01. Un petit coup de philosophie

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Ysée

Je déambule au milieu de toute cette nouvelle bourgeoisie qui a pleinement bénéficié de la reconstruction du pays depuis la guerre. Ils ont de l’argent et ils veulent le montrer. Ce n’est pas forcément pour côtoyer ce type de personnes que je me suis lancée dans la politique mais je les considère comme un mal nécessaire. A priori, ils ne sont pas corrompus comme l’élite précédente, ils cherchent vraiment à entreprendre et à développer le pays, ce n’est pas amoral qu’ils y gagnent un peu personnellement au vu des risques qu’ils prennent et du temps qu’ils passent au sein de leurs entreprises. Dans l’assemblée présente, il y a aussi pas mal de militaires et, comme c’est le cas lorsqu’une révolution s’est produite récemment, il y a des hommes et quelques femmes de tout âge et de toute origine. Personnellement, même si j’adore contempler les corps de ces soldats et leur musculature, je me dis que tant qu’ils sont si nombreux dans tous nos événements, c’est que quelque chose cloche et qu’il y a encore du travail à faire pour affirmer la démocratie et laisser réellement le pouvoir au peuple.

— Madame la Ministre, vous voulez boire quelque chose ?

Je sors un instant de ma rêverie, toujours surprise quand on s’adresse à moi aussi formellement. J’ai vraiment du mal à m’y habituer car j’ai toujours vécu simplement et ce formalisme agit encore comme un choc émotionnel quand il est à mon intention.

— Je veux bien un verre de jus d’orange, Matiz. Merci.

Il lève un sourcil, étonné de ma commande. C’est vrai qu’il commence à avoir l’habitude de ces événements un peu guindés depuis le temps qu’il travaille au Ministère de la Culture et c’est rare que je ne profite pas d’une petite coupe de pétillant. Mais ce soir, je veux garder la tête froide car notre invité est un philosophe allemand dont les idées sont soi-disant révolutionnaires. Si je ne veux pas avoir l’air trop stupide, il vaut mieux que j’ai les idées claires. D’autant plus que l’alcool me monte vite au cerveau et me conduit souvent à des conduites pas très dignes d’une Ministre.

Je récupère mon jus et me dirige vers Karl, le philosophe, qui m’accueille avec un sourire et s’adresse à moi en français, langue que je maîtrise parfaitement, comme beaucoup de mes concitoyens. Il a un petit accent mais il reste parfaitement compréhensible.

— Bonsoir, Karl. Tout se passe bien ? Vous êtes prêt pour votre petit discours de présentation de votre nouvelle théorie ?

— Bonsoir, Ysée, me lance-t-il avec un sourire avenant. Tout se passe très bien, oui. Et pour vous ? Vous êtes resplendissante encore, ce soir. C’est fou comme votre belle chevelure brune attrape la lumière.

Je ne peux m’empêcher de rougir un peu à ce compliment et me morigène pour cette faiblesse qui va lui faire croire que je ne suis qu’une petite poulette présente en tant que faire valoir.

— Eh bien, espérons que lorsque vous nous présenterez votre théorie de la relativité du sentiment de plénitude, vous serez un peu plus fin dans vos propos, sinon vous risquez vite d’être ridicule, Karl. Je compte sur vous, lancé-je en m’éloignant après cette petite attaque gratuite.

Je m’en veux un peu de cette répartie qui n’était pas méritée car il est resté tout à fait correct, mais je n’aime pas que seule mon apparence soit mise en valeur. Je déteste encore plus réagir à ce type de compliments comme si j’étais une midinette sans cervelle. Certes, je suis une des plus jeunes membres du gouvernement avec mes vingt-neuf ans, mais cela ne veut pas dire qu’ils m’ont choisie juste pour mon physique. Et il faudrait vraiment que j’apprenne à rester professionnelle même quand on me félicite juste pour mon cul. Je fais un signe à Matiz qui comprend tout de suite ce dont j’ai besoin et suis soulagée de pouvoir tremper mes lèvres dans un verre de champagne qui me fait un bien fou pour me décontracter un peu.

— Madame la Ministre ? Auriez-vous quelques instants à m’accorder ?

Je me retourne et dévisage l’homme qui vient de s’adresser à moi et dont la voix un peu hésitante contraste avec la carrure et la stature du personnage. Je prends le temps de le dévisager avant de lui répondre et constate que l’uniforme le met superbement en valeur. Il a une quarantaine d’années et une prestance qui le rend séduisant. Un peu trop petit à mon goût mais bien costaud et je suis obligée de calmer mon cerveau qui s’emballe déjà en imaginant ce que ça ferait d’être câlinée par ces deux bras musclés.

— Oui, bien sûr, Colonel… ? Désolée, je ne me souviens plus de votre nom.

— Colonel Tribiak, mais appelez moi Thomas, je vous en prie, sourit-il en cognant son verre contre le mien.

— Que puis-je pour vous, Colonel ? rétorqué-je sans m’embarquer dans une familiarité que je ne souhaite pas instaurer entre nous, même si je pourrais facilement craquer pour la force brute que je ressens alors qu’il reste près de moi.

— Ok, je m’y suis mal pris ? Je ne voulais pas vous offenser et je m’excuse si c’est le cas. Vous passez une bonne soirée ?

— Disons que si je n’étais pas Ministre, je critiquerais le manque d’action et de rebondissements, mais mon devoir de réserve me fera vous répondre que tout se passe exactement comme prévu.

Mince, l’alcool agit déjà sur moi et je commence à être sans filtre alors que je n’ai bu qu’une demi-flûte. Il va falloir que je fasse attention si je ne veux pas déraper comme ça a déjà pu m’arriver.

— Je vois. Étant bien élevé, je vais vous rétorquer que la soirée est agréable, et vous ne lirez pas entre les lignes qu’on s’ennuie quand même un peu.

Je ne peux m’empêcher de rire à son petit mot et je suis amusée de voir qu’il bombe un peu le torse, ravi d’avoir réussi à me dérider.

— La philosophie, cela ne vous intéresse pas ? Karl a une théorie vraiment riche et passionnante, vous savez ?

— Eh bien, je suis militaire. Autant dire que je ne suis pas réputé pour mon intelligence, vous savez ? Enfin… Disons que je trouve tout ceci un peu trop plat pour vraiment me divertir, aussi intéressante soit cette théorie. Je suis un homme d’action, moi.

— On voit en tous cas que vous avez le physique pour faire tout type d'action, en effet, rétorqué-je en lui souriant.

Je n’en reviens pas, me voilà en train de flirter avec lui. Ce n’est pas sérieux, ça, Madame la Ministre.

— Vous ne croyez pas si bien dire, rit-il avant de me lancer un regard intense. Je dois avouer que j’aime votre franc parler, Madame la Ministre. C’est… troublant. Dans le bon sens, j’entends.

— Je vous perturbe, c’est ça ? demandé-je en posant une main sur son bras en me rapprochant de lui.

— Étant bien élevé, je vais vous dire que j’apprécie grandement cet échange, et je vous laisse lire entre les lignes pour la suite, souffle-t-il en posant sa main sur la mienne. Ou je vous parle plus clairement en acquiesçant à votre question, tout en vous assurant que c’est très excitant.

J’avale une gorgée supplémentaire de mon champagne avant de lui murmurer à l’oreille, vraiment impressionnée par sa carrure dans son bel uniforme militaire :

— Eh bien, cher Thomas, je vous propose de vérifier cette excitation dès que la cérémonie est terminée. Je vous rejoins à votre hôtel dès que je suis libérée de mes obligations ici, cela vous convient ?

— J’ai vraiment hâte et je ne peux qu’accepter. Je ne sais même pas si je vais parvenir à tenir jusque-là, pour être honnête. Vous êtes hypnotisante, difficile de détourner le regard depuis que vous avez fait votre apparition dans la pièce.

Flattée par sa remarque, je lui souris et m’éloigne de lui, ravie de l’effet que je fais à ce beau militaire. Je passe le reste de la soirée à gérer les obligations liées à ma fonction, délicieusement consciente du regard de Thomas posé sur moi durant tout l'événement. Dès que je le peux, je m’éclipse après avoir salué la Présidente et son fils et file vers l’hôtel qui se trouve à une courte distance à pied. Je vérifie sur le petit papier que m’a remis le militaire avant de partir et me dirige immédiatement vers sa chambre. Je toque discrètement et il m’ouvre la porte. Je suis déçue de voir qu’il a déjà retiré son uniforme et qu’il ne porte plus que ses sous-vêtements et un maillot de corps blanc un peu informe.

— Eh bien, Thomas, déjà prêt à dormir ? me moqué-je gentiment en pénétrant dans sa chambre.

— Je n’avais pas envie de perdre de temps, Ysée, susurre-t-il à mon oreille en se pressant dans mon dos. Les uniformes sont longs à enlever.

C’est justement ça qui en fait le charme et qui permet à la température de s’élever progressivement ! Bref, vu ce que je sens contre mes fesses, pas besoin de l’exciter, il a déjà l’air prêt à l’action et effectivement, le militaire se débarrasse de son caleçon et vient relever ma robe sur mon dos. Il ne va quand même pas me trousser comme une servante ?

— Thomas… Un peu de patience, voyons, tenté-je de lui faire comprendre pour calmer ses ardeurs.

— Tu n’en as pas envie ? gronde-t-il à mon oreille avant de déposer des baisers humides dans mon cou.

En réalité, j’ai l’impression que l’alchimie que j’ai cru déceler au début de la conférence a complètement disparu mais je ne me sens pas de lui dire. Prenant mon silence pour un accord tacite, je l’entends déchirer le paquet d’un préservatif et suis soulagée de cette précaution. Je me retourne et m’installe sur le lit, écartant les jambes pour lui faciliter l’accès. J’essaie de me mettre dans le bon état d’esprit, d’imaginer des scénarios excitants mais mon attention est entièrement focalisée sur son gland enrobé de plastique. Pas une caresse, pas un baiser, il se contente de m’attraper par les hanches et me pénètre sans aucune attention à mon désir. Et je n’ai pas le temps de m’exciter en pensant à certains de mes fantasmes que son souffle s’accélère déjà et qu’il grogne en se collant à moi. Ce n’est pas vrai, si ? Le mec est déjà en train de jouir ?

Je reste incrédule quand il se retire et je constate, vraiment perplexe, qu’il a effectivement rempli le condom et qu’il est en train de l’enlever. Je regarde l’horloge et observe qu’il ne s’est écoulé que sept minutes depuis mon entrée dans sa chambre. L’avantage, c’est que je n’ai pas grand-chose à faire pour réajuster mes vêtements et je profite qu’il soit parti dans la salle de bains pour m’éclipser. Je referme la porte alors que j’entends qu’il active le mécanisme de la chasse d’eau. Je crois que je vais faire la même chose que lui et envoyer cet interlude aux égouts. Quelle déception ! Cela m’apprendra la prochaine fois à me fier à l’uniforme. On ne m’y prendra plus, je me le promets, et la prochaine fois qu’un type m’attire juste parce qu’il porte une tenue militaire, je saurai écouter ma raison et me contenter de mes jouets et de mes fantasmes.

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