Le royaume du miroir brisé
Il était une fois un royaume où nul ne pouvait parler plus haut que son ombre. Le roi y exerçait un pouvoir absolu : il décidait des saisons, du prix du pain et même de la couleur des rêves. Ses courtisans, eux, vivaient dans le luxe, profitant de chaque privilège accordé par la couronne.
Pour le peuple, il n’existait qu’une loi, un seul principe : obéir sans questionner. On répétait aux enfants que c’était la seule manière de survivre.
Un jour pourtant, un jeune tailleur se leva au milieu de la place. Il avait filé des habits pour des centaines d’hommes mais n’avait jamais eu de quoi vêtir son propre enfant. Alors il osa demander : « Pourquoi tant pour eux, et si peu pour nous ? »
La foule hésita. Chacun sentait peser sur ses épaules la lourde menace des gardes. Mais dans les yeux des voisins, une étincelle de courage s’allumait. Car enfin se posait la vraie question : avions-nous un choix de continuer à subir ?
L’envie de se libérer grandissait, semblable à une source qui déborde au printemps. On commença par de petits gestes : partager un quignon de pain, détourner un regard complice. Puis vinrent les rassemblements nocturnes, où l’on parlait à voix basse de justice et d’avenir.
La première aurore de révolte se leva quand les habitants refusèrent de payer l’impôt. Des charrettes entières restèrent vides devant le château. Le roi hurla, les soldats frappèrent, mais le peuple tenait bon.
Ce fut un jour de solidarité, comme on n’en avait jamais connu.
On dit que le roi, furieux, brisa son miroir en mille morceaux. Et que dans chaque éclat, les habitants purent enfin se voir tels qu’ils étaient : non plus des sujets isolés, mais une communauté debout.
Depuis ce jour, le royaume n’est plus le même. Le roi règne peut-être encore, mais nul ne l’écoute comme avant. Car une fois que l’on a levé les yeux, il est impossible de les baisser de nouveau.
Annotations
Versions