71. Essayer à nouveau ?

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Ysée


J’attends que Mathias soit remonté pour me tourner vers mon frère et je le regarde en plissant les yeux.

— M’essayer, c’est m’adopter ? C’est quoi, cette phrase ? Tu penses que je me laisse essayer par n’importe qui ou quoi ?

— Oh, Ysée, me prends pas pour un imbécile. Vous vous êtes mutuellement essayés, tous les deux, ça se voit comme le nez au milieu du visage.

— Eh bien, alors, laisse-moi te dire qu’il a essayé mais qu’il ne m’a pas adoptée. Je crois qu’il a juste eu envie de tirer son coup avec moi et qu’il ne dirait pas non pour recommencer, mais ça ne va pas plus loin. Le con ne pense qu’à mes fesses, je crois.

— Mouais, vu comme il te couve du regard, j’en doute. Tu me dis si tu veux que je le frappe, hein ? Bon… Ça attendra que ma cuisse aille mieux, mais un mot de ta part et je lui fais payer son comportement.

— Je sais me défendre, dis donc ! Qui est-ce qui a tout mis en plan pour venir sauver les tiennes de fesses ? D’ailleurs, tu as quoi exactement ? Tu t’es pris une balle ?

— C’est toi qui as monté l’opération ? Je croyais que tu étais venue en mode agent secret ? rit-il. Ma cuisse… Ouais, une petite balle, un nerf touché, ça pique mais ça va le faire.

— Disons que j’ai insisté pour qu’il y ait un truc et que Mathias a monté les opérations. Et arrête de me regarder comme ça, je te dis que ce n’est pas pour moi qu’il a fait tout ce ramdam !

— Peut-être pas que pour toi, mais tu es une bonne motivation, Grande Sœur ! Mais soit, si tu le dis, je vais faire comme si je ne l’avais pas vu te reluquer avec tendresse tout à l’heure, bien loin d’un regard d’homme intéressé par ton “joli petit cul”, comme il dit.

— Tu parles, il doit être en train de s’occuper de ta sauveuse, là. Pour lui, un cul, c’est un cul. Et celui de Blondie doit lui convenir autant que le mien.

— T’es jalouse ? s’esclaffe-t-il. Trop mignonne !

— Putain, t’es comme lui, toi. Vous avez quoi à me trouver mignonne parce que je le critique ? Et comment tu fais pour toujours ramener à moi alors que je veux savoir comment tu vas ?

— Je vais bien, je t’ai dit. Tu préfères qu’on parle de ton plan cul qui semble t’intéresser un peu plus que prévu ou que je te reproche ta folie d’être venue ici ?

— Avoue que tu es quand même content de me voir ! Sinon, je crois que tu aurais pu rester dans ce village encore plusieurs semaines ! Imagine la détresse des parents…

J’évite de revenir sur le plan cul. Cela me met un peu trop mal à l’aise et surtout, ça m’interroge. Mathias m’a vraiment regardée avec tendresse ? J’ai du mal à y croire. C’est un queutard, ce mec, pas un tendre ni un romantique…

— Eh bien, je crois qu’il aurait mieux valu qu’ils ne risquent de perdre que leur fils, et pas leurs deux enfants. T’es folle, Ysée, t’aurais jamais dû venir. Imagine si… tous les deux on avait disparu. Comment Maman aurait géré toute seule avec Papa ?

Il n’a pas tort sur le fond et je ne réponds pas tout de suite, le temps de réfléchir à ce que je vais lui dire.

— Je crois que Maman ne sera bientôt plus en capacité de gérer Papa, quoi qu’il arrive. Quand tu as disparu, il s’est encore plus abîmé… Il était convaincu que tu allais apparaître à tout moment. Je… je crois qu’on est en train de le perdre…

— Il faut qu’on l’oblige à consulter alors. Hors de question de le laisser se perdre sans tout tenter.

— Oui, il va falloir que je te ramène, et qu’on essaie tous les deux de lui faire accepter les tests et les ateliers de remédiation cognitive dont avait parlé le docteur Bichkak.

— Oui, on va faire ça. Je le traînerai là-bas s’il le faut. Ysée… vous avez récupéré les deux autres gars de mon équipe ? Est-ce que… sur place, il restait des vivants ?

— Il y a eu des pertes. Et pour les gars dont tu parles, ils sont où ? On n’a vu que toi, ici.

— Dans des villages voisins… Je sais pas, les habitants ici ont trouvé plus sûr de nous dispatcher. J’étais trop dans les vapes pour les contredire.

— Il faut que j’en parle à Mathias. On va tous vous récupérer et rentrer direct. J’ai trop hâte de retrouver un peu de confort au Palais !

— Tu regrettes déjà ta balade ? rit-il. Je suis sûr que Mathias est un bon matelas, au pire, non ?

— Il y a peut-être plus agréable qui m’attend à la Capitale, Daryl ! Surtout, ne bouge pas, je reviens, il faut que je prévienne mon Chef !

— Je peux pas aller bien loin, donc je t’attends, promis. File… après un bisou, quand même !

Alors que je me penche pour déposer un petit bisou sur sa joue mal rasée, il s’agrippe à moi et me serre fort contre lui. Il a beau dire que je suis folle, je pense que ça lui fait plaisir que je sois là et que son calvaire s’achève. Je remonte l’escalier et trouve Mathias, seul, près de la porte d’entrée, attendant patiemment.

— Quand je pense que tu ne voulais pas m’emmener et que tu m’as menti ! l’attaqué-je immédiatement.

— Hum… T’as oublié ta joie et ta bonne humeur à la cave ?

— Cette joie et cette bonne humeur, tu m’en aurais privé si je ne t’avais pas suivi ! Tu te rends compte que tu voulais m’empêcher de retrouver mon frère ? Tu ne t’es pas dit que ça pouvait m’intéresser de le voir ?

— Pourquoi faut-il toujours que ce soit ma faute, avec toi ? Je me suis simplement souvenu de ce que tu m’as dit ce matin, sur le fait que tu avais eu ton lot d’émotions et que tu avais peur de tomber sur la tombe de ton frère, tu vois ? Alors je voulais vérifier par moi-même qu’il s’agissait de lui et m’assurer qu’il était en forme avant que tu le voies.

— Je ne suis pas une petite poupée fragile, Mathias. Je suis plus forte que ce que tu ne crois. Si tu pouvais t’en souvenir de temps en temps, ça me ferait plaisir.

Je sais que je suis injuste avec lui mais je ne peux m’empêcher de le provoquer. Je crois que je suis encore plus excitée en sa présence quand on s’engueule.

— Bien, je m’en rappellerai, c’est noté. Évite de me dire ce genre de choses si derrière tu me le reproches. T’es vraiment une sacrée girouette, Ysée, c’est fatiguant.

— Tu n’es pas encore habitué ? Je ne demande pas grand-chose, juste un peu de respect, tu vois.

— J’ai respecté ce que tu voulais ce matin en te laissant rester au camp. Et toi, quand est-ce que tu me respectes ? Franchement, je veux bien être cool, Ysée, mais là t’es vraiment injuste et tu m’emmerdes.

— Moi, je t’emmerde ? C’est la meilleure, celle-là ! Toi, dès qu’une femme te tient tête et s’affirme, tu montes sur tes grands chevaux !

— Non, tu ne t’affirmes pas, là, tu cherches juste à m’emmerder, et ça marche, bravo ! C’est quoi ton objectif, au juste ? Parce que je doute que me reprocher d’avoir respecté ton envie de rester en retrait soit une bonne façon d’y parvenir ! Mais soit, je la boucle, j’encaisse, encore, et je te laisse jouer ta petite princesse. Vas-y, continue, la diva, je m’en remettrai. Mais viens pas te plaindre derrière.

— Bon, on va arrêter là, alors. J’étais juste remontée pour te dire qu’il faut que tu ailles voir ta nouvelle conquête, la jolie blonde. Daryl m’a dit que ses potes qui ont survécu ont été mis à l’abri dans les villages autour d’ici. Je suis sûre que si tu lui fais un bisou, elle te dira tout. Et sans faire sa princesse, comme tu dis.

Je suis vexée. Clairement, je n’aime pas quand il me traite de diva. L’emmerder, oui, c’est ce que je fais, mais je pensais qu’il aimait ça. Eh bien, tant pis pour lui s’il n’apprécie pas, je ne vais pas changer de personnalité pour lui, quand même !

— Oui, je sais, on ira les récupérer demain matin. Je te demanderai à ce moment-là si tu préfères venir ou pas, histoire que tu ne changes pas d’avis entre temps. T’as un problème avec Dita ?

— Non, aucun problème. Je ne vois pas pourquoi tu me demandes ça. Si tu aimes les blondes à forte poitrine, fais-toi plaisir, ne puis-je cependant m’empêcher d’ajouter un peu amèrement.

— Pourquoi ? Eh bien, tu ne lui as même pas parlé et à chaque fois que tu la regardes ou parles d’elle… J’ai l’impression que tu rêves de l’étriper. Donc, ça ne te pose pas de souci que je tente ma chance ? sourit-il en approchant.

Purée, il veut ma mort ou quoi ? Et ce soir, je te jure qu’à aucun moment, je ne le laisse s’approcher de moi sous la tente. Mais je m'efforce de la jouer cool.

— Fais comme bon te semble, elle n’a pas l’air farouche, tu aurais tort de te priver.

— Tu vas réussir à t’endormir sans te coller à moi, ce soir ? rit Mathias en collant son corps contre le mien jusqu’à m’acculer contre le mur.

— Tu rêves si tu crois que je vais te laisser m’approcher une fois que tu en auras fini avec Blondie, lui lancé-je sans pourtant chercher à me dégager.

Je suis folle, je crois que j’aime bien quand il se montre aussi sûr de lui. Sa barbe est à quelques centimètres de ma joue et j’ai envie de m’y frotter. Son corps est à quelques centimètres de moi et j’ai l’impression que s’il se rapproche, je vais devenir folle de désir. Je suis folle de toute façon, c’est confirmé.

— Vraiment ? Tu as peur de la comparaison possible entre vous deux ?

— Si tu crois qu’on est comparables, c’est vraiment que tu as une piètre opinion de moi, craché-je presque à son visage. Tu n’as aucun goût, Mathias.

— Tu me déçois, Ysée, soupire-t-il en nichant son nez dans mon cou. Dévaloriser une autre femme pour te défendre plutôt que d’avouer que tu es jalouse, je ne pensais pas que tu étais comme ça.

Je frissonne à son contact et essaie de ne pas réagir, mais tout mon corps me trahit. C’est comme si j’étais transpercée par de multiples éclairs et c’est impossible de garder mes distances. Je noue mes mains derrière son cou et je me colle tout contre lui en posant mon front contre le sien avant de lui chuchoter doucement :

— Je n’ai jamais été comme ça, mais je crois que tu me rends folle, Mathias. Et j’ai horreur de ça. Mais en même temps, j’adore. Alors, tu vas encore me traiter de folle ou de diva, mais là, tout ce dont j’ai besoin, c’est de ça.

Je me penche vers lui et dépose mes lèvres contre les siennes avant de l’embrasser avec fougue. Je crois que je parviens encore à le surprendre car, dans un premier temps, il se laisse faire sans vraiment réagir, mais rapidement, il me serre contre lui et me plaque contre le mur. Sa bouche se fait vorace et je jurerais qu’il est aussi fou de désir que moi vu l’intensité avec laquelle il me dévore. Sa langue et la mienne entament un baiser dont je me souviendrai longtemps, je crois, et qui me laisse pantelante quand il s’écarte.

— Ah non, pas déjà ! le réprimandé-je avant de l’attirer à nouveau contre moi pour reprendre notre étreinte. Je veux que tu te rendes compte de ce que tu pourrais rater si tu fais le mauvais choix !

— Le boulot, Ysée, soupire-t-il en posant ses lèvres sur mon front. Il faut que j’aille chercher les gars au campement, et, crois-moi… je sais ce que je pourrais rater.

Il a raison. Il est chiant, mais il a raison. On n’est pas en vacances, pas au club Med, on est en mission et là, je suis en train de tout désorganiser parce que je ne sais pas maîtriser ma libido.

— Oui, le boulot soupiré-je. Mais bon, tu ne vas quand même pas partir et me laisser sans un petit bisou ? le tenté-je en pinçant mes lèvres dans ce que j’espère être une moue charmante.

— T’es quand même plus mignonne quand t’es docile comme ça, me lance-t-il en attrapant mon menton pour planter un rude baiser sur mes lèvres. A tout à l’heure, et ne fais pas n’importe quoi, pour changer !

Je le regarde partir, entre énervement contre son emploi du mot docile et émerveillement sur les sensations que le moindre contact avec lui provoque chez moi. Il va voir si je suis une femme docile. Il me rend tellement folle que si on vient à “s’essayer” à nouveau, je risque de me transformer en furie de sexe. J’ai envie de lui et je compte bien tout faire pour qu’il oublie toutes les Dita du monde. La première fois avait vraiment un goût de trop peu, il faut que la prochaine soit si mémorable qu’il ne puisse plus jamais voir une femme sans penser à moi.

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