe le regard de Shana.
« Bonjour Shana ! Je m’appelle Tomo Igunachi. »
« Je peux savoir ce que tu fais ? »
« Je m’entraîne en suivant les conseils de Mizuki, elle est trop cool. »
« Quel genre d’entraînements ? »
« Plein d’étirements différents ! Des pompes, des abdos, des flexions, de la course à pied. »
« Ce n’est pas trop dur ? »
« Si ! Mais Mizuki dit que la base est cruciale pour devenir fort. »
Mizuki semble mettre les bases du sport en avant en équilibrant force, cardio et souplesse.
« Ça a l’air super, je te laisse continuer. »
(Je vais visiter le village pendant que Tom fait la lessive.)
« D’accord, merci, Shana. »
Les sens de Mizuki redeviennent mes perceptions.
*** *** ***
Cela me permet de sentir la force des coups de pied hauts qu’elle enchaîne sur le mannequin.
( Je suis trop lente, il faut que j’aille plus vite avec moins de force.)
Elle le frappe avec précision, puis pivote ses hanches avec de l’inertie pour augmenter la force de ses jambes.
(C’est un peu mieux, mais insuffisant !)
Des frappes circulaires latérales suivent, tandis que chaque mouvement est calculé.
(Je peux faire mieux !)
Elle combine des attaques bras et jambes pour créer de dynamiques séquences fluides.
(Non, ce n’est pas assez !)
Ses mouvements sont rapides et puissants, mais elle est obligée de se retenir pour ne pas briser sa cible, et malgré l’effort intense, elle ne transpire pas, tandis que son rythme cardiaque reste faible.
(Je sens que quelque chose me retient encore !)
Mes perceptions passent sur les sens de Shana.
*** *** ***
Elle entre dans la boulangerie avec curiosité, puis observe les étagères et le comptoir en sentant les odeurs sucrées. Samuel lui sourit et l’interpelle.
« Bonjour ! Je m’appelle Samuel Ariin ! Tu dois être Shana ? Kuroki m’a parlé de toi ! »
« Bonjour Samuel, C’est exact. »
(Les nouvelles vont vite, dire que je ne suis là que depuis hier.)
« Si tu veux, j’ai aussi du bon pain tout frais, mais peut-être préfères-tu des croissants. »
« Non, merci. »
Shana observe rapidement les produits et fixe son regard sur des gâteaux secs.
(L’odeur est enivrante, la pâte à l’air très moelleuse, et je sens divers parfums, cannelle, gingembre. Les fruits secs sont variés : raisins, abricots, figues, dattes et tant d’autres.)
« Je vais prendre vingt petits gâteaux aux fruits secs. »
« Tout de suite, mademoiselle. » Samuel met calmement les gâteaux dans un petit sac en toile qui est compartimenté. « Deux pièces de bronze, le sac est réutilisable, n’hésite pas à me le rapporter. »
« J’y penserai. »
« Tu as l’air de te poser plein de questions ? »
« Comment vous pouvez proposer des prix aussi bas ? »
« C’est parce que les matières premières me sont toutes fournies gratuitement. »
« Comment ça ? »
(Il n’y a aucune poussière, Samuel doit être maniaque sur la propreté.)
« Je gagne de l’argent avec mes clients et mes fournisseurs se servent sur les produits finis. »
« Est-ce que ça fonctionne vraiment ? »
(Des tissus protègent même les produits du bois.)
« Pour nous, oui, Kenji a mis en place ce système pour éviter les pertes inutiles. »
C’est le principe du troc, mais uniquement entre fournisseur et fabricant.
« Ce modèle économique est étrange… Comment fonctionne-t-il ? Qui vous approvisionne ? »
« C’est un échange équitable, et tout est produit au village. »
Soudain, James entre en souriant alors que la clochette tinte.
« De quoi vous parler ? Une nouvelle tête… Tu dois être Shana ! »
« En effet, et vous… »
(Il a une sacrée barbe !)
« Je gère l’épicerie ! Je m’appelle James Tagart. »
« On parlait des échanges de ressources. »
« Les fermiers fournissent le blé au meunier contre de la farine ! »
« Laisse-moi lui expliquer, James ! »
(Il veut toujours impressionner la clientèle.)
« Bien sûr, Samuel ! Je vais juste te prendre trois pains et deux croissants ! »
Samuel sert James, puis se tourne vers Shana.
« Désolé pour l’interruption… Donc, le meunier donne une partie de la farine contre mes produits et les vergers offrent les fruits dont on a besoin, puis on les sèche pour en avoir toute l’année. »
Camille et Caroline entrent dans la boulangerie en trombe.
« Samuel ! Je veux du pain pour les oiseaux ! »
« Bonjour ! »
(Elle est nouvelle, cette femme ?)
« Voilà, mesdemoiselles. »
(Ces deux-là n’arrêtent pas, la dernière fois c’était pour les écureuils.)
« On y va, Caroline ! Vite, avant que les oiseaux partent ! »
Les filles sortent aussi vite qu’elles sont rentrées, tandis que la clochette tinte encore.
« Elles sont pleines de vies ! »
(C’est toujours agréable de voir des enfants heureux.)
« Oui, Camille et Caroline sont des furies. »
« Bon, je reprends ! La ferme fournit les œufs, le lait et le beurre, les ruchers le miel. »
« Tout le monde en ressort gagnant à la fin, car on a une cagnotte commune. »
« Je fournis aussi gratuitement mes produits aux arboriculteurs, fermiers, et apiculteurs. »
« Ils ne payent pas vos produits ? C’est donc une relation de confiance. »
« Oui, même si, à grande échelle, il y a peu de chance que cela fonctionne. »
« Qui serait le dire sans essayer, Samuel ! »
« Depuis combien de temps faites-vous cela ? »
« Ça va faire dix ans qu’on fonctionne ainsi. »
Shana prend l’un des gâteaux et en mange un morceau avec un grand sourire.
(Ils sont tellement moelleux, et je peux sentir une légère touche de miel qui remplace le sucre.)
« Bon, moi, j’y vais. »
« Merci pour l’échange, Samuel. Tes gâteaux sont délicieux, mais je dois y aller aussi. »
« Le plaisir est pour moi, repasse quand tu veux, toi aussi, James. »
Les sens de Mizuki deviennent mes perceptions.
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