48. Chaude, de près comme de loin

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Mathias

Cette soirée a viré au cauchemar. La journée avait pourtant été sympathique, totalement à l’opposé de ce qui s’est déroulé ces dernières heures. J’ai détesté retrouver la Lila d’il y a quelques années, celle bien trop dans son élément dans un environnement où le danger rôde, où les balles fusent. Tout comme j’ai détesté entendre Sophia pleurer, l’imaginer avoir peur. Évidemment, à son âge, elle ne comprend pas tout, mais l’ambiance de terreur et de danger l’a saisie malgré tout. Et j’ai peu apprécié de voir à nouveau Ysée sous le feu ennemi, même si cette petite furie a assuré. Quant à moi, je me suis haï de m’être mentalement plaint du calme de la mission. Bref, ce qui s’est passé ce soir est malheureux, mais dieu merci, nous ne nous sommes pas trop reposés sur nos lauriers et la surveillance extérieure a permis d’anticiper l’attaque pour ne pas nous retrouver coincés dans la maison sous les feux nourris.

Je secoue doucement Florent pour le réveiller et constate que la fatigue commence à se faire sentir puisqu'il peine à émerger.

— Allez, debout mon pote, j'ai besoin de dormir aussi, je suis K.O, murmuré-je.

— Ouais, ouais, une seconde, marmonne-t-il en s'étirant.

Je jette un œil aux filles endormies à quelques mètres de là et me décide à m'installer plus près d'elles pour piquer un somme. Je ne dormirai sans doute pas aussi bien qu'en étant plus éloigné, mais je préfère rester près d’elles… D’elles trois. Pas très pro, Snow.

— J’ai rien vu aux alentours, pas de mouvements. Je ne pense pas qu’ils aient compris qu’on a bifurqué sur le chemin de la vallée.

— Tant mieux, ça promet une nouvelle garde pleine de rien du tout, grommelle-t-il en se levant.

— Au moins, on n’essuie pas de tirs et personne n’est blessé, soupiré-je en l’aidant à se lever. A tout à l’heure, Flo. Bon courage.

Je lui pique sa couverture de survie et approche lentement du matelas que je ne pourrai pas partager avec les filles, comme Ysée qui s’est couchée à côté. Je m’agenouille près d’elles et dépose un léger baiser sur leurs joues rondes avant de m’installer derrière la Ministre, dont le souffle apaisé me fait sourire. Elle a eu beau bougonner d’être envoyée au lit, elle avait besoin de sommeil, comme tout le monde ici.

Je tire davantage la couverture sur Ysée et me fige quand elle se retourne dans ma direction. Je n’ose plus bouger, la main levée en l’air, jusqu’à ce qu’elle pose la sienne sur mon torse. Ok, je n’ose même plus respirer maintenant, surtout qu’elle palpe dans son sommeil, la jolie furie. Je sens ses doigts parcourir mon pectoral et descendre sur mes abdos, et souffle doucement lorsqu’elle se rapproche et pose sa tête contre mon torse, se pressant contre moi. Merde… Double merde, parce que sa jambe passe sur la mienne, se lovant davantage contre moi.

Un peu de tendresse, putain, ça ne fait pas de mal, et je n’ai aucune envie de la repousser, au contraire. Je referme d’ailleurs mes bras autour d’elle, elle dort alors au moins, elle ne m’en voudra pas. De toute façon, c’est bien elle qui, tout à l’heure, m’a câliné alors que je n’avais rien demandé.

J’essaie de me concentrer sur autre chose que son petit corps chaud contre le mien, histoire de faire redescendre le début de tension dans mon bas-ventre, sinon je ne suis pas près de dormir. Je ne me sens pourtant pas partir…

Quand je me réveille, la place à mes côtés est vide, plus personne n’est logé dans mes bras. Lila et Sophia sont encore endormies et je souris en voyant leurs petites bouilles. Un coup d’œil vers l’extérieur me permet de constater que l’aube pointe à peine son nez. J’aurais sans doute pu dormir une petite demi-heure de plus, mais tant pis. Je me lève en silence, récupère mon arme et traverse la grange pour retrouver Florent à l’extérieur. Flo qui n’est pas à son poste… Qu’est-ce qu’il fout ? Et Ysée, où est-ce qu’elle est ?

J’avoue que je suis étonné de ne pas m’être réveillé lorsqu’elle s’est levée. J’ai le sommeil plutôt léger, je dois vraiment être crevé, puisque j’ai dormi d’une traite. Mais là, je stresse un peu. Et si quelqu’un s’était infiltré dans la grange pendant ce temps ? Non, c’est n’importe quoi, les filles ne seraient plus là si tel était le cas.

Maintenant, j’hésite quant à savoir quoi faire. Laisser les filles pour aller chercher les deux autres ? Pas l’idée du siècle. Sérieux, qu’est-ce qu’ils sont partis faire ? Tant pis, je fais un tour rapide, je veux m’assurer que tout roule, alors je m’éloigne un peu du bâtiment pour partir à leur recherche.

Je m’éloigne donc de la grange, non sans jeter un œil aux alentours, à la fois pour vérifier qu’il n’y a personne et que les habitants de la maison, à quelques centaines de mètres de là, ne me grillent pas. J’espère qu’ils ne sont pas partis trop loin et que les filles ne vont pas se réveiller pendant notre absence, sinon elles risquent de paniquer. Bon dieu, on a connu plus agréable, comme réveil, quand même. Pourquoi Ysée n’est tout simplement pas restée couchée ? Peut-être qu’il y aurait eu un certain malaise, mais au moins, je n’aurais pas eu à partir à sa recherche à peine réveillé !

Tout mon corps se fige lorsque j’aperçois Florent à une petite centaine de mètres, planqué derrière un arbre, son regard fixé au loin. Je me secoue et me mets moi aussi à couvert en enlevant la sécurité de mon arme, puis tente discrètement de capter ce qu’il voit. Est-ce qu’ils nous ont trouvés ? Et où est donc passée Ysée ? Qu’est-ce qui se passe, bordel ! Je ne vois rien, je n’entends rien, alors j’approche lentement, me servant des arbres pour ne pas révéler ma position. Bizarrement, mon cerveau et mon corps sont maintenant à fond, plus aucune brume d’un reste de sommeil ne vient parasiter mon esprit. Malgré tout, je ne parviens toujours pas à distinguer ce qui retient l’attention de Florent. Lui reste immobile, même pas alerté par mon approche qui, si elle est discrète, devrait quand même le faire réagir. Faut croire que la retraite l’a vraiment ramolli, le pauvre.

J’avance encore de quelques arbres et la lumière se fait lorsque j’aperçois au loin Ysée plongée dans la rivière. Putain, elle est folle ou quoi ? Je comprends mieux l’absence de Flo et son manque de réactions, d’attention sur son environnement. Ce pervers est en train de la mater ! J’hallucine ! Bon… Je comprends, j’avoue, parce que j’ai bien du mal à détourner le regard du dos totalement nu de la Ministre, de la courbure de ses reins alors qu’elle s’asperge avec grâce… Mais j’avoue surtout que l’attitude de mon collègue me fout en rogne. Pourquoi, au juste ? C’est malpoli. Oui, c’est juste ça, c’est vraiment déplacé. On y croit tous, Mat…

— Je peux savoir ce que tu branles, là ? grogné-je en me plantant derrière Florent, lui-même caché par un arbre.

Il sursaute et se retourne vivement dans ma direction, surpris d’être pris la main dans le sac.

— Oh Mat ! Tu m’as fait une de ces peurs ! Techniquement, je ne me branle pas, répond-il après un silence à ma question. Je surveille la Ministre. Tu seras d’accord pour dire qu’il y a plus désagréable, non ?

— Y a plus respectueux aussi, pour elle comme pour ta femme, rétorqué-je en me forçant à garder mon regard plongé dans le sien plutôt que sur la rivière.

C’est un peu difficile, je dois l’avouer. Il faut dire qu’outre le côté très agréable à regarder, Ysée est aussi et surtout hypnotisante. Mon esprit est très prolifique. J’imagine les gouttes d’eau cavaler sur sa peau, ses tétons pointés par la fraîcheur de l’eau, son air serein puisqu’elle adore nager et est dans son élément.

— Va réveiller les filles et préparer de quoi petit-déjeuner, je m’occupe de la sirène qui semble t’avoir envoûté, marmonné-je pour recentrer mes pensées.

— C’est elle qui m’a dit qu’elle allait se laver. Tu sais comment elle peut chauffer un homme juste avec un regard, ne me dis pas que tu y es insensible !

— Je sais surtout que tu es marié et que tu aurais dû lui dire de ne pas faire ça. Elle aurait l’air maligne à devoir partir à poil en cas d’attaque. Allez, fini le porno, au boulot !

Ok, je suis un enfoiré, mais il abuse clairement. Evidemment que je n’y suis pas insensible, qui pourrait l’être ? Pour autant, ce n’est absolument pas le moment de faire trempette à poil, merde ! Et je compte bien lui faire part de mon avis rapidement, ce qui me pousse à laisser Florent sur place pour rejoindre le bord de l’eau à bonne allure.

— Je peux savoir ce qui te prend ? lancé-je froidement. Tu ne crois pas qu’on a autre chose à foutre que de barboter dans la flotte ?

Elle se retourne, surprise, et m’offre une vue incroyable sur sa poitrine qu’elle recouvre de ses bras dans un geste instinctif avant de me dévisager.

— Ce qui me prend ? C’est qu’il fait chaud, que l’eau est bonne et que je ne suis qu’une femme, ce qui veut dire que j’aime être propre. Tu as d’autres questions idiotes ?

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