Ô tempora Ô mores
Quand la mort frappe à la porte, tu parles ! Maintenant c'est du baclé, ça se passe dans la rue, au p'tit bonheur la chance, ça défouraille pour un rien et même pour rien !
Quand je pense à mes belles années, j'en suis toute retournée ! Faut dire que j'avais fait des frais pour l'accueillir la mort, moi. Une p'tite maison un brin bourgeoise, au fond d'un parc, belle porte en bois de chêne (pas de sapin : trop mauvais goût) avec un heurtoir solide et on ne savait jamais qui arriverait en premier : la mort ou le mort en sursis ?
Moi j'accueillais l'un comme l'autre avec sérieux, des fleurs fraîches dans les vases, une table bien garnie, repas faits maison siouplaît, des chambres confortables, propres et des draps fleurant bon le grand air.
On avait du savoir vivre avec qui allait mourir. Jamais de questions, que des sourires et de la bonne humeur, fallait pas trop causer car on aurait pu s'attacher. Mais les clients, faut dire, qu'ils restaient jamais très longtemps alors je désemplissais pas ! Surtout que niveau nettoyage, c'était bien organisé aussi. Quelques branquignolles parfois, mais pas de quoi fouetter un chat ! Et puis tout le monde était bien poli "bonjour Madame" "au revoir Monsieur" c'est qu'après qu'on savait qui était qui, alors valait mieux être avenant avec tout le monde. Et discret, surtout.
La clé de la réussite dans ce métier c'est ça : la discrétion, entre gens de bonne compagnie on se comprend et même qu'on finit par s'apprécier. Alors forcément ça se sait dans les milieux autorisés, la réputation c'est important aussi, ça permet de fidéliser la clientèle.
Aujourd'hui, c'est rare qu'elle frappe à la porte la mort, on l'interpelle n'importe quand, n'importe où et pour n'importe quoi, on lui fout en l'air son agenda, on l'ubérise à tout va. Plus aucun respect ! Un jour elle pourrait bien se mettre en grêve la mort, bon pas trop le genre pourtant, mais y a des limites, non ?
Et on fera quoi à ce moment-là, hein ?
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