21. Un expert exaspérant

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Ysée


Que je suis excitée ! J’ai reçu une confirmation de Julia, les Grâces sont bien arrivées et, d’après le rapport qu’elle a reçu, elles sont en pleine forme. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m’a dit ça avec un petit sourire qui ne m’a pas trop rassurée, mais comme elle n’a rien ajouté, je me dis que tout va bien. C’est fou, la chance que nous avons de recevoir dans notre pays ces stars internationales qui ont laissé une si forte impression lors de leur dernier passage il y a trente ans. Je suis tellement contente que le concert prévu soit enfin sur le point d’être proposé à tous les fans du pays, aussi bien en direct, sur place qu’en retransmission télévisée. C’est une vraie fierté d’avoir réussi à tout organiser et là, je m’occupe des derniers détails en attendant les chanteuses que des hommes de Julia doivent ramener en début d’après-midi.

Je décide d’ailleurs d’aller vérifier que les lumières et les spots ont été bien installés en me rendant sur scène. C’est incroyable la petite pointe de trac que je ressens en étant ainsi debout, seule devant ces rangées de fauteuils vides. Il n’y a personne qui fait attention à moi et pourtant, je suis déjà prise d’une vive émotion. Mais comment font les Grâces pour ne pas trembler sur leurs jambes ? Je me ressaisis, me place derrière les trois micros et constate avec satisfaction que tout est en place. La soirée s’annonce bien.

Alors que je vais me retourner pour aller m’occuper des loges et vérifier que les désirs des stars ont été respectés, j’entends un grand éclat de rire près de l’entrée et cherche du regard d’où provient l’agitation et qui ose troubler la préparation de la salle. Oh non ! Elles sont déjà là ! En avance ! Mais comment ça se fait ? Les stars ne sont-elles pas censées arriver toujours avec du retard ?

Je file les rejoindre car j’ai vraiment trop hâte de rencontrer les trois femmes dont on m’a tant parlé. Lorsque j’arrive près d’elles, je constate qu’elles sont escortées par le beau blond, Mathias, et par Stefan. Ils forment un groupe assez improbable, je trouve. Je reconnais tout de suite Erin, la rouquine dont la voix est si claire et limpide qu’elle nous envoie côtoyer les cieux dès qu’elle chante. Elle est curieusement en train de chuchoter quelque chose à l’oreille du Français qui a l’air gêné par ce qu’il entend. Je me demande bien quel secret elle a à lui dire. Les deux autres sont pendues aux bras de Stefan qui avance tel un paon au milieu de sa basse-cour. Brenda est encore plus voluptueuse que sur les photos et les vidéos que j’ai pu voir et je peux comprendre pourquoi le regard du colosse à ses côtés est toujours attiré par son décolleté plongeant. De l’autre côté, Jenna a l’air aux anges et je m’étonne de la voir déposer un bisou dans le cou de Stefan. C’est quoi, cette histoire ?

— Bonjour et bienvenue à toutes les trois ! J’espère que vous avez été bien accueillie et je me réjouis de vous voir parmi nous ! Je suis Ysée Bordalak, la Ministre de la Culture. Nous avons échangé avec votre agent ces dernières semaines. Il n’est pas là, d’ailleurs ?

Je les accueille en anglais, ce qui a le mérite de leur décocher un sourire, et c’est Erin qui me répond car j’ai l’impression que les deux autres sont trop occupées à câliner Stefan pour faire attention à ce que je leur dis.

— Enchantée, Ysée, c’est un plaisir et l’accueil a été du tonnerre, glousse-t-elle en jetant un œil au Français. Notre agent doit atterrir dans l’après-midi, une histoire de rendez-vous je ne sais où pour je ne sais quoi.

Je fronce les sourcils et me demande de quelle façon elles ont été accueillies pour réagir de la sorte, mais je me fais la réflexion qu’elles ont l’air plutôt contentes et que je devrais prendre cette information avec plaisir.

— Nous sommes en train de finir de tout préparer et j’espère que nous avons réussi à répondre à toutes les demandes formulées par votre agent. J’ai personnellement fait attention à ce que tout soit parfait ! Je suis tellement heureuse que vous soyez là ! Vous voulez vérifier ? Qu’en pensez-vous déjà, à première vue ?

Je réalise que j’enchaîne les phrases et les questions presque sans respirer tellement je suis excitée par le fait d’être en présence de ces trois femmes que je rêvais de faire venir depuis ma nomination.

— Ysée a pris très à cœur la préparation de la salle, intervient Snow. C’est plutôt joli, si on aime les ambiances sombres et les chambres noires, non ? Vous devriez faire le tour, Erin, voir si ça vous plaît, ce serait dommage qu’on vous voie à peine pendant tout le concert !

Non, mais de quel droit se permet-il de critiquer les réglages de la lumière ? J’ai tout simplement veillé à mettre en place l’ambiance intimiste préconisée par l’agent. Je crois que c’est tout à la fois pour rendre le concert plus chaleureux mais aussi pour mieux dissimuler les premières rides des trois stars qui ne se sont plus de première jeunesse.

— Ce n’est pas trop sombre ! Les spots mettent juste en valeur les chanteuses, m’agacé-je.

— On peut voir ce que ça donne ? me demande Erin en entraînant Snow sur scène.

Il la suit sans rechigner, tout comme les deux autres chanteuses qui s’arrangent pour que Stefan soit aussi de la partie, et je suis contrainte de les suivre sur scène pour ne pas rester toute seule dans mon coin. J’ai un peu l’impression d’être la cinquième roue du carrosse dans l’histoire et cela commence à m’énerver. Les gardes devraient rester à leur place plutôt que de venir s’immiscer dans nos discussions.

— Est-ce que ça vous convient ? On a fait au mieux avec la configuration de la salle. Elle est un peu plus petite que celles qui sont dans les autres capitales, mais ça renforce le côté intimiste, non ?

— C’est pas mal, mais Mat a raison, il faut plus de lumière, sur le public surtout. Il faut qu’on puisse le voir, si c’est intimiste. Du moins, il faut qu’ils pensent qu’on les voit.

Mat” a raison ? Ils en sont déjà aux petits noms ? Eh bien, il ne perd pas de temps, le blondinet ! Et en plus, il se permet de critiquer notre travail et elle, bien sûr, elle en rajoute une couche.

— On va rajouter des spots si c’est ce que vous voulez. Brenda et Jenna, vous êtes d’accord aussi ? Cela ne va pas vous déranger ? Ou peut-être qu’il faut que je demande au Lieutenant Français ? J’ai l’impression qu’il est expert dans beaucoup de domaines, ajouté-je, un peu amère.

— Lieutenant, hein ? glousse Erin en observant l’intéressé. Je savais bien que ce sex-appeal ne venait pas seulement du costume ! J’aime les hommes autoritaires…

— Erin a raison, poursuit Jenna en me souriant. Ce n’est pas facile de régler les éclairages, mais je crois que le Lieutenant a vu juste, désolée, Ysée. Ce n’est pas contre vous, évidemment !

— Faut croire que le beau blond a l’œil, glousse Brenda en abandonnant Stefan pour se glisser sous le bras de Snow. Bien joué, beau gosse !

— Merci, Brenda. Effectivement, j’ai l’œil vif, sourit Snow alors que son regard me parcourt de la tête aux pieds.

— Moi, je pense que l’homme autoritaire veut juste qu’on lui facilite son travail et qu’on mette des spots sur chaque individu suspect, ça ne doit pas avoir grand-chose à voir avec l’art, persiflé-je. Mais bon, c’est vous qui décidez. Je vais en faire rajouter. D’autres demandes, Lieutenant Beau Gosse ?

— Hum… J’ai déjà demandé à ce qu’on me débarrasse de vous, Ysée, mais cette demande m’a été refusée, alors… Non, pas d’autre demande, me lance-t-il en haussant les sourcils, amusé.

Je lève les yeux au ciel alors que les trois stars éclatent de rire à mes dépens. Ce con est en train de tout gâcher et cela m’exaspère au plus haut point.

— Je crois qu’il reste des brèches de sécurité, Snow. A l’endroit où vous devriez vous trouver ainsi qu’à celui où devrait être Stefan. Quel dommage, vous allez devoir nous laisser… Que je suis triste !

— Qui êtes-vous et qu’avez vous fait d’Ysée ? m’interroge-t-il en venant poser sa main sur mon front. Vous êtes malade ? Depuis quand la sécurité vous intéresse-t-elle ?

Je le repousse vivement et m’écarte de lui, surprise de la petite décharge électrique ressentie à son contact. Les trois Irlandaises nous regardent, amusées, alors que Stefan a senti le vent de ma colère monter et s’est déjà éclipsé.

— Alors, déjà, vous ne me touchez pas ! C’est quoi, ça ? On n’a pas gardé les cochons ensemble, à ce que je sache. Et ensuite, je m’occupe de sécurité depuis que vous vous occupez d’art. Alors, allez faire votre boulot ou le concert, c’est à la télé que vous le verrez. Quant à vous, Mesdames, complété-je en essayant de prendre un ton plus calme, je suis à votre disposition pour vous servir et vous offrir les meilleures conditions possibles pour le concert. N’hésitez pas à me dire les autres améliorations à apporter.

— Oh non, il nous faut notre petit Matou chéri, intervient Brenda, privée de son colosse et qui se rabat vers le blond costaud.

— Mais je suis là, Mesdames, rien que pour vous. J’ai été missionné pour assurer votre sécurité jusqu’à ce que mon collègue me relève en fin d’après-midi, quand bien même cela pose problème à notre charmante Ministre, sourit-il, me lançant un regard provocateur.

— Rien que pour nous ? minaude la grande Jenna en papillonnant des yeux. La crème du militaire français à notre service ! Que demander de plus ? Vous pourriez nous amener quelque chose à boire, Madame la Ministre ? Nous allons faire les essais de voix et joli Mat va nous aider en nous indiquant si l'équilibre est bon, n’est-ce pas, beau gosse ?

— Avec grand plaisir, ma belle ! Allez, suivez-moi, je vous emmène dans votre loge. Et interdiction de me tripoter les fesses, cette fois, s’esclaffe-t-il en attrapant la main d’Erin au vol.

Alors, là, c’est le pompon. Me voilà reléguée à faire le service pendant que Monsieur le “joli” Mat se pavane avec elles ! Et je sens qu’il s’amuse à me provoquer avec ses petites phrases, je sais que je ne devrais pas réagir, mais comment rester de marbre devant tant de piques lancées de manière pas si innocente que ça ? Ça promet si le reste de la soirée jusqu’au début du concert est comme ça. Et le pire, c’est que ce qui m’énerve le plus, ce n’est même pas de ne pas être considérée par les Grâces, c’est de voir ce type qui m’horripile céder à leurs avances et suggestions ! Pourquoi est-ce que ça me rend si jalouse alors qu’il a bien le droit de faire ce qu’il veut ?

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