Une bouteille pour hier
A toi, petite fille nichée au creux du ventre,
qui meurt si jeune, si tôt, d'être vivante,
qui ne rêve déjà plus quand enfin elle s'endort,
Je t'écris de plus tard, d'après, du pas encore,
cette lettre, cette missive, ce nécéssaire présage
pour t'aider comme je peux à traverser l'orage,
Pour adoucir cette peine dont tu ignores la cause,
comme une main alliée, qui tendrement se pose,
pour qu'enfin t'abandonne cette idée mortifère,
que tu dessines l'été, blottie contre ta mère,
A toi, qui sous la robe à fleur, dû enfiler l'armure,
qu'aucuns ne voient jamais l'horreur de ta blessure,
Privée de corps, de mots, cherchant dans le miroir,
où commence vraiment cet infini trou noir,
combattant dans le vide, l'insoutenable reflet,
d'une douleur dévorante, d'une indiscible plaie,
Tentant de toutes ses forces, sans pitié ni répit
de vaincre le doucereux poison de la mélancolie,
Je te promets qu'un jour, pas maintenant, pas demain,
Tu goûteras le sel de l'azur, la passion du carmin.
Cette nuit que tu traverses, que tu penses éternelle,
n'a pas éteint de vie, ta fragile étincelle.
Tu te croiras dépouillée, au bord du précipice,
et ne verras pas poindre ce beau feu d'artifice,
tu ne sais pas que ce soir, dans le froid et la pluie
Jaillira pour toujours, la douleur de l'oubli.
A toi, qui affronte des ennemis bien plus grands
que le loup, la sorcière ou les moulins à vents,
Jetée dans la bataille, dans cet intime combat,
Au déshonneur de fuir, tu préfères le trépas
Munie de ton épée, pensant voir le démon
tu comprendras trop tard, qu'il n'est qu'une illusion.
Un mirage, un fantôme, un boût d'âme terrifiée,
serrant tout contre lui le souvenir oublié,
d'un ancien monde obsur et terrifiant,
où parfois les géants dévorent des enfants.
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