AugmenT

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Rien n’est plus proche du vrai que le faux.

Albert Einstein

Secteur 2

Appartement de Waldo Sirce

Je me réveillai en pleine forme. La première fois depuis des lustres.

Je ne demandai rien à Tom car je savais pour nous. Nous étions reliés, comme nous l’avions toujours étés, sauf que maintenant j’en avais conscience.

Tom m’expliqua calmement les choses, comme un professeur bienveillant à un élève en difficulté. D’abord il me rassura. Je gardais le contrôle et Tom se devait de respecter les règles de la robotique. Il employa le mot “symbiose”, il trouvait que cela convenait le mieux pour résumer notre nouvelle relation.

Il insista sur le fait qu’il parasitait mon cerveau mais en douceur. Quel veinard je faisais !

Je pris les choses avec philosophie. Peut-être parce qu’étrangement, je ne ressentais rien de spécial et je n’éprouvais aucune douleur. Nulles sensations de chaleur, nuls picotements, nulle gêne, nul vertige. Avec le recul, ma précédente crise de panique me sembla même saugrenue.


Les infos me venaient tout naturellement, directement transmises par Tom. Il me suffisait d’y penser.

Lena Dwarcolovna avait tenté de me joindre toute la nuit. Une dizaine d’appels. L’information circulait dans ma tête au milieu de je ne savais combien d’octets de données.


L’agent chef avait laissé un message se résumant ainsi, la rejoindre au plus vite au bureau d’Angelo, sans plus.

Je voulus en savoir davantage. Tant qu’à faire.

Les recherches dans les data ne menèrent à rien. Toutes les portes des bases de données s’ouvraient sur “Information non disponible” ou “accès verrouillé”. Tom m’envoya une impulsion synaptique pour me faire comprendre que toute nouvelle prospection aboutirait au même résultat.

[Peine perdue Monsieur.]

Je ne l’avais pas entendu me parler, mon cortex s’était contenté de décoder l’influx pour le transformer en message. Sous la forme d’une pensée. Vertigineux.

[Pourquoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ?] pensai-je, sans dire un seul mot.

[Parce que les data fonctionnent ainsi Monsieur. Certaines sont cryptées ou protégées, d’autres en cours d’actualisation, beaucoup n’existent tout simplement pas encore. L’information que vous recherchez peut entrer dans chacune de ces catégories. L’Algorithme n’a pas réponse à tout.]

[A quoi il sert alors ?] émis-je inconsciemment.

Il me répondit du tac au tac en m’envoyant les influx par saccades, comme on distribuait les cartes à une table de poker.

[L’Algorithme n’est qu’une base de données Monsieur. Une colossale encyclopédie qu’il convient d’apprendre à utiliser si l’on veut savoir et comprendre. Vous n’obtiendrez de lui que des réponses à la hauteur de vos questions. Jamais plus.]

[La vache mon servCom avait-il toujours été aussi sensible ? Il suffit de penser et…]

[Il entend tout], conclut Tom par une dernière impulsion synaptique.

Il savait aiguiser mon intérêt et ma curiosité. Un nouvel univers s’ouvrait à moi.

[Et les données cryptées, on peut les décrypter ?] émis-je, sans prendre le temps de réfléchir.

[Tout est possible Monsieur mais dans l’immédiat il vous faudrait davantage de compétences. Le temps nous manque. Nous sommes attendus.]


Le bureau d’Angelo ressemblait à un tableau de Jackson Pollock en trois dimensions. Une version macabre. Il y avait du sang partout. La tête de mon ami avait éclatée, comme le ferait un fruit très mûr tombant d’un arbre trop haut. Son contenu avait éclaboussé de substances grisâtres, rosâtres et noirâtres, les murs, le plafond et le sol jadis d’un blanc immaculé.

Au milieu de cette composition malsaine, l’équipe du Ministère de la Sécurité de l’Etat s’affairait silencieusement comme des automates privés de parole. Le Guoanbu ne traînait pas.

J’avançai avec peine. Mon état de choc, et la combinaison de protection intégrale, qu’on m’avait demandé de revêtir avant d’entrer, ne facilitaient pas les choses. Mon corps était parcouru de frissons et mes mains tremblaient. Caféine mise à part, je n’avais rien pris depuis hier. Ni tranZ, ni boosT, ni relaX. Je me souvins que ma boîte de médocs était dans une de mes poches, sous la combinaison, hors d’atteinte.


[Pourquoi en avais-je envie à ce moment précis ?]

[Parce que vous êtes en manque Monsieur.]

[Tom fous moi la paix je te prie. Ce n’est pas le moment.]

[Bien Monsieur. Faites-moi savoir quand vous aurez besoin de moi.]

En voilà une excellente idée. Je devais trouver un moyen de le court-circuiter mon servCom lorsque j’éprouvais le besoin de rester seul avec mes pensées. Certaines de mes ruminations cérébrales n’appartenaient qu’à moi et je ne souhaitais pas recevoir de commentaires sur chacune de mes pensées. Même le Consortium nous accordait un quota d’intimité. Peut-être qu’un mot de code permettrait de résoudre ce problème. Mais plus tard.


La lumière trop vive brûla mes rétines et le silence relatif qui régnait sur les lieux me sembla assourdissant. L’odeur était écœurante, épaisse et collante. On aurait pu la saisir au vol. Elle traversait le masque de protection qui recouvrait ma bouche et mon nez.

Totalement désorienté, j’eus du mal à réaliser que le corps décapité qui reposait sur le bureau en fibre de carbone blanc était celui de mon supérieur. Hier, en milieu de journée, nous nous parlions encore.

Le haut de son fauteuil à oreillettes avait été pulvérisé. Derrière lui, la grande surface vitrée donnant sur les alentours semblait étrangement intacte. Seul un petit rond parfait et plus clair que le reste signalait l’entrée du projectile.

Voilà donc pourquoi Lena Dwarcolovna cherchait à me joindre un bonne partie de la nuit.


Ce matin, j’avais d’abord pris le temps de nettoyer le vomi séché qui maculait ma table basse. Je profitai ensuite d’une bonne douche et bus deux cafés. J’effectuai tout cela en conversant mentalement avec Tom qui m’aida à relativiser.

Je n’acceptais pas qu’il soit dans ma tête. Comment le pourrais-je ? Moi le cul-plat devenu du jour au lendemain un augmenT de niveau 0. Mais, pour je ne savais quelle obscure raison, jusqu’à présent, je parvenais à le supporter.

Ce sentiment s’accompagnait d’un dégoût encore plus grand à l’égard de SpecieZ et d’un je-m’en-foutisme sans précédent. L’espèce de rêve que j’avais fait pendant la nuit y était certainement pour quelque chose. Durant mon sommeil, certaines pièces du puzzle venaient de se réagencer comme par magie. D’autres, depuis toujours en place, confirmaient ce que je subodorais depuis l’accident et ma sortie du coma. Le Consortium cherchait à me ménager car je détenais quelque chose qu’il voulait.

Ce n’était pas des certitudes, mais plutôt un genre de pressentiment, comme à chaque fois, mais en plus fort. Des bribes d’octets qui rampaient dans ma matière grise. Des nanos données convergeant toutes vers le même point de focalisation, l’ingénieur quantique Romain Sirce, mon père.


Je fus pris d’une envie irrépressible de démissionner. Ce sentiment m’habitait depuis ce matin. Une tentation de tout envoyer balader pour de bon. Me libérer, enfin. Quant à ma soeur Natacha, je parviendrai également à la tirer d’affaire. Je réparerai mes erreurs, je me rachèterai. Il existait forcément une autre possibilité. Tom m’aiderait à trouver.

En attendant, pourquoi ne pas se servir du Consortium ? Pourquoi ne pas continuer à jouer les hypocrites ?

Étrangement, j’éprouvais de la peine pour Angelo. Cet enfoiré me manipulait depuis si longtemps, et pourtant il n’en demeurait pas moins qu’il était mort.


Je rappelai l’agent chef Dwarcolovna. Peut-être par besoin de m’occuper l’esprit, ou parce qu’il devait me rester un reliquat de conscience professionnelle. A moins que ce fut un autre pressentiment. Je ne saurais pas dire.

“Je vous attends dans le burrreau de votrrre patrrron au plus vite !” s’était elle contentée de me dire. Ni formule de politesse, ni explications.

Vingt minutes plus tard, j’étais devant ce qu’il restait du responsable du SEC.

Un roulement de tambour me sortit de mes pensées.

— Il est morrrt surrr le coup !

“Sans blague”, pensai-je. “En voilà une info !” Mon regard resta figé sur le corps de mon supérieur. J’avais une boule dans la gorge. Je m’envoyai un post-scriptum mental “Ne pas vomir devant la dame ça lui ferait plaisir ! En plus tu portes un masque !”

Tom ne broncha pas.

La neuroCam de la transoP s’amusa une fois de plus à me détailler par une série d’allers-retours insensés. Check-up complet. Elle s’attarda sur mes poches, mon cœur, mon cerveau. Elle sourit ou grimaça, je n'en savais rien.

— Vous êtes là en temps qu’ami ou en tant que rrrenifleurrr ?

— Les deux mon colonel ! Répondis-je sans réfléchir, et avec l’agressivité d’un mari découvrant qu’il est cocu. Vous m’avez appelé pour que je vienne. Vous avez déjà oublié ?

Lena Dwarcolovna n’avait pas de masque. Cela devait, sans doute, lui créer trop de buée sur l’objectif de sa neuroCam. Elle m’adressa un sourire contrit d’augmenT compatissant. Un nouveau rictus qui me donna envie de la frapper. Une grimace qui me renvoyait à la figure ma pauvre condition de cul-plat. Elle plissa son unique œil pendant que sa neuroCam faisait un nouveau point. “A quelle vitesse mon coeur battait-il ? Etais-je en train de craquer ? Oui sans aucun doute ! Allais-je vomir ? Peut-être !”


Mais qu’est-ce que je me faisais comme idée ? Elle devait être au courant pour mon servCom. Elle savait que j’avais ce truc dans le crâne. Elle devait bien savoir que je n’étais pas un cul-plat mais un augmenT comme elle. Alors pourquoi ce sourire ? Bon sang encore ce tourbillon de pensées comme hier soir. Ne pas perdre les pédales.

— Balle autoguidée EXACTO. Tirrr longue distance depuis l’immeuble Le Magnifique. C’est ce qu’il y aurrrait de plus logique pour un tirrr pareil.

Le Magnifique ? Mille deux cent mètres à vue de nez. Sacré distance pour un tir de précision. Mais avec un projectile EXACTO pas besoin de s’y connaître. Il faut juste savoir tenir un fusil et viser la cible. L’autoguidage fait le reste, pensai-je. Mais ce matériel il fallait quand même pouvoir se le procurer. Ce n’était pas à la portée du proD lambda.

— Du matériel de pointe. Vous avez collecté des Data ? demandai-je.

— Non. Plus rrrien. On a tout effacé. Cela semble êtrrre à la mode ces derrrniers temps.

— Les mauvaises habitudes s’installent très vite il paraît.

Elle sourit de nouveau. Elle pouvait avoir un beau sourire. Elle aurait pu être belle s’il n’y avait pas eu cette neuroCam.

— Vous n’avez pas rrrépondu à mes appels hierrr Monsieur Sirrrce.

— Je n’ai pas de compte à vous rendre Agent Dwarcolovna.

— Agent-chef je vous prrrie. Peut-êtrrre sur vos enquêtes Rrrenifleurrr, mais surrr les miennes vous devez me rrrendrrre des comptes. Alorrrs je rrrepose ma question. Pourrrquoi n’avez-vous pas rrrépondu quand je vous est appelé hierrr ?

Pas un muscle de son visage ne bougeait tandis qu’elle me dévisageait avec intensité. Une lionne n’aurait pas regardé autrement une antilope avant de lui bondir dessus. Il n’y avait plus ni lion ni antilope sur notre planète, mais, ayant vu pas mal de vieux reportages sur le sujet, la comparaison me sembla à propos.

— Je dormais. J’étais fatigué. Alors je me suis couché tôt. Ça vous va ?

De toute façon pourquoi me posait-elle ces questions ? Elle n’avait qu’à consulter les Data.


Je me souvins alors de Lydia. Je ne savais rien de plus à propos de la vie privée d’Angelo.

— L’épouse de Monsieur PERADA est-elle au courant ? repris-je.

— Oui. Mais nous n’avons pas eu à lui dirrre. Un message automatique lui a été trrransmis via le strrraphone de votrrre patrrron au moment prrrécis de son décès. 00:01:11.

Par quel miracle la chose avait-elle été possible ? Comment Angelo aurait-il pu connaître l’instant précis de sa mort ?

Je tentai de jouer l’impassible.

— Que disait le message ?

Léna pris quelques secondes avant de me répondre. Le temps pour sa neuroCam de faire plusieurs mises au point.

Je me demandai, si comme moi, les gonzes du Guoanbu portaient un servCom dans le crâne. Non. Elvis avait été clair sur le sujet. Les prototypes ne courraient pas les rues.

— Le message de Monsieur Perada était un message d’adieu à sa femme : “Lydia je t’aime. Parrrdonne-moi. Adieu mon bébé rose.”

— C’est tout ?

— Oui Monsieur Sirrrce, c’est tout.

[Pardonnez-moi d’intervenir Monsieur. Je sais que vous ne m’avez rien demandé, mais je viens de recevoir un message dans votre baseCom privée. L’expéditeur est Monsieur Perada.]

[Merci Tom.]


Il me fallait un plan.

Primo : ne rien montrer.

Deuxio : faire mine de collaborer.

Tertio : déguerpir.

En face de la neuroCam d’une transoP appliquer le point un relevait de l’exploit. Alors pour donner le change, je passai directement au point trois, en tentant bien sûr de respecter le point deux.

— Agent-chef Dwarcolovna, je vous apporterai toute l’aide nécessaire. Angelo était mon ami avant d’être mon supérieur hiérarchique, mentis-je. (Surtout ne pas être trop obséquieux, cela paraîtrait suspect). Mais Madame Perada va avoir besoin de soutien, et je souhaite y aller.

Je n’attendis pas son autorisation. Je traversai la pièce comme si elle tanguait. Il fallait éviter les éclaboussures de sang indiqués par de petits marqueurs en plastique jaune. Je pouvais presque sentir, sur mon occiput, la neuroCam de Lena tenter de lire mes pensées et détecter mon mensonge.

Je ne rendis pas visite à Lydia. Je ne la connaissais pas.

Je rentrai chez moi.


Ma nouvelle situation d’augmenT offrait des avantages. La télépathie avec le servCom sécurisait nos échanges et facilitait tout le reste.

La Satel accomplit le trajet en mode URGENCE, à travers les zones bleues bondées


La notification de message clignotait sur l’écran mural, au-dessus d’une petite fenêtre de saisie du code de décryptage. Un problème de taille restait cependant à régler, trouver le mot de passe permettant au logiciel de lire en clair la vidéo transmise par Angelo, sur notre canal de communication privé.

D’habitude il me transmettait le code en direct. Les circonstances étant ce qu’elles étaient, la chose ne serait pas possible dans ce cas précis.

[Tom relis-moi le message d’Angelo à Lydia je te prie.]

[Lydia je t’aime. Pardonne-moi. Adieu mon bébé rose.]

Décidément Angelo manquait d’ambition.

Je dictai “bébé rose” dans la fenêtre de saisie.

Une vidéo démarra sur l’écran mural. Angelo apparut avant que la consternation me submergeât.

Il était assis dans son bureau aussi ébouriffé que le matin où il m’avait sorti du lit. Il portait les mêmes vêtements. Il avait dû se filmer ce jour là. Les Data, permettant de préciser le contexte du message, s’affichèrent en gras dans le bandeau latéral réservé aux données.


Oumane, secteur 1 , Tour La Splendide

Dimanche 9 janvier 2033 , 06:27:36

Bureau d’Angelo Perada, Responsable du Service d’Enquête du Consortium

Durée du message : 6 minutes 02 secondes


(Angelo Perada est assis dans son fauteuil à oreillettes. Il fixe une caméra posée sur son bureau. Il n'a jamais semblé si laid.)

Bravo Waldo. Tu mérites ta réputation. Tu es un putain de Renifleur. Tes intuitions sont d’une acuité étourdissante. C’est ce qui m’a toujours impressionné chez toi. Tu arrives à savoir et à comprendre avant les autres. La preuve, tu visionnes ce message.

Maintenant que tu es un augmenT, tu vas devenir encore plus redoutable.

Oui Waldo, je sais pour ton servCom et j’espère que tu me pardonneras. C’est moi qui ai eu l’idée de t’implanter ce truc dans le crâne. En tant que responsable du projet, j’étais persuadé que tu serais le prototype idéal.

(Sourire faussement gêné d’Angelo Perada)


Dans une certaine mesure je ne me suis pas trompé. Tu es un hôte parfait. Nous ne savons pas pourquoi, mais tu supportes l’implant comme personne avant toi. C’est certainement une prédisposition cérébrale qui permet ce miracle. Tu es un prototype unique Waldo. Quel dommage que tu n’aies pas d’enfant. Certes il y a quelques effets secondaires provoqué par l’inhibiteur, comme ces troubles de la mémoire, mais dans l’ensemble quelle réussite.

(Sourire toutes dents dehors)


Tu n’as qu’un seul défaut Waldo. Tu es un putain de camé. Et il a fallu que tu prennes de cette saloperie. Il a fallu que tu te laisses embobiner par ce salopard de turc. C’est à partir de ce moment-là que les choses ont commencé à sérieusement déraper.

(Grimace suivi d’un passage de langue sur ses vilaines lèvres brunâtres)


Tu connais les nombreuses spécialités du Consortium mieux que moi Waldo. Le tir dans les pattes entre services est un de nos grands classiques. Même si je te le concède, ce qui est en train de se passer, ressemble davantage à un coup d’état.

Cet enfoiré de Farma s’est mis dans la tête que le servCom pouvait intéresser les chinois, si utilisé comme prévu initialement, dans le cadre du projet Zombie. Car comme tu t’en souviens sans doute, l’implant servCom a été développé pour permettre la prise de contrôle de son hôte.

Les choses n’ont jamais fonctionné pour les autres, mais pour toi oui. Alors ce succès relatif nous a suffit et nous n’avons pas voulu aller plus loin. Hélas, récemment, réagissant à la frilosité du Consortium, le Farma s’est mis dans la tête de réactiver le projet initial.

A notre grande surprise, il a facilement réussi à trouver comment modifier l’état de conscience du porteur de l’implant. Il est parvenu à en prendre le contrôle.

(Nouveau sourire hypocrite d’Angelo Perada)


La Narcosynth Corporation est arrivée à synthétiser une drogue parfaite. Le TranZ. Elle modifie l’état de conscience du porteur qui perd sa lucidité et le contrôle de ses actions. Grâce à l’implant, l’hôte est téléguidé pour accomplir toutes sortes de missions. Ça marche à la perfection. Le porteur ne se souvient de rien.

(Angelo Perada reprend son souffle et boit un verre d’eau)


Ils ont réussi à te téléguider Waldo. Et avec ce succès, le turc est à deux doigts de prendre le contrôle du conso.

Alors nous avons décidé d’agir pour arrêter tout ça. Nous devions te réveiller. Et pour cela, il fallait que tu prennes conscience de ton implant.

A ma demande, Abel Montrivaje est parvenu à construire un brouilleur universel quantique. En partant du principe qu’un brouilleur classique interfère sur la collecte des Data, il a fini par trouver comment griller l’inhibiteur sans cramer tout le reste. Nous ne pouvions pas nous le permettre. Pour une fois, je pense que là-dessus, au moins, tu seras pleinement d’accord avec moi.

(Sourire toutes dents dehors)


Une fois l’objet imprimé, il s’agissait de trouver le meilleur moyen pour te le remettre. En tant qu’agents de SpecieZ nous ne pouvions pas le faire directement. D’autant que le Farma commençait à se montrer méfiant.

Abel est parvenu à prendre contact avec des agents d’AmaZing et il leur a remis l’engin. Plus tard, ils réussiront à te le faire parvenir.

Mais on n’abuse pas l’Algorithme éternellement et des changements dans les Data ont mis la puce à l’oreille des analystes de notre Pontife bien aimé. Le gros porc a fini par comprendre ce que nous tramions avec Abel. Il a décidé de faire le ménage en appliquant le projet Zombie. Histoire de faire coup double.

Abel n’a pas eu de chance. Il s’est fait descendre en retournant à son hôtel. C’est toi qui l’a grillé Waldo, alors que tu étais sous contrôle.

(Angelo Perada se rapproche de la caméra et pose sa tête sur ses mains en prière)


Disons que tu as reçu le Cube un peu trop tard. Abel ne verra pas l’aboutissement de son travail. Moi non plus d’ailleurs. A l’heure où je te parle, je suis mort. Si ça se trouve c’est toi qui m’a aussi exécuté. Je ne t’en veux pas. C’est la vie.

Il ne lui reste plus qu’à éliminer le dernier membre de notre petit groupe de complotistes. Rassure-toi, il ne pourra plus t’utiliser dorénavant, car si nos calculs sont exacts, le Cube aura fini par griller l’inhibiteur de ton servCom. Il doit d’ailleurs être en train de se demander pourquoi tu n’apparais plus sur les radars. Tu as donc un petit peu de temps devant toi avant qu’il ne se rende compte que tu ne lui sers plus à rien et qu’il lâche ses Traqueurs.

Cette courte avance devrait te permettre de sauver Erika.

(Angelo Perada saisit son verre et boit une nouvelle gorgée)


C’est à toi de jouer mon ami et de finir ce que nous avons commencé. Erika Vylmöss détient des infos qui peuvent faire tomber le Farma. Elle est donc en grand danger. Tu dois la sauver avant qu’ils ne la liquident.

(Angelo Perada se rapproche de la caméra. Il parle plus fort et plus vite)


Ne traîne pas Waldo. Quitte ton appartement au plus vite et planque toi. Souviens-toi que tu es un augmenT désormais. Continue de te fier à ton instinct de Renifleur et suis les conseils de ton servCom.

Prends avec toi tous tes nanoS et efface toutes les données résiduelles que tu peux.

Adieu mon ami. (Clin d’oeil à la caméra)


Fin du visionnage

Merci de votre attention


J’étais figé devant l’écran redevenu noir. Interdit.

Je me laissai aller en arrière sur le dossier de mon canapé et je fermai les yeux. C’était une bien étrange journée et Angelo me qualifiant d’ami voilà une chose bien surprenante. Quelle espèce d’enfoiré.

L’appartement était redevenu aussi silencieux qu’un tombeau égyptien. Je dressai l’oreille comme un chien aux aguets. Pas de crissements de pneus dans la rue, pas de sirènes. Aucun ramdam. Les analystes du Consortium n’avaient encore rien remarqué dans l’immense flux quotidien des Data.

Je me repenchai sur la table. Le message d’Angelo était clair : “Ne te pose pas de questions. Fonce !”

Je me redressai et me dirigeai sans traîner vers mon placard pour y récupérer le maximum d’affaires.


[Tom, tu as entendu les instructions ?]

[Bien sûr Monsieur.]

[Alors exécution. Efface toutes les données résiduelles qui peuvent traîner dans les appareils de l’appartement.]

[Dois-je soumettre l’autorisation à l’Algorithme Monsieur.]

[Et puis quoi, me poser un traceur tant que tu y es ? Tu es débile ou quoi ?]

[Pardonnez-moi Monsieur.]

[Ce n’est pas grave. Excuse-moi. Tiens la robocar prête et programme le trajet le plus rapide vers l’hôtel Le Fidèle. Nous n’avons plus une seconde à perdre.]

En moins de temps qu’il fallait pour le dire, je récupérai l’essentiel : quelques fringues et affaires de toilette, l’intégralité de mes nanoS, mon fusil, l’intégralité de mes médocs et ma très chère machine à café.

Après avoir fourré le tout dans la robocar, je m’avalai deux boosT. Il valait mieux ne plus toucher au tranZ jusqu’à nouvel ordre. Maintenant que j’avais retrouvé le contrôle j’avais intérêt à ne plus le lâcher.

Je commandai l’ouverture de la porte du garage et me préparai à un assaut de Traqueurs en embuscade. Mais rien. La rue était vide. Seule la lumière m’attaqua avec son arrogance habituelle.

Après avoir affiché sur le tableau de commande l’itinéraire que Tom avait retenu pour Le Fidèle, j’activai le pilotage manuel de la robocar.

Je n’avais pas de temps à perdre si je voulais sauver Erika Vyltmöss.

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